Mauvais Genre 2011 - Jour 4

Simon Riaux | 25 avril 2011
Simon Riaux | 25 avril 2011

Sous ses airs paisibles d'aimable lieu de villégiature, où un cinéma déviant et trop souvent méprisé aurait trouvé asile, la ville de Tours dissimule une mécanique implacable et bien huilée. Il s'agit d'un piège sans nom, rodé par le poids des ans, comme le rédacteur de cet article en fit hier la terrible découverte. Il y a quelques jours encore, l'annonce d'une projection de Zebraman 2 de Takashi Miike aurait provoqué chez lui ce petit rire typique du crypto-phraseux germano-pratain, suivi de la volonté d'en découdre avec un cinéma honni, le tout bien évidemment avec le soutien tacite de Laurent Pécha, grand prescipteur de conscience du tout Paris. Mais ce n'est pas ce qui arriva.

 

 



 

Votre serviteur sorti de la projection, singulièrement ravi de la chaleur ouatée dégagée par la foule de curieux massés autour de lui, et alors qu'un des membres de l'organisation du festival lui demande nonchalamment ce qu'il a pensé du film (deux termes a priori antagonistes), le critique avisé se surprit à répondre : « 'tain ! C'est vachement bien. J'adore les costumes. » Stupeur et tremblement. Comment en était-on arrivé là ? Il ne pouvait s'agir que d'un piège. Les responsables du festival avaient tout prévu depuis le début. Derrière les airs affables et les hectolitres d'alcool déversés sur le jury et la presse, se dévoilait alors l'odieuse machination.

Oh la programmation avait débuté, l'air de rien, tout en douceur, un petit coup de Primal par ci, une lichette de Helldriver (non vraiment, juste une lichette), le tout emballé dans une désarmante bonne humeur, et Zebraman 2 n'avait plus eu qu'à récolter les fruits de la tolérance, élevés au terreau des rétines souillées d'un cinéphile naïf. Soudain le film de Miike devenait une vision définitive du superhéros, touchant dans sa maladresse, parfois grotesque dans sa caricature, mais toujours humain. L'ensemble jouissait du recyclage systématique et hystérique d'une culture populaire japonaise qui, à défaut d'être adoptée par tous, a irrigué toute une génération de ses codes, qui se retrouvent ici exaltés et retournés à n'en plus finir. Enfin, les gags jusqu'au boutistes de Miike étaient bien présents, parfois hilarants, à l'image d'une séance de sexe improvisée pour le moins tendancieuse, ou si la vérité ne sort pas de la bouche des enfants, elle leur rentre dedans par les yeux, littéralement.

 

 

Il n'y avait plus rien à faire. Toute les bonnes habitudes Parisiennes s'étaient envolées, après avoir apprécié Zebraman 2, l'auteur de cet article se rua sur la séance Mad in France, parrainée par Mad Movies. Cette dernière fut pour le moins pertinente, puisqu'on y découvrit que, malgré une croyance solidement ancrée, lorsque deux pelés et trois tondus décident de faire un court-métrage de genre sans un kopeck, cela peut donner un résultat exceptionnel de rigueur et d'énergie. Ce fut particulièrement le cas de Miroir de Sébastien Rossignol (primé à Gérardmer) et de Mon père, de Patrice Gablin.

 

 

Dans le même esprit, un autre événement déchaîna les passions : la projection de Kaydara, fan-film réalisé par deux passionnés de cinéma et de la trilogie Matrix. Cette dernière est au coeur de ce projet qui enflamme la toile depuis maintenant un long moment. Le verdict est sans appel et attendu. Si le duo a conçu là une bande démo virtuose suite à laquelle Sam Raimi vient de les contacter, il ne s'agit aucunement d'un travail de cinéaste. Sans réel propos, et malgré un emballage d'une technicité ahurissante, le film n'est rien d'autre que ce qu'il raconte, à savoir l'échec de deux jeunes gens cherchant à en découdre avec le mythique Élu.

 

 

 

Le rédacteur converti, perdu pour les Cahiers du cinéma, l'esprit embué d'onomatopées nippones et de râles de zombies cornus, prit avec la ferveur du nouveau croyant le chemin de ce qui restera probablement comme un des plus beaux moments de cette cinquième édition : la projection en 35mm de Invasion planète X (1965), de Ishirô Honda. Un godzilla réalisé par l'un des chefs opérateurs de Kurosawa, c'est quand même quelque chose (d'autre que Roland Emmerich). La mise en scène parvient à tirer de son budget modeste une esthétique toujours cohérente et souvent poétique, notamment dans le recours systématique à de superbes maquettes, à l'architecture et aux couleurs qui impriment instantanément la rétine du spectateur. Et que dire des attitudes inénarrables de cet astronaute américain, maîtrisant comme personne le remonté de pantalon. Que dire de l'intonation constipatoire des Citoyens X, venus d'ailleurs pour le malheur et pour le pire. Que dire de la danse de la victoire de Godzilla à mi-chemin entre le manège enchanté et le Rocky horror picture show ?

« 'tain ! C'est vachement bien. J'adore les costumes. »

 

 


 

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