Zombi Child ou le zombie à la française : pourquoi c'est beaucoup plus qu'un film de morts-vivants

Judith Beauvallet | 5 février 2024
Judith Beauvallet | 5 février 2024

En 2019, Bertrand Bonello signait Zombi Child, un film de zombies à la française dont l'action se déroule dans un pensionnat pour jeunes filles. Un pensionnat qui existe vraiment... et auquel cette histoire d’horreur va comme un gant. Parole d'ancienne élève.

Exceptionnellement, cet article sera écrit à la première personne, car si j’ai voulu parler de Zombi Child, c’est pour l'étudier a la lumière des deux années de scolarité que j’ai moi-même passées à La Maison d’Éducation de la Légion d’Honneur, l’établissement pour filles aussi impressionnant que singulier qui sert de décor au film de Bonello. La “Légion” n’a sans doute pas été choisie au hasard pour raconter l’histoire de Mélissa, une jeune fille haïtienne dont la culture vaudou va troubler ses camarades issues de milieux privilégiés.

En utilisant tout un tas de codes spécifiques à cet établissement (peut-être parfois un peu obscurs pour le grand public), Bonello alerte sur les dangers d’ignorer la culture et l’histoire des peuples non blancs. Pour ce faire, quel meilleur décor qu’une école représentative dans son existence même de l’histoire et de la fierté françaises ? Voici mon retour tout personnel sur ce film qui a su m’interroger, plusieurs années après la fin de ma scolarité, sur ce Poudlard à la française qui fut un jour ma maison.

 

Zombi Child : photo, Louise LabèqueRegard noir

 

La légion pas si étrangère

Je vais commencer par expliquer ce qu’est la MELH (ou “Légion”), pour que tout le monde s’y retrouve. Il s’agit d’un établissement public (malgré les apparences) pour filles, situé à Saint-Denis, dans l’ancienne abbaye royale, et dont les critères de recrutement sont particuliers. Comme rappelé dans le film, pour intégrer l’établissement il faut être fille, petite-fille ou arrière-petite-fille d’une personne ayant été décorée de la Légion d’honneur, de la Médaille Militaire ou de l’Ordre National du Mérite. Créée par Napoléon, cette école avait, à l’origine, vocation à offrir un toit et une éducation aux orphelines de soldats méritants. “Faites-en des religieuses et non pas des raisonneuses”, avait-il dit, comme également cité dans le film.

Déso, Napo, mais ça a pas mal changé depuis (et tant mieux). En revanche, si cette école est malgré tout publique et que, en dépit de son allure prestigieuse, elle n’est pas plus chère qu’un autre pensionnat, elle n’en demeure pas moins un lieu de privilèges. En effet, beaucoup de familles catholiques traditionnelles ou “nobles” y envoient leurs filles, et si l’on trouve à la légion des élèves de tous les milieux et de toutes les provenances (certaines bénéficiant de bourses, ou d’autres, comme moi, ne sachant pas trop où elles mettent les pieds), l’atmosphère générale est à la blancheur pieuse. D'ailleurs, la Légion a même sa propre chapelle et son propre cimetière.

 

Zombi Child : photo, Louise Labèque, Wislanda LouimatLa ceinture "nacarat" (rouge, quoi) représente la classe de seconde.

 

Qu’on ne s’y méprenne pas : j’ai adoré être élève là-bas et l’établissement a de grandes et nombreuses qualités. Je suis toujours profondément attachée à la Légion. Mais les hauts murs érigés tout autour du bâtiment et du parc, en plein milieu d’une ville à la population défavorisée et majoritairement non blanche, symbolisent bien l’espèce d’aberration sociale que cette école représente aujourd’hui. Avec Zombi Child, Bonello ne l’utilise pas, contrairement à beaucoup de films, comme simple décor de pierre. Il la met en scène pour ce qu’elle est, l’établissement que je viens de décrire, et fait référence à nombre d’éléments de son quotidien qui m’ont, à l’époque où j’ai vu le film, complètement replongée dans mon passé.

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commentaires
Mathilde T
05/02/2024 à 18:52

Autant j'ai aimé son Saint Laurent autant Zombi child m'a un peu laissée de côté . Excepté le talent des actrices je l'ai trouvé lent, un peu superficiel dans sa manière d'utiliser le vaudou et avec peu d'enjeux passionnants .