Blade Runner : introduction, début d'une enquête intensive sur le chef d'oeuvre de Ridley Scott

Thomas Douineau | 10 février 2005
Thomas Douineau | 10 février 2005

La vénération que je porte à Blade runner m'a poussé, il y a plus de deux ans, à satisfaire ma curiosité sur ce film. Je suis donc parti à la recherche de documents officiels et non officiels susceptibles de m'aider à pénétrer au coeœur du film, connaître son histoire, sa naissance, sa fabrication et ses secrets. Bref, trouver un making of digne de ce nom qui me dirait tout et me permettrait de comparer ma vision du film à celle généralement répandue. L'intérêt étant pour moi de le comprendre plus en détails et de faire de nouvelles découvertes.

Mais ma quête fut vite interrompue. Pourquoi ? Tout simplement parce-qu'en dehors de quelques articles de presse ou d'un ou deux dossiers dans des magazines spécialisés (SFX, Cinéfex…), il n'existe pas d'«histoire du tournage» en langue française. Même en anglais, la documentation était plutôt limitée. Depuis, les Américains ont rattrapé leur erreur en publiant l'excellent livre de Paul Sammon, Futur Noir, mais uniquement en anglais. J'ai donc décidé de faire un dossier à ma manière, voulant coucher sur papier ce que je pensais et connaissais de Blade runner. Ceci pour faire partager ma passion pour ce chef d'œuvre.

 

 

Le résultat, finalement, ne peut être qu'incomplet. Certaines informations ou interprétations sont certainement erronées aujourd'hui à la vue du livre de Sammon bien plus fourni, enrichi qui plus est d'une collaboration étroite avec Ridley Scott (un long entretien avec le film conclu le livre). Ce qui prouve qu'un film vit au cours des années. Les spécialistes, les cinéphiles, les éventuels critiques me pardonneront donc les omissions, les erreurs ou les choses que je n'ai pas vues (qui ne demandent d'ailleurs qu'à être rectifiées !). Il y a encore beaucoup à découvrir sur ce film et je n'ai pas parlé de ses défauts qui existent pourtant bel et bien. Outre la comparaison du script avant tournage avec le résultat final qui peut nous renseigner sur le travail du réalisateur, une comparaison avec le livre aurait pu s'avérer nécessaire. Nous n'avons pas l'ambition prétentieuse, ni le temps, ni les qualités pour faire l'étude définitive sur Blade runner. Paul Sammons l'a fait et je lui en suis reconnaissant. J'espère que son livre sera un jour traduit en français pour tous ceux qui aiment ce film (avis aux éditeurs !).

 

L'intérêt fut juste de coucher sur papier, les choses qui m'ont ému dans le film depuis sa première vision, à l'âge ou l'on ne comprend pas tout. Mettre en ligne ce dossier est l'occasion de susciter des réactions et des commentaires. Bonne lecture à tous les fans du film qui, j'espère, m'en apprendront aussi !

«Une partie de l'action de Blade runner se déroule dans les bas-quartiers d'une mégalopole qui pourrait être un mélange de Chicago et New-York, si ces deux villes venaient à fusionner. Le film est un thriller futuriste. Nous espérions avoir créé un décor totalement crédible et réaliste, bien qu'il soit également riche, exotique et bariolé. Nous avons commencé par dessiner des voitures aérodynamiques et étincelantes, mais elles nous ont semblé trop futuristes et nous sommes repartis dans une autre voie pour ne pas détruire cette sensation de familiarité.
«J'ai travaillé comme directeur artistique, j'ai une formation de peintre et de graphiste. Le dessin me permet de communiquer à divers niveaux : photo, prise de vue, montage, etc. Un simple croquis est parfois plus éloquent qu'un long discours.
«Dès le départ, nous avions décidé de bannir le mot "androïde" qui prête à confusion et qui a été beaucoup trop employé, souvent à mauvais escient. Nous avons donc introduit le terme "réplicant" qui désigne une créature artificielle, d'apparence entièrement humaine, constituant l'aboutissement suprême de la technologie génétique. Le détective Deckard officie à la fois comme un policier et comme un exterminateur. Il est payé pour traquer les réplicants qui se sont infiltrés dans la ville.

 


«Le film illustre ce qui se produirait si la fabrication de réplicants se faisait à l'échelle industrielle. Nous avons imaginé qu'une firme était devenue suffisamment puissante pour développer des recherches spatiales et génétiques susceptibles d'aboutir à la création du premier clone humain.
«Blade runner n'est pas un avertissement sur le futur, mais un divertissement : l'action est rythmée, violente, les personnages pittoresques. Le cinéma présente habituellement le futur sous des dehors austères, incolores, stériles et glacés. J'ai le sentiment que nous allons dans une direction toute différente. Pensez à ce que sont Chicago et New-York aujourd'hui et au surpeuplement qu'elles connaissent. Certains bâtiments devront être rasés, mais on ne rase pas l'Empire State Building : cela coûterait aussi cher que de le reconstruire. Plutôt que d'abattre les façades des immeubles pour modifier les circuits électriques et la climatisation, on trouvera sans doute plus commode d'ajouter de nouveaux éléments, de plaquer du neuf sur de l'ancien. L'architecture sera composite et la ville très richement texturée. La mode n'évoluera pas de façon radicale en l'espace de cinquante ans, et je crois que ç'aurait été une erreur de sacrifier, dans ce film, au style "vêtements argentés et fermeture éclair obliques". Nous avons emprunté certains éléments à la culture punk, parce que le punk est une manière d'affirmer son identité, d'attirer l'attention sur soi. On retrouve ce style sur certains figurants, mais les couleurs et l'extravagance caractéristiques du punk ont été gommés. Ces silhouettes se fondent dans la masse, et ne sont pas expressément désignés comme les punks du XXIème siècle.»

 


Los Angeles, 2019. Les réplicants (des robots à l'apparence humaine) sont employés sur des chantiers cosmiques. Quatre d'entre eux se sont échappés et se sont infiltrés dans la cité. Un «blade runner» (un tueur, littéralement «celui qui court sur le fil du rasoir»), Deckard, est chargé de les abattre. Pour les reconnaître, on sait seulement qu'ils n'ont pas d'affectivité. Dans son enquête, Deckard est aidé par un réplicant d'un modèle perfectionné, Rachael. Il se heurte à forte partie avec le dernier réplicant à éliminer, Batty, qui finalement épargne son chasseur et meurt à sa place. Deckard choisit de vivre avec Rachael dans un avenir incertain.

Blade runner ne peut que fasciner par la justesse de sa vision et l'intensité de sa beauté plastique : graphiquement superbe. Sa texture visuelle, particulièrement riche et dense, ses décors monumentaux baignant dans une lumière diffuse, ses ambiances nocturnes oppressantes en font l'une des œuvres majeures de la science-fiction. Mais le film, grâce au sujet inspiré d'un roman de Philip K. Dick (Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?), est aussi une réflexion sur l'avenir de l'humanité, sur la conscience et la morale humaine. Les humains ont-ils vraiment un supplément d'âme sur les robots ? Aux images magnifiques de Ridley Scott et au scénario de Hampton Fancher, il faut ajouter les effets spéciaux de Douglas Trumbull pour se faire une idée de la richesse de Blade runner tant du point de vue du fond que de la forme.

 

 

De plus, ce film a une histoire. D'une œuvre méprisée à sa sortie, il est devenu un film culte. D'une première version déjà splendide et novatrice mais amputée et massacrée par les producteurs, Ridley Scott en a fait une deuxième, plus profonde, donnant au film un nouveau sens, l'emmenant dans une autre dimension. Mais aujourd'hui, cette version paraît remise en question par le réalisateur lui-même. D'un tournage éprouvant est sorti, au-delà de ces querelles, un film reconnu aujourd'hui comme l'emblème d'un genre.

C'est pourquoi il faut parler de tout ce qui a fait de Blade runner ce qu'il est devenu. En commençant par le tournage et l'aventure d'un film dont il existe maintenant deux versions officielles sorties en salles. On ne peut aussi négliger l'expérience visuelle et sonore que procure sa vision sur grand écran, aussi parlerons-nous de la réussite de la bande-son, très particulière, et de la fabrication des images tant au niveau de la lumière que des effets spéciaux. De plus, les thèmes et les questions qu'il soulève en font une réflexion sur la nature humaine qu'il est également important d'évoquer. Pour finir, nous retrouverons la confirmation de ces explications dans une analyse détaillée des séquences-clés qui nous emmènera au cœur du film.

 

2 versions sont sorties en salles en France :

Première version
Sortie Paris : 15 septembre 1982
Durée : 116 min.

Deuxième version
Sortie Paris : 23 décembre 1992
Durée : 113 min.

Retrouvez le sommaire complet et le calendrier de mise en ligne des différentes parties sur cette page.

Tout savoir sur Blade Runner

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