Festival de Cannes : un palmarès de scandales

Aude Boutillon | 6 mai 2011
Aude Boutillon | 6 mai 2011

Ah, que serait Cannes sans son lot de petits scandales croustillants ? Derrière son défilé de robes de haute-couture, de sourires figés et de poses glamour, indignations, controverses, insatisfactions, et petits imprévus divers et variés font rage durant douze jours. En attendant le florilège 2011, retour sur les esclandres les plus célèbres et les plus marquantes de la Croisette.

 

 

 

Public ingrat

Les décisions du jury n'ont pas toujours satisfait un public aux critères de sélection manifestement différents. Les huées sont même devenu le lot habituel des projections de la Croisette. En 1960, Fellini reçoit la Palme d'Or pour sa Dolce Vita, tout en se faisant huer par le public cannois, qui n'épargne pas, la même année, L'Avventura d'Antonioni, pour son manque d'éclaircissements dans la résolution de l'intrigue. En 1978, l'assemblée va jusqu'à arroser copieusement la scène d'un jet de tomates après la présentation de Molière en sélection officielle. En 1996, c'est au tour de Crash, le sulfureux film de Cronenberg (pléonasme) de provoquer l'outrage, en mettant en scène un couple réalisant ses fantasmes dans les accidents de voiture. La remise du Prix spécial du Jury au film n'arrangera rien, relançant les huées dans l'assistance. L'année suivante, rebelote pour le Funny Games de Michael Haneke, qui, en affirmant vouloir dénoncer la violence par la violence, amène certains à se demander s'il n'en fait pas justement l'apologie. En 2002, Irréversible débarque sur la Croisette entaché d'une réputation sulfureuse et de qualificatifs tels que « insurmontable » ou « extrêmement violent » alors que personne ne l'a encore vu. Au final, si le film n'échappe pas aux sifflets et huées divers, nul malaise en cours de projection n'est à déplorer.

 

 

Les films surfant sur l'actualité, quant à eux, ne ravissent pas toujours l'audience : en 1997, les policiers du service d'ordre du festival tournent le dos à l'équipe de La Haine, menée par Mathieu Kassovitz, interprétant le film comme une véritable déclaration de guerre à l'égard de leur corps de métier.

Les premiers concernés ne se contentent toutefois pas toujours de sortir penauds de ces cérémonies désastreuses. En 1987, Maurice Pialat brandit le poing en scandant au public qui le siffle « Si vous ne m'aimez pas, sachez que je ne vous aime pas non plus ! » lorsqu'il reçoit la Palme pour Sous le Soleil de Satan. Quentin Tarantino ne décevra pas non plus ses nombreux fans, en se fendant d'un petit doigt d'honneur à l'attention de ses détracteurs à l'occasion de l'obtention de la récompense suprême pour Pulp Fiction.

 

 

 

Jurés peu zélés ?

Les considérations artistiques sont-elles véritablement les seules prises en compte pour décerner les récompenses cannoises ? Voilà une question qui a fait longuement jaser, sans pouvoir trouver de réponse irréfutable. On s'en approche pourtant en 1979, peu après que l'écrivain Françoise Sagan a présidé la 32ème édition du festival de Cannes. Elle dénonce alors la pression exercée par la Direction du festival sur le jury pour attribuer la Palme à Apocalypse Now. Le président du Festival, Gilles Jacob, n'a pas hésité à son tour, dans ses Mémoires publiées en 2009, à dénoncer l'autoritarisme de certains présidents de jury, comme ce fut le cas en 1991 avec Barton Fink, hommage au cinéma de Polanski, lequel, coup de chance pour les Coen, était alors à la tête du jury cannois. Le film obtint au total trois récompenses, un monopole que la direction du festival prendra soin de pouvoir empêcher pour les éditions futures.

 

 

En 2004, des suspicions entourent le choix de la Palme par un Jury présidé par Quentin Tarantino, qui récompense le Fahrenheit 9/11 de Michael Moore, véritable pamphlet anti-Bush. Cinq ans plus tard, c'est la consécration de Haneke pour Le Ruban blanc qui provoque la circonspection ; le jury est en effet présidé par Isabelle Huppert, qui a tourné pour le premier à deux reprises, et le compte parmi ses amis.

   

 

Caprices de starlettes et humiliations diverses

La première à citer sera bien entendu celle dont l'attitude irréfléchie ne lui fera gravir qu'un échelon supplémentaire dans la relation tumultueuse qu'elle entretient avec les médias. En 1983, Isabelle Adjani refuse de participer à une conférence de presse du film L'été meurtrier. Grossière erreur : indignés de l'ingratitude de l'actrice, les photographes posent leur appareil au sol et tournent le dos à la star lors de la montée des marches. Ce sera la seule et unique grève des journalistes au cours du Festival de Cannes.

 

 

En 1985, l'intemporel Jean-Luc Godard, alors qu'il présente Détective en sélection officielle, se fait copieusement entarter par le belge Noël Godin. Ce dernier, amené au commissariat, manque de peu de se faire exclure à vie du Festival, avant que Godard ne demande à la direction de revoir sa position. Bel esprit. BHL et sa compagne Arielle Dombasle feront également les frais de l'entarteur.

 

 

En 1999, Sophie Marceau, chargée de remettre la Palme d'Or, profite de ces quelques instants de parole pour partir dans un incompréhensible discours sur le fossé entre le monde du cinéma et la réalité des miséreux. Une intention tout-à-fait louable, mais un résultat confus et embrouillé qui soulèvera même quelques questions sur l'état de l'actrice, et qui provoque les huées du public.

 

 

En 2001, c'est un violent retour à la réalité qui frappe Aziz et Delphine, deux participants de Loft Story, première émission de téléréalité à voir le jour en France, et dont l'intérêt est plus que contesté depuis plusieurs mois. Mettant à l'épreuve leur popularité nouvelle, les deux lofteurs, qui désirent gravir les marches de Cannes, se font refouler sans état d'âme par la sécurité du festival. Outch.

 

   

Quand la politique s'en mêle

Il y aurait des pages à écrire sur les relations tumultueuses qu'ont toujours entretenu cinéma et politique. En témoigne l'arrêt impromptu des festivités en 1968, alors que la France est mise sens dessus-dessous par les manifestations étudiantes. Alors que ces mêmes manifestants commencent à envahir le Palais, ils sont rejoints par des figures telles que François Truffaut, Jean-Luc Godard, ou Claude Lelouch, et épaulés par des réalisateurs qui retirent leurs films de la compétition. Le 19 mai, les organisateurs annulent le Festival.

 

 

Cannes se fait également, de temps à autre, tribune des relations diplomatiques entre Etats. Peu après la création du festival, la Chine refuse de participer au festival en raison de la présence de Taïwan. En 1956, le documentaire Nuit et Brouillard d'Alain Resnais, relatif à la déportation et aux camps de concentration, est retiré de la compétition officielle du festival à la demande de l'Allemagne (pour certains, la France avait même anticipé cette requête). Trois ans plus tard, c'est Hiroshima mon amour, du même réalisateur, qui subit le même sort, cette fois par égard pour les Etats-Unis.

La censure s'est depuis faite bien moins présente, mais les pressions n'ont toutefois pas disparu. En 1961, Louis Buñuel parvient à faire projeter Viridiana, malgré les protestations du Vatican. En Espagne, Franco fait saisir toutes les copies du film. Le Festival apparaît plus que jamais comme un symbole de la liberté et de la création artistique. En 1980, le russe Stalker est projeté sans information préalable ; la délégation soviétique quitte la salle pour exiger l'arrêt de la projection auprès du Président du festival... qui parvient à les occuper le temps que la projection se termine.

En 2007, une fondation rattachée au ministère de la culture iranien fait savoir de façon officielle qu'elle considère que la sélection du formidable Persepolis de Marjane Satrapi, adaptation du roman graphique de l'auteur du même nom fustigeant la politique de terreur du gouvernement iranien, était un « acte politique ». L'organisation du festival ne cèdera pas.

 

 

L'an dernier, ce fut en quelque sorte la valse des protestations : un ministre italien décida de boycotter le festival en raison de la sélection d'un documentaire peu complaisant à l'égard du régime de Berlusconi ; une manifestation est organisée à l'encontre du Hors-la-loi de Rachid Bouchareb, accusé de falsifier l'histoire des relations franco-algériennes.

 

 

Chaud cacao !

La manifestation ultra-médiatisée qu'est le Festival de Cannes offre une répercussion garantie aux évènements qui s'y déroulent. Les petites anecdotes sexy ne manquent donc pas de fleurir, d'année en année, ponctuant cet évènement cérémonial au possible de petits dérapages bienvenus. Simone Silva pourrait être couronnée ambassadrice des atouts de charme de Cannes. Lors la 8ème édition du Festival, elle pose avec l'acteur Robert Mitchum, avant d'ôter son soutien-gorge et de se couvrir des seules mains de son compagnon. La photo crée le scandale et fait le tour du monde.

 

 

 

En 2003, The Brown Bunny, de et avec Vincent Gallo, déchaîne les critiques assassines. Chloë Sevigny, qui a pourtant acquis une petite notoriété depuis la fin des années 90, s'y adonne à une fellation sur la personne de Vincent Gallo, son compagnon à la ville. Prothèse ou scène non-simulée ? Les témoignages se succèdent et se contredisent. Le Diable au corps avait ouvert la voie de l'acte buccal sur grand écran cannois en 1986.

Sophie Marceau ne se lasse manifestement pas de créer le buzz aux alentours du Palais des festivals et des congrès. En 2003, c'est son anatomie qui fait cette fois la couverture des magazines, tandis qu'une bretelle un peu rebelle glisse négligemment sur un sein découvert.

 

 

En 2008, c'est au tour de Yasmine de donner (très) chaud aux journalistes de la Croisette. Cette jeune star du porno français, venue faire la promotion de préservatifs, débarque armée d'un sourire éclatant, d'une belle robe... mais dépourvue de dessous. Quelle tête-en-l'air. 

 


 

Gageons que 2011 devrait être une année riche en évènements ; outre la présence de Takashi Miike, poète de la folie s'il en est, la sélection abordera des thèmes tels que la prostitution, le viol ou la vengeance, qui devraient réserver de jolis moments d'irrévérence. Le choix du nouveau Woody Allen, avec Carla Bruni-Sarkozy , comme film d'ouverture, promet lui aussi son lot de revendications... Cinématographiques, bien sûr.

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