Le chef-d'œuvre français qui a inventé le spoiler (et qui a directement influencé Psychose)

Léo Martin | 20 janvier 2024 - MAJ : 06/02/2024 13:10
Léo Martin | 20 janvier 2024 - MAJ : 06/02/2024 13:10

Avant Sixième Sens, Usual Suspect ou même Psychose, le tout premier film qu'il ne fallait surtout pas spoiler s'appelait Les Diaboliques.

"Ne racontez pas la fin... c'est la seule qu'on a !" Ce slogan, qui ornait les affiches du Psychose d'Alfred Hitchcock, a marqué les esprits, en son temps. Commercialement, l'idée était géniale. Pour la première fois, le grand maître du suspense vous suppliait de ne pas révéler le rebondissement final de son film tant celui-ci était supposément exceptionnel. Une intrigue qui cherche autant à préserver le secret doit bien valoir le coup d'œil ! Ce serait dommage de gâcher ça... Et ainsi, la crainte du spoil commençait à envahir nos méninges.

Bien des décennies plus tard, cette terreur du divulgâchage (en langue de Molière) s'est ancrée dans notre quotidien. Les alertes au spoiler balisent un terrain de mines où il faut naviguer avec prudence au risque de voir son plaisir de la découverte d'une série ou d'un film être ruiné. Une appréhension que Hitchcock est a priori le premier à avoir utilisé publicitairement. Mais dont l'idée lui est venue d'ailleurs. D'un long-métrage français précurseur de 1955, réalisé par Henri-Georges Clouzot et intitulé Les Diaboliques.

 

Les Diaboliques : Photo Paul Meurisse, Simone SignoretDossier garanti sans spoil !

 

Le duo diabolique 

Pour éclaircir cette histoire, évoquons d'abord les noms de Pierre Boileau et Thomas Narcejac. Ce duo d'auteurs spécialisés dans les livres policiers (et connus pour leur série des Sans-Atout) a eu un rôle crucial dans l'avènement d'un nouveau genre de la fiction, au siècle dernier. Un genre qui n'était ni tout à fait celui du polar ni de celui de l'épouvante. Bien qu'il évoquait le mystère et l'angoisse. Héritiers des romans-feuilletons, Boileau et Narcejac avaient pour but de révolutionner le récit à suspense avec des énigmes tortueuses capables de captiver le lecteur, au fil de multiples coups de théâtre. 

Le premier à détecter le potentiel de leurs histoires pour le cinéma fut ainsi Henri-George Clouzot. Intéressé par des personnages amoraux et des intrigues ambiguës, il s'empare vite d'un de leur roman, Celle qui n'était plus, pour en faire la base de son nouveau film : Les Diaboliques. Après cette adaptation, les portes du septième art vont ensuite s'ouvrir aux romanciers. Ce qui leur permettra de marquer à nouveau l'histoire du cinéma français, notamment en collaborant au scénario des Yeux sans visage de Georges Franju. Un autre film atypique, entre horreur et policier.  

 

Edith Scob : photo, Les Yeux sans visageLes Yeux sans visage : une autre merveille du cinéma français, signé Boileau-Narcejac

 

Et ce genre hybride (que l'on évoquait plus tôt) correspond bien entendu à la naissance du thriller. Ce n'est pas pour rien qu'Hitchcock sera totalement séduit en voyant Les Diaboliques, au point de se jeter immédiatement sur un autre de leurs livres (D'entre les morts) duquel il tirera Vertigo en 1958. Lui à qui l'on attribue quasiment la création du thriller au cinéma (avec The Lodger en 1926), avait ici trouvé le type d'histoire dont il avait besoin. Le genre de récit dont le mystère saurait saisir son spectateur jusqu'à la toute dernière minute ; lui glacerait le sang tout en le tenant en haleine. 

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commentaires
Ray Peterson
21/01/2024 à 08:52

Chef d'oeuvre français que Hitchcock aurait voulu adapter! Un des meilleurs Clouzot et thriller tout court. La scène de la baignoire culte de chez culte. Zemeckis s'en rappeler d'ailleurs dans What Lies Beneath d'ailleurs. Pour l'anecdote, un célèbre chanteur français se cache dans le, film de Clouzot d'ailleurs. Et enfin, oublions le remake US avec la pourtant remarquable Isabelle Adjani....

Léo Martin - Rédaction
20/01/2024 à 19:25

@Hailde Bonjour ! Si le titre du film de Clouzot fait effectivement allusion au roman de Jules Barbey d'Aurevilly (le film s'ouvre même avec une citation de celui-ci pour assumer cette filiation), il n'en est pas une adaptation.

Les Diaboliques adapte le roman "Celle qui n'était plus" de Boileau-Narcejac, comme dit dans le dossier.

Hailde
20/01/2024 à 12:04

Je ne peux pas lire l'article, mais il serait bon de préciser que le film des Diaboliques est une adaptation du livre éponyme les Diaboliques de Jules Barbey d'Aurevilie.

Anderton
20/01/2024 à 09:17

J'ai découvert les Diaboliques tout gosse (a 9 ou 10 ans), juste après Psychose et Sueurs Froides; j'étais persuadé qu'il avait été réalisé par Hitchcock ! Encore aujourd'hui, je n'arrive pas à dissocier ces films car ils ont été des révélations pour moi et je ne me lasse pas de les revoir, sans parler des autres films de Clouzot et Hitchcock.
Merci @La Rédaction pour cet article. Toujours bon de se replonger dans des œuvres connues et reconnues mais plus assez diffusées, partagées, streamées...

Prisonnier
20/01/2024 à 09:00

Et sinon, les diaboliques, un de mes films français préférés.

Prisonnier
20/01/2024 à 08:59

Divulgachier, c'est loin d'être du Molière.

Je sais pas "il a divulguer la fin, cela m'a tout gâcher".