Watchmen: tout ce qu'il faut savoir sur le film avant de le voir

Damien Virgitti | 4 mars 2009
Damien Virgitti | 4 mars 2009

 

 

 

On ne parle que de lui en ce moment et ses affiches tapageuses nous agressent dans le métro : Watchmen, le nouveau film de superhéros sort ce mercredi en salles.

 

Le buzz a grimpé au fil des mois et une horde de fans, déjà bien échauffés sur les forums, s’apprêtent à envahir les salles, l’œil acéré, prêt à critiquer le moindre faux pas sur leur œuvre.

 

Pourtant, pour le commun des mortels, Watchmen ressemble à un film de superhéros de plus. Ces visages bizarres, ces costumes criards, et cette seule fille du groupe obligée de jouer les dominatrices pour fantasmes masculins, on a déjà vu tout ca dans The Dark Knight

 

Et bien non, car Watchmen est plus qu’un film de superhéros, c’est une œuvre culte, la Bible des comics, la Joconde des superhéros, et c’est devenu la pierre de fondement du genre.

 

Ecran Large vous dit tout sur le film de superhéros de l’année qui va sûrement agiter la toile dans les semaines à venir.

 

 

 

 

 

Who watches the Watchmen ?

 

Watchmen, c’est une immense œuvre de 400 pages publiée en 1986 par Alan Moore, l’auteur célébré de V pour Vendetta. La seule et unique bd à avoir remporté un Hugo Award, prix littéraire de SF. A l’époque, les superhéros en collants flashy, c’est fini, les superhéros se veulent plus sombres et violents. Leurs croisades épiques renvoient à leurs angoisses et à leurs névroses. Le monde est à la merci d’un superhéros qui ne contrôle plus rien. Watchmen raconte tout ca, et même plus. En douze chapitres symboliques, Alan Moore parle d’une époque révolue des superhéros naïfs et idéalistes et d’une nouvelle génération de héros qui prend la relève dans un monde saccagé par la violence humaine…

 

Watchmen abandonne tout manichéïsme qui faisait la gloire des comics strips pour mieux dresser un constat amer sur notre monde. Les Watchmen sont névrosés, rongés par la haine, brisés moralement et vont apprendre à quel prix le monde peut être sauvé.

 

Alan Moore plonge ces superhéros dans une réalité crue qui n’a plus rien avoir avec le gentil monde familial des 4 Fantastiques.

 

Fini, les Batman qui tabasse gentiment le Joker dans une salle d’interrogatoire pour finalement le sauver à la fin, les Watchmen ce sont eux les méchants. Pour mener une justice plus radicale, ils deviennent des pourris, des psychopathes, et ils n’hésitent pas à foncer dans le tas. Bien évidemment c’est interdit aux mois de 16 ans.

 

 


 

 

 Uchronie utopique ?

 

Watchmen, c’est aussi une vision originale de l’Amérique. L’auteur aux allures de hippie immortel dépeint un pays toujours dirigé par Nixon dans les années 80 et au bord d’un conflit nucléaire avec la Russie. L’histoire du monde revue et corrigée si les superhéros avaient vraiment existé. Une chronique d’une autre dimension qui nous renvoit paradoxalement à nos propres choix dans la réalité et nous confronte à nos responsabilités dans l’histoire du monde. Même situé dans les années 80, le film a d’ailleurs des résonances actuelles sur la politique mondiale et la fin, même modifiée, en fera frissoner plus d’un.

 

Ce monde parallèle est aussi dépeint avec un réalisme saisissant : chaque détail est travaillé dans la moindre case et Alan Moore multiplie les supports d’écriture pour rendre ce monde crédible : des coupures de journaux développent le passé des personnages et un gamin lit une bd dans la bd pour prolonger la mise en abîme de ces superhéros dépassés. Watchmen est littéralement un « graphic novel » : un roman graphique.

 

L’auteur explore les différentes facettes du médium comic book, thématique constante de son œuvre, pour nous faire réfléchir sur ses icônes que nous nous sommes créées et le pouvoir que nous leur avons donné.

 

 


 

 

Parallèles terrifiants

 

La bd joue même avec sa propre structure et la hiérarchie de ses planches. En neuf cases savamment disposées, le dessinateur Dave Gibbons mêle différentes histoires parallèles entre elles qui se répondent en écho à travers des formes symétriques : la pose des personnages, un détail dans un coin du décor…

 

Ce fameux smiley tacheté de sang, symbole de la fin de l’innocence, se retrouve presque dans chaque case: l’horloge de la fin du monde avec ses aiguilles, le sourire du cratère Galle de Mars, un T shirt taché de ketchup…

 

La composition même des chapitres 2 et 4 du roman graphique a été saluée à plusieurs reprises par leur complexité temporelle mise en place avec brio : deux flashbacks consacrés au Comédien et au Dr Manhattan, immenses palindromes où la dernière case renvoit à la première du chapitre, qui dévoilent des réflexion profondes sur la cruauté du temps qui passe mais aussi sur la farce mélancolique qu’est la vie.

 

Zack Snyder a d’ailleurs rendu justice à ces passages puisque l’exil du Dr Manhattan, accompagnée d’une superbe musique de Philip Glass, est l’une des plus belles scènes du film.

 

 


 

 

 En dehors de cette structure incroyable, Watchmen c’est aussi une histoire de personnages. Des superhéros cyniques dignes représentants des grandes figures littéraires ou des comics que la réalité a perverti.

 

Le Comédien : comme son nom l’indique, cette brute épaisse à la John Rambo voit la vie comme une vaste blague. Il n’hésite pas à massacrer de nombreux civils et des vietnamiens au nom du rêve américain. Se moquant éperdument de l’idéalisme des Watchmen, il ne comprend que trop tard l’immense cruauté des hommes. Sa mort au début de la bd va forcer les Watchmen à se réveiller non sans raviver d’anciennes blessures.

 

Sous le masque : les jeunes spectatrices connaissent surtout Jeffrey Dean Morgan pour son rôle tragique dans Grey’s Anatomy. Avec le Comédien, il joue un personnage sur toute une vie et dévoile toute une gamme d’émotions derrière sa grande gueule.

 

 

 

Rorschach : le personnage préféré des fans. Ce détective sans visage digne des polars habite la bd de bout en bout par son nihilisme. Seul superhéros encore actif, il prévient les Watchmen qu’un meurtrier est à leurs trousses.

 

Sous le masque : après avoir joué les pédophiles dans Little Children, Jackie Earle Haley devient le spécialiste des rôles décalés en incarnant à merveille le sociopathe des Watchmen. Sa voix rauque hante tout le film.

 

 

 

Le Hibou : le superhéros dans sa forme la plus classique. Cet inventeur de génie s’est replié dans sa maison et passe sa vie à écouter les histoires de son mentor, le premier Hibou. Depuis qu’il a arrêté de jouer les Batman de fortune, Dan Dreiberg est redevenu un loser pathétique maladroit qui a trop peur de reprendre le masque. Mais les évènements vont le pousser à se relever.

 

Sous le masque : pervers émasculé dans Hard Candy ou amant briseur de couples dans Little Children, Patrick Wilson continue de jouer des hommes tout en fragilités en revêtant le costume du Hibou, pilier moral du groupe secrètement amoureux du Spectre Soyeux. Tous deux incarnent l’espoir dans un monde au bord du chaos.

 

  

 

Dr Manhattan : le seul superhéros aux superpouvoirs du groupe. A la suite d’une expérience nucléaire qui a mal tourné, le Dr Jon Osterman devient un être tout puissant, capable de réduire la matière et de voir le futur. Il incarne la marche du progrès et surtout la puissance incontrôlable des Etats Unis. Mais ce demi dieu promène aussi un grand regard mélancolique sur la vie et le monde des hommes.

 

Sous le masque : Billy Crudup a accepté de se livrer au difficile exercice de la « performance capture ». Il a passé le tournage le corps recouvert de puces pour retranscrire les mouvements de ce géant bleu. Mais au delà des effets spéciaux, il a su apporter un regard plein de tristesse qui donne de l’humanité au personnage.

 

  

 

 Le Spectre soyeux : Laurie Jupiter a bien du mal à supporter le poids de la gloire de sa mère, première Spectre Soyeux du nom. Derrière son physique de femme fatale, se cache une femme qui a du mal à trouver sa place entre sa mère superhéroïne et son copain tout puissant le Dr Manhattan. Elle ne revit qu’à travers le regard de Dan qui ne cesse de l’admirer.

 

Sous le masque : la délicieuse Malin Ackerman repérée dans Les femmes de ses rêves aux côtés de Ben Stiller interprète cette fois ci une femme toute en fragilités qui cache un lourd secret.

 

 

 

Ozymandias : le superhéros le plus énigmatique du groupe. Avec son empire économique à la Tony Stark, Adrian Veidt a conquis le monde par son intelligence et son corps d’Apollon. Il est l’un des premiers héros à s’être démasqué et cherche un moyen rationnel de sauver le monde.

 

Sous le masque : un temps pressenti pour Tom Cruise, c’est finalement le bel anglais Matthew Goode, le mari trompé de Scarlett Johansson dans Match Point, qui incarne cet intellectuel hautain, fier représentant de la société capitaliste.

 

 

 

Watchmen  a marqué son temps et continue de rayonner sur toute l’histoire des comics et des superhéros. Son influence se retrouve même jusque dans des séries actuelles comme Heroes (le complot contre les superhéros), Lost (pour les flashbacks), les Indestructibles (le gag de la cape) et aussi dans l’excellente saison 4 du dessin animé de la Justice League qui voit nos héros traqués par une organisation gouvernementale qui questionne leur autorité. Batman cite même dans le dernier épisode la fameuse phrase « Who watches the Watchmen ? ».

 

 

Il est encore difficile aujourd’hui de restituer toute la richesse de l’œuvre, même pour Snyder et sa version de 3h15 du film promise pour cet automne. Mais la vision onirique de certaines planches de l’œuvre, agrémentées d’un discours pessimiste et inhabituel pour les superhéros, vaut largement le coup d’œil. Et prouve, plus de 20 ans après sa création, que Watchmen reste une œuvre intemporelle.

 

 

 


 

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