L’incroyable Hulk : Ang Lee vs Louis Leterrier

Julien Foussereau | 22 juillet 2008
Julien Foussereau | 22 juillet 2008

Aujourd'hui déboule sur les écrans français une nouvelle aventure du colosse de jade, cinq ans et deux semaines après le premier volet signé Ang Lee. Ce hasard du calendrier est l'occasion rêvée de mettre face à face les deux films et d'en dresser un état des lieux quant à leurs différences. Mais aussi, leurs forces et leurs faiblesses. Alors, sur ce match en quatre rounds, qui, de Louis Leterrier ou de Ang Lee, a la main (la mandale, même) la plus verte ?

 

 

PREMIER ROUND - LE CASTING

 

C'est au tour du français Louis Leterrier de reprendre le récit là où il s'était arrêté, c'est-à-dire l'exil de Banner en Amérique du Sud... Enfin, reprendre est un bien grand mot tant L'Incroyable Hulk tient plus du reboot que de la suite officieuse. A commencer par son casting qui en chasse un autre. Le trio Norton / Tyler / Hurt se substitue à Bana / Connelly /  Elliott. Tout juste si l'on remarque les impondérables que sont les caméo de Stan Lee et Lou Ferrigno. Le cas Bruce Banner à l'écran a beau demeurer problématique (trop de colère rentrée chez Ang Lee, trop éteint avec son humour à deux francs six sous chez Leterrier), force est d'admettre que le premier volet emporte le morceau par la prestation au cordeau de Connelly et Elliott. On n'en dira pas autant de William Hurt qui semble ne jamais s'être remis de A History of Violence ou encore d'une Liv Tyler complètement à côté de ses pompes. En revanche, L'incroyable Hulk peut se vanter d'avoir un supervilain autrement plus efficace et pro grâce à Tim Roth là où Nick Nolte tendait à verser dans le cabotinage effréné.

 

VERDICT : PARTAGE DES POINTS
 
 
 

   

 

 
 

 

SECOND ROUND - LA MUSIQUE

 

 

Comme le disait la vénérable Lilian Gish au temps du cinéma muet, la musique comptait pour moitié. Et que cette différence est prégnante entre les deux films. Ang Lee avait fait appel à Mychael Danna, compositeur attitré de Atom Egoyan et Danny Elfman, roi du thème musical pour film de superhéros (l'insurpassable thème de Batman tout de même !) Louis Leterrier a eu recours au service de Craig Armstrong, ancien arrangeur, entre autres, de Massive Attack et auteur du sympathique The Space Between Us. Deux contenders avec un pedigree plus que respectable. Pourtant, on ne retient que l'entêtant thème de Danny Elfman au bout du compte. Quoique. Il y a bien ce thème lorsque Norton erre sur le bord de la route... qui s'avère être celui de la série télévisée.

 

VERDICT : ANG LEE AVEC 2 POINTS D'AVANCE

   

 

 

TROISIEME ROUND : LE LOOK DE HULK

   

Gros affrontement dans le design du mastodonte « Gammaïsé ». Ang Lee a cherché à coller au plus près du comics. De ce fait, son Hulk est un parfait alliage entre l'essence Marvel et les traits de Eric Bana. Alors, on se souvient des spectateurs français en train de se moquer d'un géant vert plus occupé à faire des bonds de 500 mètres de long qu'à beugler « Ow ! Ow ! Ow ! » Il n'empêche, Hulk le faisait fréquemment dans les planches de Jack Kirby et celles de ses successeurs. Le problème était ailleurs. Bien que ILM soit parvenu à créer un monstre intéressant sur le plan esthétique, son intégration interloquait, notamment dans le rendu de son poids et de ses chocs. Un point essentiel que Leterrier a corrigé. Le Hulk 2008 tient plus du monstre hargneux qui aurait avalé un semi-remorque de créatine, toutefois, son pouvoir de destruction apparaît plus réel. Il suffit de comparer deux scènes de combat : l'attaque des caniches mutants chez Ang Lee contre l'évasion de Hulk face aux chars du général Ross. Leterrier trousse une scène d'action dans laquelle toute la violence des coups portés ou tirés est perceptible sans jamais tomber dans le ridicule. Rien que pour cela, ce round lui revient.

 

VERDICT : LOUIS LETERRIER AVEC 2 POINTS D'AVANCE

 

   

 


 QUATRIEME ROUND : RESPECT ET MISE EN FORME DU MYTHE

 

Le comparatif de génériques d'ouverture se révèle troublant à plus d'un titre : celui de Leterrier louche méchamment sur la série (caméo de Lou Ferrigno, thème musical réemployé, extrait diffusé sur un écran de télé, incrusations du nombre de jours sans métamorphose) tandis que celui de Ang Lee, extrêmement sophistiqué, annonce des ambitions plastiques et une générosité demesurée. Cela ne fait cependant pas tout. Bien qu'il soit difficile de blâmer Ang Lee pour avoir pris le taureau par les cornes avec le risque élevé de se faire piquer les fesses, Hulk agace légitimement par moments là où L'incroyable Hulk s'assume totalement en blockbuster d'été bourrin. Sur le papier, Hulk s'envisageait initialement comme tel. Seulement, Ang Lee a voulu aller plus loin afin de faire de son film de superhéros une tragédie « bédé-esque » sous influence pop'art. Contrat à moitié-rempli, hélas. Hulk respire l'intelligence, le travail d'esthète, la volonté de bien-faire, de donner du corps à ce matériau un peu léger. On se surprend à s'émerveiller devant la beauté plastique de certaines séquences, l'utilisation judicieuse du 1.85 pour la multiplication des « cases » de BD.

 



 

A côté de cela, la mayonnaise « oedipienne » ne prend jamais. On se moque éperdument de la fascination / répulsion entre les Banner père et fils. Cette genèse traumatique, complètement inventée pour les besoins du film, débouche sur le premier supervilain. C'est une opportunité ratée d'introduire un vrai méchant de la mythologie, l'Abomination que Josh Lucas aurait très bien pu endosser. Deux séquences sur le banc d'essai : les deux pugilats de clôture. Ang Lee commence dans une config théâtre off Broadway avant de convoquer les Éléments et de les déchaîner. On salive d'abord puis on souffle lourdement tant la frustration domine : une intro ennuyeuse, un plan magnifique de Hulk emportée par la foudre paternelle, un combat laborieux s'achevant sur une explosion Gamma grotesque. Louis Leterrier, lui, est moins préoccupé par le beau que par l'efficacité à tout prix, la preuve avec son combat de rues bien ficelé entre hominidés boostés au Gamma : ça cogne fort, ça pare les coups avec des carcasses de voitures avant de les envoyer à la tête de son ennemi. On ergotera sur le bien-fondé du HULK SMASH !, forcément un peu too much à l'écran, néanmoins Leterrier réalise un fight de super-héros qui, à défaut de rester dans les annales, a le mérite de déménager juste ce qu'il faut. D'une certaine manière, Louis Leterrier a remis les pendules à l'heure en extirpant Hulk de son placard « film maudit un peu arty » pour livrer ce que beaucoup attendaient : un film ne faisant pas dans le détail.

 

VERDICT : LOUIS LETERRIER AVEC 3 POINTS D'AVANCE

 

 

 

 

VAINQUEUR : LOUIS LETERRIER AVEC 3 POINTS D'AVANCE 

 

En définitive, on assiste bel et bien à une victoire au « poings » de Louis Leterrier sur Ang Lee. Courte victoire, est-il besoin de préciser car Hulk et L'Incroyable Hulk sont un peu comme les deux faces d'une même pièce. Espérons un jour la naissance d'un troisième volet qui saurait faire la synthèse des deux premiers et les mettre K.O.

 

 

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