Fast & Furious 9 : l'épisode de trop pour Vin Diesel et la bande ?

La Rédaction | 14 juillet 2021 - MAJ : 14/07/2021 14:15
La Rédaction | 14 juillet 2021 - MAJ : 14/07/2021 14:15

Fast & Furious 9, après un an de reports pour cause de crise sanitaire, débarque sur les écrans français. Alors, ride cartoonesque ou panne sèche ?

Peu de franchises hollywoodiennes pourront se vanter d'avoir muté dans les proportions de Fast & Furious. Ersatz de Point Break à sa naissance, prolongée par deux suites opportunistes, la saga s'est métamorphosée en licence moderne dès Fast & Furious 4, pour devenir une franchise absolument délirante, et finalement éloignée de ses origines. Adulée par un public croissant, la série de blockbusters a fait face avec son 8e chapitre à une relative panne d'inspiration, et on espérait que ce 9e opus serait l'occasion d'un franc renouveau, ou à tout le moins d'un divertissement solide.

C'est donc avec les yeux grands ouverts, le plein faits et les jantes chauffées à blanc que la rédaction décortique les réussites, expériences, tentatives et échecs de Fast & Furious 9.

 

  

LE MEILLEUR

BIENVENUE DANS LA JUNGLE

C'est probablement le morceau le plus appétissant de F&F 9 : la mission sauvetage dans la jungle d'Amérique centrale, où la bande va pister la carcasse d'avion pour retrouver la babiole technologique au centre de l'intrigue. Là, Fast & Furious passe au vert pour sortir du béton ultra-balisé de la saga. Entre la végétation luxuriante et la terre aux teintes orangées, la palette de couleurs (aux antipodes de la glace de Fast & Furious 8) donne un coup de boost aux scènes d'action et autres fusillades.

 

photoLe terrain miné de la crédibilité

 

Toute l'équipe est réunie pour son numéro d'ouverture, et c'est un feu d'artifice qui n'a aucun sens, si ce n'est celui du plaisir. Il y a des fusillades, des courses-poursuites, des voitures, des motos, des tanks. Ça slalome entre les troncs d'arbres et les mines, ça joue avec l'idée de tuer quelqu'un dans une scène irrésistible, ça vire au total cartoon avec des personnages qui sautent et dérapent et tombent et se relèvent dans un grand huit qui ne s'arrête pas. Avec en clou du spectacle un vibrant hommage à Tarzan, qui annonce la couleur du film entier (si la débilité totale avait une couleur).

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la promo du film a cramé beaucoup d'images de cette intro : c'est l'un des meilleurs moments du film, ou en tout cas l'un des plus délirants.

 

photoRouler sur la corde raide

 

LES AIMANTS DIABOLIQUES

Dans son sur-excité 6 Underground, le vénérable Michael Bay s'était amusé à enrichir son climax d'un système d'aimants, censé doper la dimension spectaculaire de l'entreprise. Mais hélas, en dehors d'une paire de plans indéniablement cools, le concept n'était qu'effleuré. Evidemment, quand Vin Diesel lui emprunte avec la délicatesse d'un char d'assaut roulant sur une théière, ce n'est pas pour faire dans la dentelle ni nous donner une demi-ration de plaisir magnétique.

Ainsi, ce sont pas moins de deux séquences d'action majeures qui usent et abusent de cette idée qui rendrait presque poétique la destruction bruyante du patrimoine motorisé de la moitié de l'hémisphère nord. D'autant plus qu'avec la naïveté qui le caractérise, le film ne s'inquiète jamais de la vraisemblance de ce gadget, préférant transformer ce super-aimant en une sorte de bouton à cascades, qui autorise nos héros à attirer à eux ou à projeter des tonnes de véhicules disposés au hasard.

Le résultat dans la malheureuse cité d'Edimbourg aboutit à une cascade complètement ahurissante, réalisée à même le plateau. Le véhicule de Jakob traverse tout un bâtiment, pour aller s'encastrer dans un camion : un trip fou, seulement réhaussé de quelques débris et effets de particules numériques, pour un résultat jubilatoire. Mais c'est bien le climax qui verra la Family utiliser ce dispositif dans des proportions bibliques, et sauver par là, de longues minutes durant, un spectacle qui manquait sévèrement d'ambition.

 

photo, Vin DieselRien de tel qu'un petit aimant pour réussir son créneau à fond la caisse

 

SPACE COWBOYS

 Et si la licence était capabe de réserver ses morceaux de bravoure à autre chose que du pur spectacle ? Et si elle faisait preuve d'inventivité, ou à tout le moins de sincérité dans sa mise en scène ? C'est bien ce qui arrive quand Tej et Roman s'envolent au plus haut des cieux, non pas retrouver leur créateur, mais un satellite. Car oui, ainsi que l'ont révélé trailers et bande-annonce, notre famille de substitution préférée envoie deux de ses membres dans l'espace.

Mais là où on s'attendait à une scène d'action embarrassante à la Moonraker, à coups de plans d'ensembles numériques douteux, Justin Lin décide soudain de faire de la mise en scène, et d'opter pour une grammaire nettement plus intimiste que prévu. Tout d'abord, il est notable de constater qu'au sein de ce pudding dédié à une version débilitante des technologies de pointes et de l'univers de l'espionnage, le duo de pilotes embarque pour l'espace comme deux débiles légers déguisés en astronautes, perfectionnant leurs tenues avec du scotch. Mais c'est surtout leur arrivée dans l'espace qui frappe.

Plutôt qu'un plan d'ensemble vu des milliers de fois au cinéma, la caméra choisit de se planter face aux deux conducteurs, ne nous donnant pas à voir le contrechamp du péhnoménal paysage qui s'offre à eux. Ils reste face à nous, bouche bée, tandis que leurs casques commencent à refléter la Planète Bleue. Ce rendu minimaliste est totalement inattendu, permet, alors que Roman explique avec une pointe de tristesse que personne ne le croira jamais, l'aspect bricolé de la scène frappe, et émeut presque, tant elle témoigne du chemin parcouru par cette mauvaise troupe, bien consciente du miracle à l'oeuvre, et du lien qui l'unit au public.

 

photo, Ludacris, Tyrese GibsonInvraisemblance Day

 

LE MOYEN

LE MÉCHANT CENA

John Cena est indiscutablement un des anciens catcheurs devenus acteurs les plus mesestimés de ces dernières années, loin derrière la popularité de Dave Bautista (plutôt bon en vérité) et de Dwayne Johnson (qui joue le même rôle à chaque film). Certes, il est vrai que sa filmographie ne parle pas pour lui entre les comédies bouffones Chaud devant ! et Contrôle parentalle trop peu tendu The Wall ou le mécanique Bumblebeeet pourtant, John Cena détient une véritable palette de jeu, capable de capter des tonalités hilarantes ou graves selon les situations et les rôles.

Le voir caster dans ce neuvième opus de la saga rapide et furieuse était donc alléchant. D'autant plus pour le voir se confronter à un Vin Diesel dont les muscles ne dissimulent plus le bidou caché sous son marcel. Dans les premiers instants, lors de leur première rencontre dans la jungle, on a envie d'y croire. L'interprète de Jakob a un regard d'aplomb et une physicalité qui font de lui une montagne de muscles dont il semblera difficile de se dépêtrer dès son apparition (surtout avec ses gadgets impressionnants).

 

photo, John Cena"Vous avez dit quoi EL, là ?"

 

Le problème, c'est que la confrontation entre Diesel et Cena n'aura jamais vraiment lieu. Outre un petit concours de "Je te vise, moi non plus" dans un château, et une petite séance de boxe entre frère à Edimbourg, les deux hommes vont s'affronter entre voitures interposées... avant que Jakob ne change de camp. Le personnage de John Cena n'est d'ailleurs jamais vraiment crédible en méchant passé quelques minutes et surtout les quelques lignes de dialogues révélant son dessein : il est méchant et veut contrôler le monde pour être plus fort que son frère (lol).

Sa caractérisation est donc ultra-faible, lui qui existe surtout au crochet du jeune milliardaire pédant qui lui permet de mobiliser des jets, voitures et autres armes en tout genre pour battre le groupe de Dom. Son retournement de veste en plein climax final est, de fait, ridicule. Le personnage a à peine eu le temps de faire vivre son rôle d'antagoniste qu'il rejoint finalement le camp des gentils (parce que la famille quand même). Bref, même si on pouvait espérer avec Cena à la barre (lui qui donne ce qu'il peut pour tenter de rendre charismatique Jakob), la mission est un échec.

 

photo, John CenaUne confrontation qui restera dans les annales (mais ceux qu'on pense)

 

LA NAÏVETE CARTOON 

Depuis Fast & Furious 5, la saga n'a eu de cesse de pousser toujours plus loin son amour de l'action décomplexée, son goût pour des intrigues simultanément lourdaudes et formidablement naïves. La Family étant désormais une troupe de super-espions, cette logique progresse encore. Dans les scènes d'action tout d'abord, qui s'affranchissent systématiquement de toute notion de réalité physique, pour proposer un festival rebondissant d'images spectaculaires, aux frontières de l'absurde.

On pense bien sûr à cette improbable poursuite dans la jungle, où s'invitent missiles, hélicoptères et avions furtifs, ou encore à ces festivals de jonglages aimantés, destructeurs et générateurs de surréalistes carambolages. Mais cette conception cartoonesque du divertissement va bien au-delà de la taule froissée, puisqu'elle contamine jusqu'aux interactions des personnages. Qu'il s'agisse du concours de biscottos entre Diesel et Cena, de la représentation de l'espionnage, ou des articulations entre les différents actes, tout semble s'enchaîner à la manière d'une bande-dessinée enfantine.

Le résultat possède un charme délicieux, une candeur qui désamorce beaucoup de l'aspect prévisible et industriel de l'ensemble, et renoue avec une forme de jubilation pyrotechnique. Malheureusement, ces intentions sont longuement parasitées par le scénario, qui se disperse rapidement, pour envoyer ses protagonistes aux quatre coins du monde, durant un premier acte terriblement poussif. Le récit donne le sentiment de se disperser, et de le faire avec un esprit solennel aussi malvenu que contreproductif, comme si nos sales gosses préférés commençaient à se prendre dangereusement au sérieux.

 

photoPrends ça, Isaac Newton !

 

LES FLASH-BACKS

Le débarquement impromptu de Jakob, le frère de Dom, a valu à un certain nombre de commentateurs de voir là le symptôme d’une saga obligée de faire les fonds de tiroirs, tant elle paraît ne plus rien avoir à raconter. Et c’est donc sans grande inventivité que le scénario accueille plusieurs flash-back censés nous faire comprendre comment et pourquoi les deux frangins sont devenus frères ennemis. 

La franchise n’ayant jamais brillé par sa finesse, c’est avec la grâce d’un pied de biche apposé sur une muqueuse que ces plongées, inédites, dans le passif du clan Toretto nous sont assénées. Le fait est qu’elles ne sont pas avares en saillies ridicules, comme lorsqu’un patriarche idéalisé compare la vie à un moteur de muscle car. 

Pour gentiment neuneus que soient ses passages (au cours desquels Vin Diesel essaie sincèrement de nous faire croire qu’il fait trois têtes de plus que son frère, interprété dans au présent par John Cena), ils étonnent néanmoins par deux aspects bienvenus. Premièrement, Finn Cole et Vinnie Bennett sont particulièrement charismatiques et leurs échanges donnent contre toute attente du cœur au récit. Enfin, user de ces séquences, à la photo patinée de teintes mordorées, pour réinjecter la mythologie des rodéos motorisées, aux sources de la saga, est plutôt bien vu. Une bouffée nostalgique qui ravira sans doute pas mal de fans. 

 

photo, John Cena"T'es plus mon frère, frère"

 

LE META-TYRESE

Roman Pierce, le personnage incarné par Tyrese Gibson a souvent été une blague pour la franchise et force est de constater qu'il l'est toujours dans ce Fast & Furious 9. Toutefois, il prend ici une envergure plus spéciale et plus personnelle au sein de la saga et de sa capacité à se moquer d'elle même. Car Roman est finalement le seul qui semble conscient de l'absurdité des aventures du groupe. Tout du moins, c'est celui qui joue assez finement avec le spectateur sur le bien fondé du scénario, des rebondissements, des scènes d'action et finalement du destin de chacun.

Ses interventions amènent ainsi à quelques instants drôles entre sa remarque sur sa veste trouée par les impacts de balles mais son corps intact (la scène rappelle d'ailleurs un peu l'une de OSS 117 : Rio ne répond plus) ou sa diatribe sur la chance que le groupe a depuis des années de ne pas avoir eu d'égratignures. Roman Pierce ramène régulièrement le spectateur à la réalité comme pour mieux grossir l'extravagance de la saga Fast & Furious, tout en la pointant du doigt avec malice et amusement.

Un propos méta plaisant, qui cache aussi la tendresse du personnage de Roman. Sa scène dans l'espace prouve qu'il est sûrement le personnage le plus touchant de la franchise par rapport à son rapport au monde, plus ancré dans le réel, plus concerné par les enjeux sociétaux...

 

photo, Tyrese GibsonQuand Tyrese Gibson se la joue Jean Dujardin

 

HAN EST SOLO

Aaaah le retour de Han, voilà quelque chose qu'on n'avait pas vu venir dans la saga avant que le premier trailer du neuvième film annonce le retour du personnage (censé être mort depuis la fin de Fast & Furious : Tokyo drift) et déchaîne la communauté des fans des grosses cylindrées. Et l'explication sur son comeback a de quoi faire sourire tant on sent que les scénaristes, producteurs et Vin Diesel ont tenté de rafistoler l'impossible à coups d'espionnages, d'identités secrètes et pirouettes scénaristiques.

A ce moment là, on se dit : pourquoi pas ? Après tout, l'explication est débile et tiré par les cheveux, mais si son retour a un intérêt pour le récit, on pourra passer outre. Mais évidemment, ce n'est pas le cas. Le personnage de Sung Kang n'a véritablement aucun intérêt pour l'avancée du récit. Il permet au groupe de trouver le personnage clé (une jeune femme incarnée par Anna Sawai) qui peut déclencher Aries (l'artefact là) grâce à son ADN et... c'est tout.

Très clairement, la présence de Han est aussi signifiante que celle du Joker dans Zack Snyder's Justice League et son retour n'est sûrement qu'un atout commercial. Le marché asiatique étant devenu extrêmement important pour la carrière d'un film, le comeback de Han est le meilleur moyen d'attirer ce public. Et ce sera surtout le moyen de rameuter les fans de la première heure à travers le monde, d'autant que Han était l'un des personnages les plus appréciés de la communauté. Les producteurs l'ont bien compris et cela explique évidemment le teasing de sa vengeance contre Jason Statham dans Fast & Furious 10.

 

photo, Sung KangHan grignote en regardant vers l'horizon

 

L'ESPIONNAGE POUR LES ENFANTS

Avez-vous déjà regardé de très jeunes enfants jouer ensemble, et imaginer des situations plus invraisemblables les unes que les autres ? Alors vous avez déjà, en substance, assisté au processus créatif qui a dû présider à la production de ce nouveau Fast & Furious, tant la vision qu'il déploie de l'espionnage a de quoi amuser. Tout d'abord, dans le monde bien rangé de Rapides et Pas Contents, les espions sont espions parce qu'ils ont des gadgets trop trop forts. Pas parce qu'ils possèdent des compétences particulières (hormis leurs muscles, cela va de soit).

Nous assistons donc à l'avènement de Jakob, super espion avec un super avion, qui tire avec des super flingues, pour réussir à utiliser une super arme, qui pourrait faire de lui le super-maître du monde. Très logiquement, cette super arme est représentée par deux orbes manifestement designées par le coupable de la Playstation 5, qui a gentiment pensé à les sertir de bruitages... qu'on croirait bruités à la bouche (essayez d'imiter la mélopée d'un modem 56k avec trois litres de vin dans le sang, et vous serez tout proche de ce miracle de mixage sonore).

Malheureusement, ces bizarreries doucement puériles semblent assez timorées, quand on prend le film dans son ensemble, et on regrette à nouveau qu'il n'assume pas plus ouvertement son outrance. En effet, pour une boule magique de l'espace qui tourne au-dessus d'un ordinateur, il faudra supporter des twists nés avant la ringardise, en particulier ceux concernant le personnage de Elle. Pas évident de conserver une âme d'enfant, quand des adultes envirés de vapeur de gazoil la piétinent.

 

photo, Vin DieselIl a changé l'inspecteur Gadget

 

FEMMES PRESQUE FORTES

Derrière ses transitions clipées où se trémoussent au ralentis quantité de postérieurs huilés, accompagnés des regards lascifs de mâles que la langueur de l'été pousse rarement à l'exégèse de Pascal, la saga Fast & Furious a souvent veillé à proposer des personnages féminins qui aillent au-delà du love interest ou de la demoiselle en détresse. Un choix plutôt malin, qui permet de rendre plus cohérente et symapthique encore la "Family".

Malheureusement, dans ce chapitre, la gestion de ces personnages se révèlent nettement moins harmonieux que d'habitude. tout simplement parce que Michelle RodriguezJordana BrewsterNathalie Emmanuel et Anna Sawai héritent de toutes les pires scènes du film. Certes, leur charisme est souvent indéniable, et les comédiennes font plus d'une fois preuve d'une malice très appréciable, mais difficile de ne pas être en empathie avec Michelle Rodriguez, une nouvelle fois enfermée dans d'interminables scènes de couple avec Vin Diesel, dont la complicité est aussi frappante que pendant la parade amoureuse d'une mine antipersonnelle et d'un pot de rillettes.

Quant à ses comparses, elles doivent se fader une improbable séquence Tokyoïte, qu'on croirait tournée dans un décor de Joséphine, ange gardien, tant il est "minimaliste". Peu importe qu'elles échangent ici et là quelques belles tatanes, le sentiment de les voir uniquement invitées à occuper le siège éjectable du récit déçoit.

 

photo, Jordana Brewster, Michelle RodriguezElles ont enfin des scènes ensemble...

 

LE PIRE

LA SÉQUENCE ONIRIQUE

C'est le grand moment de gêne de F&F 9 : un flashback magique, où Vin Diesel voit sa vie défiler dans une scène héroïque de sacrifice débilos, où Michelle Rodriguez hurle au ralenti derrière un hublot tandis que monsieur muscle détruit le décor en hurlant lui aussi. Passons sur la stupidité amusante de toute cette séquence artificielle, qui obéit aux pires codes du genre (la fuite d'un groupe, le faux sacrifice du monsieur, une porte refermée pour que sa copine le voit en plein moment héroïque) pour s'attarder sur la mise en scène étonnante de la chose.

Alors que Dom tombe à l'eau et coule, emporté par son premier degré, le réalisateur Justin Lin s'amuse avec quelques effets de style jamais vus dans la saga. C'est le début d'un moment de flottement onirique, où Vin Diesel retraverse quelques souvenirs de sa jeunesse, avec son frère et son père. Le corps du héros se redresse ainsi dans l'eau, tandis que ses yeux se rouvrent pour replonger dans sa mémoire, et affronter quelques souvenirs douloureux.

Tout ça se termine par une grande symbolique puisque Dom est sauvé par Michelle, et ressortira de l'eau comme lavé, et prêt à affronter la réalité. Grâce à la magie de quelques CGI aquatiques et quelques regards lourds de sens, ce flashback devrait marquer les esprits, probablement pour le pire tant c'est traité avec gravité. Vin Diesel semble jouer sa vie à l'écran, et toute l'équipe donne l'impression d'avoir cru intensément à cet instant en apesanteur, qui frôle pourtant l'autoparodie tellement les sabots sont gros.

 

photo, Vin DieselEt les nommés à l'Oscar du meilleur acteur ne sont pas...

 

LE SCENARIO FAUSSEMENT ALAMBIQUÉ

C'est l'histoire de deux frères devenus ennemis, parce que le petit a tué son père en bricolant le moteur de sa voiture lors d'une course. Sauf que non : c'est papa qui lui avait demandé de la trafiquer, en secret, pour intentionnellement perdre et pouvoir payer le prêt de la maison. C'est aussi l'histoire de Han, qui était mort, sauf que non : tout ça était une opération du fameux Nobody (Kurt Russell), car Han devait disparaître et protéger Elle, la clé de tout ce merdier technologique.

C'est aussi l'histoire du méchant fils de riche Otto (Thue Ersted Rasmussen), qui a capturé la méchante Cypher (Charlize Theron) et collabore avec Jakob, le méchant frère de Dom (John Cena), pour contrôler ou détruire ou peu importe le monde. Sauf qu'il va trahir Jakob et tenter de le tuer, et que Cypher va le trahir et le tuer. En vrac, il y a aussi Roman et Tej qui vont dans l'espace car c'est apparemment indispensable pour arrêter un truc technologique ; Letty et Dom qui se demandent comment élever un gamin en ayant tant de pulsions suicidaires ; ou encore Mia qui laisse Brian à la maison pour aider la bande.

D'où un film interminable de 2h20, écrit par cinq personnes (dont le réalisateur Justin Lin), et qui essaie de gonfler les enjeux dramatiques en rajoutant couche après couche. Au lieu de simplement assumer la bêtise de cette aventure (tout le monde court après un joujou high-tech qui permettrait de dominer le monde), Fast & Furious 9 se la joue

 

photo, Vin DieselIl regarde John Cena, qui regarde Vin Diesel, qui regarde sûrement un miroir

 

LE VIN DIESEL show

Hier, c'était ce bonhomme impressionnant sorti de nulle part pour s'imposer dans Pitch Black, Fast & Furious premier du nom et xXx. Aujourd'hui, son nom est synonyme de mauvaise blague pour pas mal de monde, en grande partie à cause d'une carrière plus associée à Bloodshot, Le Dernier Chasseur de sorcières et xXx : Reactivated, qu'à Jugez-moi coupable de Sidney Lumet ou Un jour dans la vie de Billy Lynn d'Ang Lee.

Devenu producteur de la saga F&F à partir du quatrième opus, largement responsable de la renaissance explosive de la franchise, Vin Diesel semble aujourd'hui y ériger une statue à son effigie, quitte à transformer ce joyeux bordel en cirque egotique. A mesure que la saga plonge dans le nanar à gros budget avec une stupidité assumée jusqu'au bout des pots d'échappement, l'acteur redouble d'effort pour s'offrir des scènes dramatiques. Le gouffre entre les deux devient aussi tendu que son marcel, et ce Fast & Furious 9 y va avec une candeur proche de l'hallucination.

 

photo, Vin DieselImage extraite de F&9 (ou F&F8) (ou F&F6) (qui sait)

 

Vin Diesel hanté par ses souvenirs, Vin Diesel qui élève son fils à la campagne, Vin Diesel qui hurle sur son petit frère autour d'un drama familial, Vin Diesel qui se sacrifie pour sa famille : c'est un festival digne de Shakespare sur le parking d'Auchan, qui confirme après F&F8 (centré sur le passé de Dom, et la mort de la mère de son gamin) que la saga est plus que jamais pour lui. Sauf que l'écriture est tellement grossière que tout ça ressemble vite à un sketch, alors que le jeu de Vin Diesel est désormais resserré dans ses machoires et ses poings serrés, avec option sourcils froncés activée dans toutes les scènes.

Et parce que la carrière de monsieur Diesel est tout de même fort intéressante (et étrange), on y avait consacré un dossier entier.

 

photo, Vin DieselSphincter d'acier

 

CHARLIZE PAS UN ROND

Les antagonistes n'ont jamais été le point fort de la saga. Soit parce qu'ils conservaient trop peu longtemps ce statut, la recette voulant que les gros méchants deviennent de gros copains (coucou Dwayne Johnson et Jason Statham), soit parce que les intrigues préférant se focaliser sur Vin Diesel et ses copains pour la vie, il suffisait d'agiter devant eux le chiffon rouge d'un vilain pas beau, sans se compliquer la vie plus que ça. Mais avec Fast & Furious 8 et ses ambitions de super aventure d'espionnage trop technologique, l'intrigue a voulu s'inventer une grande méchante suffisamment badass et courageuse pour mettre sa langue dans la bouche de Vin Diesel.

Sauf que cette redoutable Cipher s'est avérée une coquille vide, dénuée de toute personnalité, dont on ne comprend jamais les motivations concrètes, ni pourquoi elle s'échine à casser des choses, à commencer par notre patience. La greffer de nouveau à l'intrigue paraît donc mortellement dispensable dans Fast & Furious 9. D'autant plus dispensable que le scénario lui déroule une partition prévisible, bourrée de stéréotypes, dont on voit mal comment elle pourrait aboutir à autre chose que de sévères baillements lors des épisodes à venir.

Plus rageant encore : la présence même de Charlize Theron. Comédienne intense, capable du meilleur (MonsterMad Max : Fury Road), elle est aussi plus souvent qu'à son tour à l'affiche de productions oubliables, telles que The Old Guard. En la voyant ici, presque toujours condamnée à soliloquer devant un écran ou dans un cube de plexiglas, on se demande bien ce que l'artiste est allée faire dans pareille galère, et pourquoi Universal ne change pas sévèrement de braquet, pour enfin offrir à Dom un adversaire digne de ce nom.

 

photo, Charlize TheronCoupe au bol de vilaine

 

LA DIRECTION ARTISTIQUE

On reproche, assez logiquement, à nombre de productions à gros budgets de ne pas être assez inventives visuellement. On pointe régulièrement du doigt leurs décors trop communs, très terre-à-terre, où les scènes d'action se déroulent au milieu d'un champ abandonné depuis l'ère Jurassique ou une ville aussi grande que New-York mais dépourvue de civils (pour une raison inconnue). Et force est de constater qu'à ce niveau, la saga Fast & Furious a su se démarquer, notamment dans les opus les plus récents.

Entre les buildings de Dubaï et le saut en parachute à bord de leurs bolides dans Fast & Furious 7, mais surtout la course poursuite sur un lac gelé avec un sous-marin dans l'équation dans Fast & Furious 8, la saga a su nous surprendre en bien. En teasant un voyage dans l'espace pour ce neuvième film, on pouvait donc attendre du spectaculaire et des décors (ou au moins des situations) prenants.

 

Photo Michelle RodriguezPromis, cette scène a été tournée au Japon et pas dans un studio avec deux décors achetés chez Hema

 

Malheureusement, même sur ce point Fast & Furious 9 se plante. Si on peut saluer la séquence dans la jungle, plutôt sympathique et dynamique (même si on ne comprend rien à la spatialisation) et les scènes d'action qui évitent le pire avec la petite vadrouille dans un Edimbourgh tout sage et le gros climax aimanté dans Tbilissi (même si la ville est constituée, a priori, d'une seule et même route en ligne droite de plus de 50km), le reste est fade et tombe dans les travers des blockbusters modernes.

Du QG bétonneux aux garages à voitures en passant par la maison de campagne, le hangar de Cena ou la petite rue tokyoite, tout semble en carton pâte et rien ne donne envie. Aucun des lieux traversés par le groupe n'a de véritables identités et forcément, le film en perd la sienne en grande partie. Reste juste cette petite incursion dans l'espace, judicieusement discrète pour s'éviter un déluge de CGI. Trop peu.

 

photoDes voitures, une longue ligne droite, peu de civils... voilà à quoi on en est rendu

 

 

ESPACE DE NULS

La licence devenait si grosse, si massive au fil des années, qu'aucun défi ne semblait pouvoir faire plier l'équipe des Fast & Furious. A tel point que ces derniers mois, on aura tout de même entendu le réalisateur Justin Lin se prononcer sur l'éventualité d'une rencontre entre les grosses voitures et les dinosaures de Jurassic Park. Bref, pour ce qui est de la cuvée 2021, c'est de dérapage cosmique qu'il est question. Les curieux qui ont découvert, dans la bande-annonce, les images de Ludacris et Tyrese Gibson se lançant par-delà notre atmosphère espéraient légitimement que FF leur donnerait à voir une bataille spatiale, ou au moins une course-poursuite dans le vide intersidéral.

Manque de bol, il semblerait que le studio Universal ait préféré se contenter de lire les innombrables vannes innondant les réseaux sociaux à la sortie de chaque épisode depuis le cinquième, et seulement placer une séquence aussi inutile narrativement que pingre en termes de spectacles. C'est bien simple, malgré une construction qui prend ses racines dans le premier tiers du film, alors que notre duo de bras cassés va faire la rencontre d'ingénieurs, issus du 3e volet de la saga, nous n'aurons droit qu'à un faux départ.

Une paire de répliques balancées à la va-vite, même pas un plan d'ensemble de l'espace... et aucune scène d'action, sinon une image largement repompée sur Gravity et dont le sens au sein du long-métrage s'avère parfaitement artificiel. Ou comment foirer un des plus vieux fantasmes des fans indécrottables, qui fut toujours appréhendé comme une promesse démente.

 

photo, Tyrese Gibson, Ludacris

 

 

Tout savoir sur Fast & Furious 9

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commentaires
Mopiti
16/07/2021 à 08:58

Ouah qu'elle critique indigeste, avec des fautes d'orthographe, des manques de sens, des répétitions et même des contradictions. Sans compter qu'on ressent bien l'humilité de celui qui l'a écrit (humour) et qui prend ce plaisir insupportable de d'englober tout le monde dans sa pensée. On dirait une dissertation sur un film qui certes n'est pas celui de l'année, mais n'en méritait pas tant, et ce sans tous les sens du terme.

Morcar
15/07/2021 à 17:44

De mon point de vue, le 8 était déjà de trop.
Le 5 reste le meilleur, les 6 et 7 des suites sympathiques, et les producteurs auraient du "profiter" de la fin apportée à cause de la mort de Paul Walker pour arrêter là la franchise. Sept films, c'était déjà pas mal, non ?

Matrix R
15/07/2021 à 14:38

Le sommet du n'importe quoi

Jsaiba
15/07/2021 à 13:56

@Ethahunt0105 : je ne suis pas d'accord... Le premier fast and furious n'avait rien d'irréaliste... À partir du 4 on commence à changer de dimension, mais à l'époque seule une scène était hautement invraisemblable... Plus la série a évolué plus le nombre de scène irréaliste a augmenté, mais là dans le 9 ème c'est le pompon! Pas une seule scène n'est réaliste...donc non, ce n'est pas l'essence même des films fast and furious, ça le devient et ça atteint son apogée dans le 9eme

Ethahunt0105
15/07/2021 à 12:21

Toujours pareil ceux qui critiquent fast and Furious sur les scènes irréalistes n'ont toujours pas compris que c'est l'essence même de cette série de film....

A côté de ça quand Tom Cruise survit à un crash volontaire d hélico a hélico la par contre on dit rien....

Cyrs
15/07/2021 à 05:35

Ha ha ça me fait toujours rire de lire, un bout, de qu est ce qu une colonemiste peut écrire sur tel ou tel sujet,

Y Boy
14/07/2021 à 19:24

Vous vous contredisez sévèrement au sujet de la scène spatiale... Bien ou pas bien finalement ?

Mc
14/07/2021 à 14:50

T’en qu’à moi le deuxième était déjà l’épisode de trop