Indiana Jones 4 : chronique d'un triomphe annoncé

Thomas Messias | 2 janvier 2008
Thomas Messias | 2 janvier 2008

Même les ermites sont au courant : en mai prochain, Indiana Jones effectuera son grand retour, 19 ans après sa dernière croisade. 4000 copies aux Etats-Unis, sans doute plus de 800 en France : c'est un raz-de-marée programmé qui va déferler sur le monde en trois petits jours, les Français ayant la chance de découvrir le film le 21 mai, soit un jour avant nos voisins d'outre Atlantique. Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal est typiquement le genre de film qui fera un carton quelle que soit sa qualité réelle. Le bouche-à-oreille ne fera que déterminer la place à laquelle se trouvera le film dans la liste des plus grands succès de l'histoire. Si Indiana Jones 4 (appellation plus pratique que ce titre officiel un peu long) est auréolé d'un tel statut, ce n'est sans doute pas par hasard. D'abord parce qu'en une décennie et trois films, Steven Spielberg, George Lucas et Harrison Ford ont créé un personnage absolument culte, un aventurier parfaitement irrésistible, vivant des péripéties haletantes, classieuses et indémodables. Ensuite parce que ces artistes ont donné leur vie pour en arriver là.

 

 

Remontons une quarantaine d'années en arrière : en 1964, Spielberg a 18 ans, et tente désespérément d'entrer dans l'enceinte abritant les studios Universal. Après avoir été refoulé une paire de fois, il décide d'emprunter à son père un costume et un attaché-case, et dame le pion aux gardiens, qui le laissent pénétrer les lieux. Il aura vite fait d'y nouer des relations avec des dirigeants, des réalisateurs et des chefs opérateurs. Spielberg se fait une place chez Universal, au propre comme au figuré : il squatte un bureau vide et fait croire à tout le monde qu'il travaille pour la firme, jusqu'au jour où un véritable emploi lui est proposé. Comme par magie. Il devient responsable de l'aile télévisuelle de la boîte. Et c'est parti.

 

 

 

La vocation première de Lucas n'est pas le cinéma. Le petit George veut être pilote de course, mais un accident de la circulation désintègre sa première Fiat et le laisse miraculeusement en vie, lui passant toute envie de passer son existence à conduire des automobiles. Alors il traîne ses guêtres dans une fac de cinéma en Californie, où il fait preuve d'un réel talent dans la réalisation de petits films expérimentaux. Récompensé pour la qualité de son travail, il est envoyé en 1968 sur le tournage de La vallée du bonheur, une comédie musicale que réalise un jeune mec de 29 ans nommé Francis Ford Coppola. Les deux hommes se lient d'amitié, et Coppola apprend à Lucas comment écrire un scénario et créer des films accessibles à un large public. Ce qu'il mit en application par la suite.

 

 

En 1967, Spielberg voit l'un des courts-métrages de Lucas lors d'un modeste festival de films d'étudiants. Un bidule bizarrement titré Electronic Labyrinth: THX 1138 4EB. Il se rend en coulisses et Coppola présente les deux hommes. Ils se reverront quelques années plus tard, alors que Lucas prépare American Graffiti et que Spielberg écrit Sugarland express. Ils ne se quitteront plus d'une semelle, effectueront tous les deux des débuts prometteurs, avant de devenir deux des réalisateurs les plus populaires du monde. À eux deux, les deux hommes ont réalisé 13 des 100 plus grand succès de l'histoire du cinéma, parmi lesquels les 6 Star wars et 2 Indiana Jones (…le temple maudit réalise un score insuffisant pour y figurer, avec "seulement" 175 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis). Interprète d'Indy et héros de la première trilogie de Lucas, Harrison Ford est également omniprésent dans ce classement.

 

L'aventure Indiana Jones débute en 1977 à Hawaïï. Les doigts de pied en éventail, Lucas lance à son pote Spielberg l'idée d'un film dont le héros serait un aventurier qui partirait à la recherche de l'Arche d'Alliance durant la seconde guerre mondiale. Et c'est parti pour Les Aventuriers de l'arche perdue, écrit par Lawrence Kasdan d'après une histoire de Philip Kaufman et Lucas. Bien que déjà célèbre en raison de son rôle de Han Solo (La Guerre des étoiles : un nouvel espoir est sorti en 1977), Harrison Ford n'est pas le premier acteur envisagé. Tenez-vous bien : au départ, Indiana Jones aurait dû être interprété par Tom Selleck. Mais le sympathique moustachu, retenu par le tournage de Magnum, doit décliner l'invitation. Autres acteurs pressentis : Jacques Dutronc pour le rôle de Belloq (l'archéologue rival de Jones) et Danny DeVito pour incarner Salah (finalement joué par John Rhys-Davies). Le film sort en 1981 et connaît un franc succès.

 

384 millions de dollars plus tard (rien qu'aux Etats-Unis), les deux barbus ont le champ libre pour monter une suite. Ce sera Indiana Jones et le temple maudit (1984), une suite un peu en deçà du premier film, mais un divertissement solide quand même, au triomphe plus modeste mais dont beaucoup se seraient contentés. Puis Indiana Jones et la dernière croisade (1989), explicitement annoncé comme le dernier volet d'une trilogie, montrant un Indy légèrement vieillissant mais toujours alerte, flanqué d'un paternel légèrement encombrant (aaah, Sean Connery). Un triomphe incroyable, avec près de 495 millions de recettes sur le territoire américain. Au total, Indiana Jones aura rapporté environ 1,18 milliard à ses créateurs.

 

 

Mais on ne se débarrasse pas aussi facilement d'un personnage aussi attachant et aimé de tous. Le projet Indy 4 a longtemps ressemblé à une arlésienne. D'abord, Lucas et Spielberg feignent l'indifférence à la moindre évocation d'un tel projet. Puis, au moment de concrétiser enfin le fantasme de millions de fans, il y a cette éprouvante chasse au scénario. Frank Darabont croit avoir décroché la timbale lorsqu'en 2003 son script est déclaré recevable par Lucas et Spielberg. Et puis finalement pas. M. Night Shyamalan et Tom Stoppard sont un temps liés au projet, avant d'être gentiment mis de côté. C'est finalement le solide David Koepp, pilier de l'écriture hollywoodienne doublé d'une solide roue de secours, qui finit par séduire son monde. Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal (titre officialisé bien plus tard) est officiellement né.

 

 

18 juin 2007, Nouveau Mexique. Spielberg et Lucas sont à nouveau réunis devant l'équipe qui va travailler avec eux sur le tournage de leur bébé. « Comme le temps passe », dit Spielberg, une flûte de champagne à la main. « Aucun de nous n'a changé, nous sommes les mêmes qu'il y a 18 ans ». Dans les têtes, en tout cas, c'est totalement vrai. Harrison Ford a désormais 65 ans, mais il est toujours aussi vif. Et le revoilà dans une tenue qu'il n'a jamais vraiment quittée. « C'est un drôle de costume, quand on y pense. Regardez un peu ce type avec son fouet. Plutôt de genre d'accessoire qu'on utilise quand on est vêtu de cuir », dit-il. Malgré son âge, Ford n'a pas hésité à reprendre le rôle. « Dès que j'ai enfilé les vêtements d'Indy 19 ans après, j'ai su que je ne pouvais pas passer à côté. J'ai retrouvé le personnage en moins de deux, le ton qu'il fallait mettre. J'ai tout de suite été en confiance. »

 

 

79 jours de tournage sous une chaleur torride, et Indiana Jones 4 est dans la boîte. Pour monter le film, Spielberg et Lucas travaillent en équipe : le premier effectue son montage, et envoie le résultat à Lucas, qui à partir de cette copie va couper ou ajouter ce qu'il juge nécessaire. Puis c'est au terme d'une ultime confrontation entre les deux versions que Spielberg décidera quelles modifications garder ou rejeter. Le director's cut terminé, le film sera traduit en 25 langues. Dans moins de 5 mois, il sera sur tous les écrans. Et, du haut de leur montagne, trois sexagénaires nommés George, Steven et Harrison observeront le monde s'ébahir devant leur dernière œuvre. Les 140 jours d'attente vont être très longs pour tout le monde.

 

 

 

D'après l'article "Keys to the Kingdom" de Jim Windolf (Vanity Fair).

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