Avatar : et si c'était la dernière grande BO de James Horner ?

Geoffrey Fouillet | 27 novembre 2022 - MAJ : 28/11/2022 11:37
Geoffrey Fouillet | 27 novembre 2022 - MAJ : 28/11/2022 11:37

Quand James Cameron et James Horner se portent mutuellement au sommet, cela donne Avatar et sa BO tribale, dernier coup d'éclat de son compositeur.

Rares sont les franchises originales à être nées au cinéma après le passage à l'an 2000. La plupart sont soient adaptées d'oeuvres littéraires ou graphiques préexistantes, comme la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, la saga Harry Potter ou le Marvel Cinematic Universe, quand elles ne recyclent tout simplement pas les succès des années 1980-90, type Star Wars, Indiana Jones, Jurassic Park ou encore Terminator. À ce train-là, le désespoir est de mise.

Et c'est alors que James Cameron (notre Sauveur ?) est revenu en 2009 avec un projet faramineux, Avatar donc, sur lequel il a travaillé depuis 1994. Un univers créé de toutes pièces par ses soins, conglomérat d'influences diverses certes, mais véritable proposition originale dans un paysage alors sans fraîcheur ni nouveauté. Pure promesse d'évasion, le film n'a pas seulement dépassé les attentes, il est et reste à ce jour le plus gros succès de tous les temps au box-office mondial (excusez du peu).

 

Avatar : Photo Sam WorthingtonLe roi du monde, again

 

Mais si le voyage a été si marquant pour les spectateurs du monde entier, la conception visuelle hallucinante du film et l'art de conteur hors-pair du cinéaste ne sont peut-être pas les seuls paramètres à prendre en compte. Avec James Horner à la baguette, il était également difficile de ne pas se laisser emporter dans cette grande aventure, à la fois terrestre et cosmique, intime et épique.

Rappelons que le réalisateur et le compositeur avaient déjà collaboré ensemble sur Aliens, le retour en 1986, puis sur Titanic en 1997, consécration absolue pour les deux artistes (onze Oscars reçus au total, dont deux récompensant le travail d'Horner). Les retrouver là encore une dizaine d'années plus tard sur Avatar a tout eu du rendez-vous incontournable qui ne se produit que trop rarement. Et si la BO de ce premier volet était le legs ultime d'Horner à la musique de films ?

 

Avatar : photo« La musique, c'est comme un vol plané à dos de banshee, tu me suis ? »

 

QUI A FAIT ÇA ?

Son nom est Horner, James Horner. Mais ne vous y trompez pas, il n'a rien d'un agent secret, même s'il a oeuvré avec une relative discrétion tout au long de sa carrière, du début des années 1980 jusqu'à sa mort prématurée en 2015 dans un crash d'avion (oui, on ne s'en remet toujours pas). Plus proche en ce sens d'un Jerry Goldsmith que d'un John Williams en termes de pure aura artistique, il a été très vite identifié pour ses compositions pour choeurs, mais pas que. Certaines, très représentatives de son art, ont hybridé percussions, instruments à vent et à cordes afin d'allier grandeur et émotion.

Sa période la plus faste s'est sans doute située au cours de la décennie 1990-1999, et les millenials le remercient encore d'avoir bercé leur plus tendre enfance. Il suffit de s'attarder sur l'année 1995 pour se rendre compte de l'influence qu'il a eue sur l'imaginaire de nombre de spectateurs, entre le leitmotiv lancinant au piano de Casper, la mélodie thématique de Jumanji jouée à la flûte (peut-être son instrument de prédilection à bien y réfléchir), ou les envolées celtiques de Braveheart interprétées à la cornemuse. Jamais tout à fait là où on l'attend, et pourtant, comme on l'a dit, sa signature musicale a toujours été reconnaissable entre mille.

 

Avatar : PhotoPour être Omaticaya, il faut savoir écouter la voix de la forêt

 

Sa deuxième collaboration avec Cameron sur Titanic a été une étape déterminante pour lui (au-delà des distinctions, la BO du film est la quatrième plus vendue de l'Histoire, avec 30 millions d'albums écoulés, derrière Bodyguard, Dirty Dancing et La Fièvre du samedi soir). Et comme pour Avatar plus tard (avec le titre I See You interprété par Leona Lewis), une star de la chanson, en l'occurence Céline Dion, a repris le thème phare du film et l'a transformé en tube. Qui n'a pas un jour donné de la voix sur My Heart Will Go On ? Oui, on est tous passé par là.

Les années 2000 l'ont amené à travailler sur des films en forme d'éloges à la Nature. Le Nouveau monde de Terrence Malick est de ceux-là, mais est resté une épreuve douloureuse pour Horner, qui a raconté dans une interview accordée au média Film Music Magazine : "J'ai composé une musique qui était celle que le studio attendait, que le film demandait, et Terrence a rendu cela impossible". Heureusement, cette déconvenue ne s'est pas reproduite sur Apocalypto de Mel Gibson, peut-être sa BO la plus expérimentale et organique, annonçant déjà l'exotisme étrange promis par Avatar.

 

Avatar : photo, James HornerLe regretté James Horner... snif

 

ESSAIS FANTÔMES

De l'aveu même d'Horner, la BO d'Avatar s'est imposée comme le défi le plus exigeant qu'il ait eu à relever. Entre 2007 et 2008, il s'est rapproché de l'ethnomusicologue Wanda Bryant afin de créer une partition qui soit en mesure de retranscrire la singularité de la planète Pandora et de ses habitants, les Na'vis. Au gré de leurs expérimentations, ils ont réuni quantité de sonorités à partir de divers instruments (flûte de pan, ocarina, kena, entre autres) et on fait appel à des artistes de toutes origines (bulgare, indienne, nord-africaine etc.). Un métissage musical que Cameron a considéré alors trop "pointu" pour toucher le public de manière universelle.

"Il fallait conserver un univers sonore atypique, sans que ce soit d'avant-garde ou art et essai. Cet univers sonore devait soutenir l’écriture mélodique pour que je puisse composer de façon thématique. Je devais rester concret. (…) Le film, aussi radical qu'il puisse paraître et avec cette esthétique nouvelle qu'il déploie visuellement, a nécessité une musique profondément enracinée et émotionnelle", a déclaré Horner au Los Angeles Times.

 

 

 

Tout en respectant les particularités culturelles des voix et des instruments qui fondent l'identité musicale du film, Horner a pris le parti de revenir à une approche plus classique voire occidentale. On pourrait le regretter (et à vrai dire, on aurait bien voulu écouter ses toutes premières démos), mais le compositeur a réussi malgré tout à préserver une sensibilité très tribale et folklorique, à base de chants indigènes, de percussions, de carillons, de sorte que l'orchestration dans son ensemble produise un sentiment d'émerveillement constant.

De tous les morceaux réalisés initialement par Horner, avec l'aide de Bryant, la complainte des Na'vis au pied de l'Arbre des Âmes est le seul à avoir été conservé dans le montage final. Et il est tout à fait intéressant de constater qu'il s'agit de la séquence musicale la plus épurée de tout le film, sans nappes de violons ni roulements de tambours. On entend alors toutes ces voix se juxtaposer, vibrer à l'unisson, le mixage en accentuant certaines plus que d'autres afin de faire résonner la détresse des Na'vis à un niveau aussi bien collectif qu'individuel.

 

Avatar : photoAprès la chevauchée des Walkyries, la symphonie du Napalm

 

S'IL NE FALLAIT GARDER QU'UN MORCEAU

Le choix relève du crève-coeur, et en évoquer un seul serait criminel, mais le morceau Jake's First Flight s'impose dans la mesure où il résume de façon quasi-exhaustive la variété de thèmes et motifs parcourant la BO. Intervenant lors du fameux baptême de l'air de Jake, qui s'envole en domptant un banshee (une race de dragons servant de montures aux Na'vis), ce morceau est symbolique du rite de passage du héros et de son accomplissement en tant que membre du clan des Omaticayas, auquel appartiennent Neytiri et les siens.

Porté au début par des cuivres feutrés dont Horner a le secret, le vol de Jake, bientôt rejoint par Neytiri sur son propre banshee, se voit accompagné par les voix des Na'vis, puis un souffle épique quand le thème principal joué au violon s'enrichit de tout un ensemble orchestral, associant cuivres, percussions et flûtes aux sonorités exotiques. Il faut attendre la descente à pic de Jake et Neytiri à flanc de falaise pour que le crescendo musical mis en place jusqu'ici, reproduisant le jeu de séduction auquel se livrent les deux personnages, s'achève en une célébration d'accords triomphants à la gloire des Omaticayas.

 

 

À ce titre, on croirait entendre dans les voix des Na'vis un rappel du morceau An Epitaph to War, le cantique funèbre de Glory, sur une tonalité plus lumineuse évidemment. De même que les pistes The Bioluminescence of the Night et The Destruction of Hometree de la BO d'Avatar renvoient respectivement au thème romantique de Titanic et au motif inquiet qui ouvre Elena's Truth dans Le Masque de Zorro. On serait tenté de vouloir blâmer Horner pour s'auto-citer ainsi, mais ce serait jeter la pierre à un artiste ayant composé près de 150 partitions de son vivant. Difficile de se renouveler à chaque fois quand on a un C.V. aussi fourni.

 

IL EN RESTE QUOI ?

Si Avatar est une date dans le cinéma, sa BO a marqué pour Horner l'aboutissement d'années d'expérimentations et est venue couronner une carrière hors normes, de celles qui cimentent une époque, une génération. Quand bien même la révolution est davantage du côté de la palette graphique déployée par Cameron et son armée de techniciens, la musique du film véhicule à travers sa conception polyphonique, multi-culturelle, un message unificateur, humaniste, capable d'être entendu et compris aux quatre coins du monde.

 

 

C'est aussi un cri du cœur à l'attention de Mère Nature qui retentit dans chaque envolée, chaque vibration ici. Certaines mauvaises langues pourraient arguer que la BO d'Avatar ressemble à un pot-pourri d'influences new-age, tendance "concerto vegan", mais on ne saurait être plus en désaccord, tant Horner aborde sa partition avec une totale déférence vis-à-vis des populations représentées. Savoir que Cameron a fait appel à Simon Franglen, protégé d'Horner à l'époque, pour signer la BO du deuxième volet est le plus bel hommage qui pouvait être fait à la mémoire du compositeur.

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commentaires
Garisson
30/11/2022 à 09:12

Pour moi c'est un gros point faible du film, autant pour Titanic il était très inspiré là on se retient aucune mélodie sauf parfois du déjà entendu pour les scènes de bataille plus particulièrement....

Andolini
28/11/2022 à 20:49

Personnellement j'ai toujours beaucoup apprécié son travail pour Mel Gibson, des très belles mélodies de L'Homme sans visage (film sur lequel il serait intéressant de se pencher) aux sonorités tribales d'Apocalypto en passant par les thèmes épiques et sublimes de Braveheart. Il était même en train de travailler sur le BO de Tu ne tueras point au moment où il nous a quitté. Je donnerais n'imoorre quoi pour voir le film avec la partition d'Horner. Fort heureusement, Rupert Gregson-Williams nous a pondu une BO superbe. Sinon j'aime beaucoup sa partition pour Stalingrad de Jean-Jacques Annaud avec ce premier quart d'heure dément où la musique ne s'arrête jamais. A vrai dire, j'y pensais en allant revoir le premier Avatar au cinéma lors de sa ressortie il y a peu: "Avatar 2 sera-t-il vraiment Avatar sans la musique de Horner ?" Je croise les doigts.

Morcar
28/11/2022 à 12:13

Tiens, puisque vous parlez de BO de James Cameron, peut-être apprécierez-vous ce blind test de BO de ce compositeur, justement ;)

https://www.youtube.com/watch?v=QE6mI8lAq5Q&t=160s

D'ailleurs peut-être apprécierez-vous de manière générale cette chaine de Blind Test consacrés au cinéma.

Geoffrey Crété - Rédaction
27/11/2022 à 20:45

@Liam

Ce n'est pas un article sur toute la carrière de James Horner, donc forcément, vu sa filmo incroyable, on ne cite pas tout.
Mais un article sur Willow arrive, pour info

Liam
27/11/2022 à 18:48

Mais vous n'avez pas parlé de willow, :( pour moi sa meilleure, avec quelques notes d'instruments à vent qu'on retrouve dans beaucoup de ses bandes sons, bref willow c'est selon moi un peu l'origine de toutes ses BO. Et j'attends fébrilement la série...

@tlantis
27/11/2022 à 18:45

Horner ma fait bcp rêver sur ces scores .
Mais il a pas su se renouveler suffisamment et copier entre autre Williams c’est pas terrible

Hank Hulé
27/11/2022 à 18:35

Le roi lion en pire…

Misdo
27/11/2022 à 16:29

Sans oublier sa magnifique partition pour Le Petit Dinosaure, elle est incroyable

JJLH
27/11/2022 à 13:25

La dernière grande BO épique de James Horner ? Sans doute, mais certainement pas Sa dernière grande BO.
Pour moi l'une de ses dernières compositions pour le cinéma, Le Dernier Loup de Jean-Jacques Annaud est sans doute sa dernière grande BO.

Mouais Bof...
27/11/2022 à 13:16

J'aime pas le film.

Mais James Horner purée.Un grand artiste parti trop tôt. Des partitions cultes dans des films cultes,Le nom de la rose, Star Trek , 48 h, Apocalypto et j'en passe.

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