Visitor Q : le monument de provocation de Takashi Miike

Mathieu Jaborska | 8 février 2022 - MAJ : 08/02/2022 12:36
Mathieu Jaborska | 8 février 2022 - MAJ : 08/02/2022 12:36

Moins célèbre qu’Audition ou la trilogie Dead or Alive, Visitor Q, sorti à peu près à la même période, est pourtant l'une des principales causes de la réputation sulfureuse de Takashi Miike.

Bien qu'il s'efforce de toucher à tous les genres, au point aujourd'hui de se consacrer aux adaptations surfriquées de manga et aux productions foutraques pour enfantTakashi Miike ne s'est jamais débarrassé de sa réputation de provocateur récidiviste. Une renommée qui lui a valu la haine de certains, l'amour d'autres, et qu'il doit à son irruption fracassante dans la cinéphilie occidentale. Le cinéaste a explosé avec Audition, radiologie d'un féminin brisé, dont on a généralement retenu le déchainement de violence final.

Grisés par ses qualités graphiques, les curieux de tous poils ont prélevé de sa longue filmographie sa contribution au genre du Yakuza-Eiga, ignorant par exemple Bird People of China. De même que les excès de Dead or Alive ont éclipsé la sensibilité de sa suite. La rapidité du cinéaste, capable de sortir plus de cinq longs-métrages la même année, pousse à la sélection.

Pour beaucoup, le plus provocateur des films de cette période reste Visitor Q, sorti en 2001 au Japon et en 2002 chez nous. Cette chronique familiale décadente et crasseuse fut alors vue par ses détracteurs comme le prototype de ses hyperboles outrancières, selon eux, vides de sens. Pourtant, il se commente lui-même avec intelligence, en plus de parfaitement s'insérer dans la filmographie du réalisateur. Attention, cet article évoque quelques pratiques potentiellement choquantes.

 

Visitor Q : photo, Kazushi WatanabeUn film très tendre

 

Video killed the cinema stars

Miki, appareil photo à la main, supplie Kiyoshi de coucher avec elle, moyennant finance. Il finit par accepter. Sauf qu'il est en réalité son père. La scène d'introduction à elle seule a de quoi définitivement s'attirer la foudre de ceux qui voient en Takashi Miike un agitateur inoffensif et insolent. Le ton est donné : Visitor Q transgressera tous les codes moraux. Mais le cinéphage qui y chercherait la jouissance graphique d'un Dead or Alive n'y trouvera pas son compte non plus : âpre et parfois volontairement laid, il tranche avec les envolées stylistiques qui ont fait du metteur en scène le roi du cinéma de genre des années 2000.

D'emblée, le film semble unir contre lui. D'où son aura de vaine compilation trash, à laquelle la presse a parfois (la critique reste globalement positive) contribué, mais qui subsiste surtout dans un imaginaire collectif influencé par les premières réalisations du maître. En réalité, la réception du long-métrage est une conséquence directe de la malédiction/bénédiction qui frappe le cinéma de Takashi Miike : il s'exporte aléatoirement, au gré des distributeurs, et s'offre au public occidental (celui qui a fait sa renommée) en dépit de ses conditions de production.

 

Audition : photo, Eihi ShiinaAudition, le film le plus culte de Takashi Miike

 

D'un côté, l'engouement pour ses films dépasse à l'international les carcans de l'industrie locale. Si le film est digne d'être montré, il sera montré dans les conditions établies par son distributeur, quel que soit son statut original. De l'autre, ses oeuvres sont parfois très dépendantes de leur format, et nous arrivent sans notice. Nous l'avions déjà raconté : marqué par le succès mondial inattendu d'Audition, son réalisateur a appris à se moquer des ambitions d'exportation de ses productions et à agir selon ses envies, persuadé qu'il ne contrôle plus rien une fois l'étape du montage surmontée. Et il n'a pas tort.

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commentaires
SimoneRial
14/04/2022 à 02:25

Ma critique du film.

Il lait trait bien.
Meme si il est laid pas super.

Conslusion :
Un film que zai pas aime, et que je vous commande de voir.
Enfin je l avais deja commande, et la je recommence, donc je bois le RE-commande.

zetagundam
08/02/2022 à 23:22

Enfin un film tout public !

Plus sérieusement, il est intéressant de voir comment Miike arrive à jongler entre différents genres aussi distinct des uns des autres (poétique avec Dead or alive 2, trash avec celui-ci, gore avec Ichii the Killer, étrange avec Gozu, film familiale avec la grande guerre des Yokaïs, drame classique avec Hara-kiri, super-héros avec Zebraman, etc ...) et surtout à une vitesse affolante (111 films à son actif entre 1991 et 2021 )

Mouais Bof...
08/02/2022 à 16:16

Miike aurait été reconnu de tous s'il avait vécu dans les années 70 ou 80.

Son film le plus subversif ,ecoeurant, limite porno incestueux.
Une famille japonaise déchirée dans une société où le silence est roi,jusqu'à qu'un etranger chamboule toute cette hypocrisie familiale. Toutes proportions gardées, ce film me renvoie à un david lynch (Gozu en est la parfaite illustration,un hommage à twin peaks) avec quelques gouttes pasoliniennes et un soupçon de Ishii. L'extraction du lait maternel me reste encore à l'esprit.

Miike peut-il etre qualifié de génie ou de fou,ou bien les 2???