Mauvais Genre 2011 - Jour 2

Simon Riaux | 23 avril 2011
Simon Riaux | 23 avril 2011

Après quelques minutes d'un sommeil bien mérité, l'heure n'est pas à la grasse matinée, en effet la deuxième journée du Festival Mauvais Genre 2011 fut des plus fréquentables. Une journée riche et incroyablement variée, où votre serviteur croisa pêle-mêle et les yeux écarquillés : des hardos mono testiculaires, des poupées fornicatrices, des gastéropodes libidineux (« à l'ergot démesuré » remarquera Jean-Baptiste Thoret), une légende des effets spéciaux, et enfin des zombies japonais.

 

Un programme chargé donc, qui démarra en fanfare avec l'inattendu mais très réussi Fubar II, un documenteur sur le quotidien liquoreux de deux hardos canadiens, tiraillés entre amitiés, jalousies, gueules de bois, guitares électriques et concerts expérimentaux. Drôle, toujours excessif sans jamais verser dans la caricature stérile ou cynique, le film parvient même dans sa seconde partie à toucher et remuer le spectateur, le ramenant (pour peu qu'il ait des testicules) à sa condition de créature finie et périssable. Une très jolie surprise donc.

 

 

 

Le gros morceau de la journée fit directement suite à ce long-métrage. À peine sorti de l'avion prit depuis son Texas natal et faisant fi du jetlag, Steve Johnson monta sur scène pour une très attendue Master class, orchestrée d'une main de maître par Alexandre Poncet de Mad Movies. Les créatures aquatiques d'Abyss, les tentacules d'Octopus dans Spider-man 2, l'alien de La Mutante, ou encore les vampires de Blade II, Johnson est le créateur de quelques unes des plus marquantes monstruosités de ces 20 dernières années. L'homme est aussi enthousiaste que passionnant, son parcours est une leçon de cinéma en soi, et l'on ne peut que rester admiratif devant l'énergie et le recul du personnage.

 

Après avoir quitté Hollywood il y a cinq ans, Steve le dit sans ambages ni aigreur : les CGI ont détruit son métier (du moins tel qu'il le conçoit), mais leur victoire est incontestable, et pour lui qui, il y a trente ans, mettait la génération précédente au chômage à coup d'innovations et de nouvelle approche, il serait hypocrite de ne pas reconnaître les mérites des effets spéciaux numériques. Un constat que fait l'homme sans langue de bois, expliquant que s'il le souhaitait, il pourrait toujours trouver du travail, mais dans des conditions infiniment plus restrictives. Un constat triste, que partage non sans émotion le public venu assister à la conférence.

 

 

 

 

Celui à qui Rick Baker dit, alors qu'il n'avait que 16 ans et lui présentait ses recherches : « tu n'es pas très bon... pour l'instant, » est sensible à l'intérêt que lui porte ses auditeurs, aussi leur en donna-t-il pour leur argent, évoquant une série d'anecdotes tantôt instructives, étonnantes, et toujours hilarantes. Des défis techniques du tyrannique Cameron, le seul qui parvint à le faire pleurer sur un plateau de tournage, aux innombrables modifications demandées par Del Toro, et jamais payées par ce dernier, Johnson dresse un portrait haut en couleurs et surréaliste d'Hollywood. Guillermo en prendra définitivement pour son grade, même si l'artiste reconnaît admirer l'homme et son cinéma, son manque de rigueur budgétaire lui sera resté en travers de la gorge. "Anyway... he is fat," conclut-il avec provocation et malice, devant une salle conquise.

 

Pas découragé pour un sou, puisqu'il s'est lancé dans l'écriture romanesque, après avoir passé soixante jours au sommet d'une plate-forme d'observation arboricole, au Costa Rica. Il assure en avoir encore beaucoup à raconter, des histoires et incroyables et jamais entendues, et le fait est qu'après une heure de conférence, on en redemande. L'homme planche simultanément sur deux autres ouvrages, de fiction toujours, où l'on ne retrouvera pas de monstres, sinon les « démons de l'esprit. » Et Steve Johnson de quitter la scène sous les applaudissements puissants et émus d'une salle sous le charme.

 

 


 

C'est donc fébrile, la tête remplie d'images et d'anecdotes que l'on prend place pour une séance interdite prometteuse, ou Primal et Helldriver alterneront avec des courts-métrages mystérieux, dont la teneur est inconnue du public. Tout commence pour le mieux avec le sidérant Jack, ou comment des citrouilles vengeresses découpent une famille un soir d'Halloween, bambin compris ! Primal s'avérera bien fun, pas toujours volontairement, mais avec une bonne humeur bienvenue. Quand une demie douzaine d'étudiants découvrent en Australie une singulière fresque préhistorique ils sont loin de se douter qu'il s'agit là d'une mise en garde contre un gastéropode violeur et contagieux, qui transformera ceux qu'il ne fécondera pas en infectés aux dents longues. Si voir une blonde manger un kangourou (entre autres), des lapins mutants vicieux, et une parodie inattendue de 300 vous branche, vous devriez trouver votre bonheur.

 

 

Brutal Relax est un court-métrage qui confine au sublime. Un homme, une brute assurément, se voit prescrire des vacances en bord de mer, avec pour consigne de se comporter comme un individu « normal. » Ce qu'il parvient à accomplir, jusqu'à ce que des démons faisandés débarquent sur la plage de sable fin où il s'est installé et attaquent les touristes. Le reste appartient à la postérité et ferait passer Braindead pour un film d'Agnès Jaoui. Puis ce fut le tour de... heu... une création, projetée chaque année depuis la naissance du festival, un court-métrage d'environ trois minutes (avait-il seulement un titre ?). L'intrigue est simple : Michael Jackson, désireux de partir en vacances, se rend dans l'agence de voyages de cette bonne vieille Barbie. Rien ne passera comme prévu et la pop star prouvera que les derniers outrages, c'est quelques fois vachement sympa. Petite précision essentielle, le court-métrage est une oeuvre d'animation réalisée avec des jouets à l'effigie des célèbres personnages. Tout simplement indispensable.

 

 


 

Que dire d'Helldriver, du réalisateur Noburu Iguchi, l'auteur de Machine Girl, sinon qu'il s'agit d'un gloubi boulga hystérique indescriptible, plus proche de la grenade à fragmentation visuelle que de quoi que ce soit d'autre de descriptible ? Même les plus aventureux et accros au cinéma nippon sortirent de la séance les yeux en sang, les tripes à l'envers. Cette histoire de morts-vivants générés par une étoile de mer-filante-venue-de-l'espace (c'est un concept) et combattus par une femme-androïde-colérique-livrée-avec-épée ne nous épargne rien, et plusieurs fois de suite, répétant jusqu'à plus soif les gerbes de sang rosâtre, membres découpés et autres moustaches d'un goût douteux. Si le film retourne l'estomac à coup de CGI, qui ont dû donner au pauvre Steve Johnson l'impression qu'on lui frottait les rétines avec du papier de verre, la chose réserve quelques surprises ahurissantes, telle une shiva zombie armée de kalachnikovs, ou une pluie de têtes hargneuses et vindicatives.

 

Vint l'heure de s'en retourner à l'hôtel, entre deux fous-rires incontrôlables, le cerveau au bord des lèvres, histoire de recouvrer quelques forces avant une troisième journée qui s'annonce tout aussi dantesque...

 

 

 

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