Quand Disney faisait de la propagande pour survivre (et il était à deux doigts de la faillite)

Ange Beuque | 6 janvier 2024
Ange Beuque | 6 janvier 2024

Et si Disney coulait ? Si la question peut sembler absurde en dépit de l'accumulation de déboires récents (mauvaise gestion de ses licences, box-office aléatoire, gouffre financier de Disney+), dans les années 40, elle n'avait rien d'une perspective inenvisageable. La guerre mondiale, une grève historique et des résultats en dents de scie avaient mis le studio sous pression. C'est de ce contexte précaire qu'émergent Les Trois Caballeros, chargé de maintenir le futur empire à flot.

De la standing ovation accueillant la première diffusion de Blanche-Neige en 1937, point de départ de son premier âge d'or, à la société capable d'avaler sans s'étouffer (à moins que...) Marvel, Lucasfilm et la 20th Century Fox, difficile de contester la trajectoire triomphale de Walt Disney Pictures. Mais la belle histoire a eu sa part de mauvaises passes plus ou moins sérieuses, dont certaines auraient pu couler la société.

C'est dans une période particulièrement délicate qu'a été développé Les Trois Caballeros. On pourrait conserver du 9e classique Disney la mémoire de ses trouvailles visuelles, son psychédélisme, l'avènement de Donald en héros inattendu ou son statut de précurseur pour l'incorporation de dessins animés au sein de prises de vue réelles. En réalité, on en retient surtout qu'il a compté parmi ceux qui ont sans doute épargné au studio une fin prématurée en des heures tumultueuses.

 

Les Trois Caballeros : Donald, Panchito, José CariocaAux sombres héros de la marchandisation

 

La petite entreprise connaît bien la crise

En 1941, le conte de fées de Walt Disney s'obscurcit : à partir du mois de mai, le producteur visionnaire est en effet confronté à une grève qui l'ébranle profondément (et qui n'est pas sans rappeler celle qu'a traversée l'industrie en 2023). 300 employés environ, sur le millier que comprend la société, réclament notamment le paiement de leurs heures supplémentaires et le retour de leurs primes.

Dans un contexte d'émergence du syndicalisme, c'est le licenciement d'Art Babbitt, créateur de Dingo, qui a mis le feu aux poudres. La tension est telle que Babitt et Disney en viennent aux mains sur le parvis des somptueux studios flambants neufs de Burbank, sous des pancartes évoquant "Blanche-Neige et les 700 nains"...

Cette "guerre civile de l'animation" s'étend sur neuf semaines. Au final, les grévistes obtiennent la plupart de leurs revendications. Remis en cause dans sa manière paternaliste de diriger, Walt ne sera plus jamais plus le même. Des licenciements interviennent, l'insouciance se dissipe. Certains animateurs partent chez la concurrence, d'autres fondent United Productions of America (Mister Magoo...).

 

Les Trois Caballeros : Donald, Panchito, José CariocaPour Disney, c'est loin d'être la fantasia à Agrabah

 

En parallèle, la santé financière de Disney est loin d'être florissante. En dépit de leur statut de classiques, Pinocchio et Fantasia ont enregistré des résultats très timides au box-office. Dumbo et Bambi, en production, ont des budgets plus modestes, mais mobilisent beaucoup d'artistes pour un gain incertain alors que la guerre fait rage en Europe. Le premier âge d'or est en suspens.

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commentaires
Fou Dubulbe
08/01/2024 à 15:55

Moi qui ai grandi avec ce film, c'était très intéressant. Et la comparaison entre Donald et Gérard m'a bien fait mal ahah

Rorov94m
07/01/2024 à 00:43

Le mec paye les gars plus que le marché du moment et ils se plaignent....Disney fait appel à son pote J Edgar Hoover pour mettre la pression sur un noyau dur de communistes... Coups de pieds au cul des gauchos et le studio repart pour un tour!
Il avait des couilles ce Walt...pas comme les lavettes qui ont succédé à Michaël Eisner...

Adam
06/01/2024 à 11:53

je valide le jeu de mot du sombrero ^^.
Le début de l’article a bien fait de nous rappeler que le père Walt n’était pas aussi gentil que ses personnages…