Le Corps et le fouet : le délire SM de Bava qui t'enflamme pire que 50 Nuances de Grey

Simon Riaux | 22 mai 2022
Simon Riaux | 22 mai 2022

Les succès des mollassons 50 Nuances de Gray, 365 DNI ou After pourraient laisser penser que l'époque est à l'érotisme. Mais rien de tel que Le Corps et le Fouet pour se remettre les idées en place, grâce au génial Mario Bava. 

Depuis la tornade éditoriale puis filmique 50 Nuances de Grey, le sexe, le fétichisme et le sadomasochisme auraient fait leur grand retour au cinéma, comme en témoignerait encore tout récemment le second volet du succès planétaire de Netflix, le moite 365 Jours. Entre ces deux métrages, quantité de productions auront tenté de tirer leur épingle du jeu du mommy porn.  

Une escroquerie qui n’aura pas tenu bien longtemps dans le cœur érectile des cinéphiles, bien conscients que cette avalanche de sexualité savonneuse et de fessées javellisées fleurait bon l’arnaque. Il faut dire que pour s’encanailler, le 7e Art n’a pas attendu les récents soubresauts fornicateurs de l’industrie hollywoodienne. Et si certaines œuvres brillent encore à la manière de diamants noirs, tel le Dernier tango à Paris, c’est du côté du (faux) cinéma d’exploitation qu’il faut chercher le matriciel orgasme de la subversion.  

Il faut se replonger dans Le Corps et le fouet de Mario Bava, géniale fable érotique, sadique et gothique, qui feint de proposer à son public un programme attendu... avant de lui fouetter la rétine comme aucun autre avant lui.  

 

Le Corps et le fouet : photo, Christopher LeeChristopher ne lit pas au lit

 

LE ROI MARIO  

Nous sommes en 1963, et le réalisateur Mario Bava, issu d’une dynastie de cinéma, n’en est pas à sa première mise en scène. S’il est connu au sein de l’industrie pour être déjà un technicien et bricoleur de génie, son aura reste encore à bâtir. Certes, il s’est fait remarquer avec Le Masque du démon, mais pour brillant que ce soit ce premier essai officiel derrière la caméra, le metteur en scène doit encore affiner son style. Comme il le prouvera à maintes reprises dans les décennies suivantes, c’est en s’inscrivant dans un canevas en apparence rebattu qu’il peut tout à fait déployer sa vision.  

Il nous plonge dans les affres de la relation amoureuse et sadomasochiste qui lie Kurt et Nevenka. Jadis banni du château familial par son père en personne, l’héritier pas prodigue pour un sou s’y invite à l’occasion du mariage de son frère avec Nevenka, qui fut jadis sa maîtresse. Il ne faudra pas longtemps à leur liaison violente pour renaître de ses cendres, avant que Kurt soit assassiné. Ce dernier revient bientôt d’entre les morts pour retrouver son aimée au cours d’ébats mêlant jouissance et douleur, tandis que les morts suspectes s’accumulent. 

 

Le Corps et le fouet : photo, Daliah LaviIndiana Jones et le retour du corsage hanté

 

De cette ligne directrice, le réalisateur aurait pu tirer un divertissement gothique, tel que popularisé par la société de production britannique Hammer depuis les années 50. Et en apparence, il s’y conforme. Le décor ne déroge en rien aux règles du genre, avec son château menaçant, ses alcôves sombres, ses châtelains concupiscents, aux mœurs tantôt cruelles, tantôt violentes, tandis que l’essentiel des personnages secondaires et leur collection de passions mortifères (avidité, cupidité, jalousie) semblent répondre parfaitement à ce programme. 

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commentaires
rientintinchti
22/05/2022 à 21:40

@Bidule
Merci pour votre réponse et pour cet échange. Bonne soirée

bidule
22/05/2022 à 21:37

Plus sérieusement (et j'espère de façon moins provocatrice), ce que j'ai critiqué (et regretté) est la représentation du fantasme érotique dans un certain cinéma ; ce cinéma qui, lui, représente les femmes comme "des prostituées qui ne se l'avouent pas" ; et, à mon avis, c'est ce que fait le très médiocre 50 nuances de gris. Ce que les femmes, elles, pensent ou s'avouent à elles-mêmes est un mystère qui doit être tû, ne serait-ce que pour préserver l'idée même de fantasme.

Pour revenir à la question du film : les nuances grisâtres font des femmes l'objet passif d'une relation utilitariste, à base économique, contrôlée par les hommes (multiplication des objets statutaires, des colifichets, du bling-bling, sujétion sociale mise en exergue). Ce film (méprisable à mon sens) méprise aussi bien les femmes que les spectateurs (et spectatrices). Sous le prétexte du fantasme érotique, ce film glorifie la société de consommation, et une société où les femmes sont minorées et chosifiées.

Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit, mais ce que ce que ce très mauvais film, lui, dit.

rientintinchti
22/05/2022 à 20:02

@the insider38 et bidule.
Donc si je suis votre raisonnement, puisque vous affirmez que la femme se donne au plus offrant ça veut dire que vous pensez que les femmes sont des prostituées qui ne se l'avouent pas c'est bien ça? Et ça veut donc dire qu'elles seraient moins respectables que les prostituées de métier qui elles ont au moins le mérite d'afficher les prix contrairement aux autres femmes qui déguisent leur vénalité, leur appat du gain derrière des illusions romantiques?

bidule
22/05/2022 à 19:20

Remarque intéressante. Mais se vendre au plus offrant n'est pas insultant, je crois : c'est un acte rationnel et un calcul bien mené. Le contraire l'aurait sans doute été. Les femmes préfèrent les riches à ceux qui n'ont qu'une grosse... disons moto. Et les hommes aussi.
Ce qui me navre dans ces nuances grisâtres, c'est la pauvreté du libertinage, l'absence de parole amusante ou amusée, le peu d'esprit. Le fantasme est réduit au seul aspect matériel, exhibitioniste, Ray-Ban et SUV allemand ; le cinéma emprunte au publicitaire, et chosifie les femmes pour mieux érotiser les objets.
Le séducteur (ou la séductrice) n'a plus à prendre le risque de séduire : il (ou elle) achète sur étagère. L'imagination, la fantaisie, la folie, en grains ou en vrac, n'ont plus cours : les amants sont désormais des consommateurs avertis, qui font jouer la concurrence dans un marché réputé libre et non biaisé où circulent la chair et les capitaux...

The insider38
22/05/2022 à 18:54

@rientintitnchti:

Réflexion vaine ! Bien sûre que non, et si y es vraiment objectif, entre le boucher du coin et un milliardaire , je met au défi quiqquonque de choisir le boucher …

rientintinchti
22/05/2022 à 14:38

50 Nuances de Grey.
Engouement mimétique et grégaire autour d'une célébration d'un érotisme capitaliste aseptisé.
Y aurait-il eu le même engouement si ça avait été exactement le même livre, la même histoire mais que le perso avait bossé dans la boucherie du coin ou dans une déchetterie ou même caissier dans un petit magasin?
Si tel n'est pas le cas ça implique que l'attirance est conditionnée par l'argent. Ce qui revient à insulter la femme en sous-entendant qu'elle se vend au plus offrant.