Mandy sur Netflix : l'ultime "Nicolas Cage movie" ?

Gaël Delachapelle | 6 février 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Gaël Delachapelle | 6 février 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Deuxième film du réalisateur Panos Cosmatos, sous ses airs de trip halluciné, Mandy est-il un objet de pop-culture ultime avec Nicolas Cage ?

Il y a des films qui sont voués à acquérir un statut culte dans les festivals, et Mandy de Panos Cosmatos en fait partie. Fils du grec George P. Cosmatos, réalisateur notamment de Rambo II : La mission, Panos Cosmatos se revendiquait déjà comme un cinéaste surréaliste avec son premier long-métrage, Beyond the Black Rainbow, à la lisière du film expérimental, déjà ancré dans une esthétique 80s. Avec son second long-métrage, Mandy, le fils Cosmatos continue de s’inscrire dans cette mouvance, en embrassant pleinement tout un pan de la contre-culture de cette époque.

Que ce soit dans son esthétique psychédélique sur la forme, qui en fait un trip halluciné à la limite de l’expérimental, ou bien dans les partitions hypnotisantes du regretté Johan Johannsson, dont l’ambiance varie entre les compositions planantes et le sound design bien vénère. Si Mandy a tout du trip sensoriel sous acides, il a aussi un autre argument de taille : son performeur Nicolas Cage. Alors que le comédien est devenu un meme vivant dans la pop-culture actuelle, Mandy devient presque parfois un autel à la gloire de son acteur, une sorte de maxi best-of où ce dernier rejoue toute sa filmographie en un film, pour le plus grand plaisir de ses fans.

Plein d’éléments qui font que Mandy commence à acquérir un véritable statut d’objet culte, que ce soit chez les amateurs de cinéma de genre ou chez les fans du Cage série Z ou toutes périodes confondues. Et si finalement, sous ses airs de trip halluciné et de pure série Z à la gloire de son performeur, Mandy était tout simplement un objet de pop-culture ultime, avec Nicolas Cage en roue libre ?

 

photo, Nicolas CageFaut pas dire du mal de Mandy devant Nicolas...

 

Mandy sous Acides 

À l’image des trois titres qui apparaissent au sein du long-métrage, il y a trois films à l’intérieur de Mandy ; un trip psychédélique sensoriel, un film de genre fantasmagorique et un film de Nicolas Cage à part entière, à la gloire de sa filmographie. Le premier concerne toute la première heure du métrage, qui prend la forme d’une errance existentielle quasi métaphysique, où la forme se confond avec le fond et ses dialogues verbeux, où Cosmatos infuse dans son écriture toute une pensée liée à la contre-culture hippie, à l’image de son esthétique hypnotique.

Cette philosophie infuse à la fois dans l’écriture, mais aussi dans le visuel et le montage, à coups de fondus enchaînés où les images se superposent les unes sur les autres, ce qui donne des expérimentations visuelles dont émane une certaine plénitude, à l’image du personnage de Mandy (Andrea Riseborough) qui représente à elle seule toute cette pensée. Dès que son personnage féminin apparaît à l’écran, le cinéaste concentre toute l’énergie de sa mise en scène autour de son actrice, dont la présence sublime le cadre, que ce soit quand il la filme à l’intérieur de cette maison isolée dans une forêt, ou bien déambulant au milieu de la nature.

Cosmatos réunit en un seul corps toute une culture dans ce qu’elle a de plus serein et paisible, à l’image de cette forêt qui semble être le prolongement mental de son personnage féminin.

 

Photo Andrea RiseboroughLa plénitude du dimanche...

 

Mais Mandy parle autant de la culture hippie et de sa philosophie que de la fin de son époque, qui va être pervertie par l’arrivée d’un trouble qui va rompre avec cette plénitude. Les partitions enivrantes de Johannsson cèdent leurs places à un sound design viscéral, lorsque Jeremiah Sand (Linus Roache), sorte d’ersatz de Manson et ses disciples, apparaît au milieu d’une brume rougeâtre, sublimée par la photographie de Benjamin Loeb. L’arrivée de cet antagoniste et de sa bande un peu ridicule de satanistes qui invoquent des démons tout droit sortis d’Hellraiser apporte soudainement une dimension horrifique au métrage, où l’atmosphère hypnotisante et paisible de la première partie laisse place à des visions hallucinées et cauchemardesques sous LSD.

Un revirement illustré par ce regard caméra assez dérangeant, où Jeremiah nous regarde directement, à travers les yeux de Mandy dont le visage se superpose sur celui de son Charles Manson, dans un effet de superposition où Cosmatos expérimente la plasticité de l’image dans sa matière organique. Les serments de Jeremiah envahissent littéralement la matière sonore, jusqu’à la musique émanant du 33 tour de son album raté, dont les paroles viennent pervertir la culture qu’il prône à l’excès. Mandy dépeint tout autant une culture que la fin d’une époque, où des personnages comme Sand ou Manson ont littéralement tué les idéaux hippies par leurs actes.

Ainsi, le meurtre brutal de Mandy, qui pousse Red Miller (Nicolas Cage) dans une quête de vengeance sanglante représente également la fin d’une contre-culture à laquelle Cosmatos rend autant hommage qu’il ne la critique, en expérimentant son esthétique psychédélique. Par la suite, le long-métrage se transforme dans sa deuxième partie en un pur revenge movie, dédié à la filmographie de son acteur performeur.

 

photo, Linus RoacheWelcome to Hell...

 

Mandy en Cage

Avant d’être un trip psychédélique dans sa forme et d’être un revenge movie au scénario somme toute assez classique dans son postulat de départ, Mandy est surtout un film de Nicolas Cage à part entière. Mais le film de Cosmatos marque surtout un nouveau tournant dans la carrière de l’acteur, dont la performance a été saluée à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2018, après une longue traversée du désert. Une longue errance durant laquelle l’acteur s’est forgé une certaine réputation en jouant dans de mauvais films, où son cabotinage est quasiment devenu sa marque de fabrique, certains fans voyant dans ses performances quelque chose qui relève limite de l’art.

La carrière de Cage est donc désormais partie dans une tout autre direction, illustrée par Mandy où l’acteur, conscient d’être devenu un meme vivant, se crée un personnage à part entière qui réunit toute sa filmographie en un, dans ce qui ressemble à un délire presque méta sous forme de crise identitaire.

Une démarche propre à un cinéma de genre expérimental et underground entamée avec Cosmatos, mais qui se poursuivra également par la suite dans The Color Out of Space, adaptation de la nouvelle éponyme d’H.P. Lovecraft qui partage avec Mandy son goût pour l’horreur cosmique et son acteur complètement déjanté. Deux films produits par SpectreVision, la boîte de production de l’acteur Elijah Wood, dans laquelle Cage semble placer toute sa confiance pour la suite de sa carrière.

 

photo, Nicolas CageLe retour du Cage drama...

 

Et avec Mandy et son programme de maxi best-of de la carrière de Nicolas Cage, Panos Cosmatos propose à l’acteur le rôle de la résurrection, ou plutôt de la consolation, entre l’acteur de composition et l’acteur complètement barré. En effet, difficile de ne pas penser à Joe de David Gordon Green, un des rares derniers films d’auteurs indé dans la filmographie de Cage, lorsque ce dernier apparaît sous les traits d’une caricature de bûcheron vivant dans une maison isolée au milieu de la forêt avec sa chère et tendre.

Pendant toute la première heure du film, l’acteur renoue avec sa période drama, de la même manière que dans le film de Gordon Green, où il campait déjà un vieux bûcheron désabusé en quête de rédemption, mais forcée de sortir de sa retraite paisible pour céder de nouveau à la violence. Et le schéma semble assez similaire dans Mandy. Au final, le revenge movie semble presque servir de prétexte pour faire sortir le Cage de la paisible retraite qu’est sa filmographie, devenue aseptisée à coups de séries B très moyennes.

 

Photo Nicolas CageUn Cage à feu et à sang...

 

Exit le Cage bûcheron période drama, bonjour le Cage des enfers, le visage rouge sang, arpentant une armure quasi guerrière, armée d’une hache et d’une chaîne qui n’est pas sans rappeler celle du motard en feu que l’acteur a incarné pour Marvel en 2007 et en 2011. On pense par ailleurs bien plus au Ghost Rider 2 : L'Esprit de vengeance de Mark Neveldine et Brian Taylor qui avait le mérite de s’assumer comme une pure série Z, à laquelle Cosmatos semble rendre hommage dans ses fulgurances.

À l’image de Ghost Rider, Cage rejoue les rôles les plus emblématiques de sa période Z dans la deuxième partie du métrage. Mandy se transforme en un pur film de genre fantasmagorique, où l’acteur affronte des démons qui ne sont pas sans rappeler l’imaginaire d’un certain Clive Barker, notamment au détour d’un combat qui se joue à la tronçonneuse. Un délire régressif qui semble tout droit taillé pour le public festivalier et les amateurs de cinéma de genre, au point que Mandy finit plus par ressembler à la recette du trip zarbi pour festival, voué à devenir un objet culte.

 

photo, Nicolas CageUn Cage plein d'amour...

 

Mandy en festival

En effet, après le trip sous acides et le Nicolas Cage Show, il y a un troisième film dans Mandy, qui compile tous ces éléments, à savoir un gros délire Z parfaitement compatible avec l’ambiance d’un festival de cinéma de genre. L’auteur de ces lignes ayant découvert le film de Cosmatos lors de sa présentation à l’Étrange Festival, il peut vous assurer que l’ambiance d’une telle séance contribue beaucoup à l’appréciation de Mandy.

Entre son esthétique de trip psychédélique qui prend une tout autre dimension sur grand écran, les partitions enivrantes de Johannsson qui hypnotisent, ou alors le Cage qui enchaîne les gueules à memes, sa performance étant attendue de pied ferme par tous ses fans dans la salle, certains n'étant même venus rien que pour ça. Mandy coche absolument tous les critères du "film de festival", au point que cela peut parfois le desservir lors de son deuxième visionnage, hors-festival.

 

photoMonstre zarbi de film de festival n°580...

 

En effet, il suffit de voir Cosmatos nous envoyer de la viande sur les murs et des ersatz de Pinehead dans Hellraiser pour que se dégage un certain cynisme un peu mal venu, qui accuse soudainement la supercherie derrière le côté série Z grand-guignolesque. Le métrage finit par accumuler les ruptures de ton à l’image de la performance de Cage, sans jamais vraiment trancher entre le rêve onirique de sa première partie et le délire méta autour de son acteur dans le deuxième acte.

En contrepartie, Mandy donne au festivalier ce qu’il est venu chercher : Un Nicolas Cage déchainé qui rejoue sa filmographie dans un gros raid effréné, qui combat de gros monstres tout droit sortis des enfers, invoqués par une bande de satanistes dont les membres vont être décimés un à un, tel un programme classique de revenge-movie. Et pourtant, malgré le côté programmatique de sa recette de parfait petit film de genre et la fibre méta autour du mythe Cage, Mandy s’avère d’une redoutable efficacité. En cause ? L’énergie de son acteur totalement possédé à l’écran et la beauté plastique et sonore de son trip sensoriel.

Un mélange qui ne laisse pas les amateurs de genre indifférent, puisque le film de Panos Cosmatos acquiert au fur et à mesure des années un véritable statut d’objet culte, de l'anomalie qu'il est dans la carrière de Cage à la contre-culture dans laquelle il s’inscrit en passant par sa forme ou son écriture. Et c’est peut-être cette capacité à fédérer son public en régurgitant tout un pan de la pop-culture, y compris la légende de son célèbre comédien, qui fait de Mandy un objet de pop-culture ultime.

 

Photo Nicolas Cage, Panos Cosmatos"Et là, je veux que tu repeignes les murs avec le sang de tes ennemis..."

 

Mandy culte ?

À la question de savoir si le film de Panos Cosmatos est voué à devenir un film culte, nous serions tentés de dire que oui, notamment pour sa capacité à rassembler tous les éléments de ce qui serait l’OVNI de festival parfait. Mais au final, on peut également constater que cette formule de l’objet de pop-culture ultime trouve également ses limites, perdant notamment de sa plus-value une fois sortie du circuit festivalier.

Il ne fait en revanche aucun doute sur le fait que Mandy marque un véritable tournant dans la filmographie de Nicolas Cage, un point de non-retour dans la carrière de ce dernier qui jouera prochainement une version has-been de lui-même, dans le délire The Unbearable Weight of Massive Talent. Il suffit également de voir la bande-annonce de Willy's Wonderland ou les premières images de Prisoners of the Ghostland de Sono Sion, pour constater que la performance méta de l’acteur s’étend bien au-delà du film de Cosmatos.

 

photo, Nicolas CageLe Cage post-Mandy...

 

Il est donc fort possible que Mandy gagne son statut culte dans la filmographie de Cage, lui-même devenu un objet ancré dans la pop-culture, auquel le film de Panos Cosmatos semble directement lié à travers le délire méta de son acteur. Objet de pop-culture ultime ou produit cynique de son époque, à la gloire de son performeur ? Libre à chacun de juger.

En attendant, on revient sur la chute de Nicolas Cage, d’acteur de génie à auto-parodie dingo.

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commentaires
Moustache
27/03/2021 à 23:31

J'ai voulu voir ce film pour Cage seulement. J'aurai mieux fait d'aller me coucher.
1-Âpre déception donc et ce, dès le générique années 80. J'ai dû mettre pause pour vérifier l'année de sortie (2018). Disons que c'est un parti pris ok.
2-King Crimson est fabuleux en introduction mais la bande sonore des 95% du film, c'est une chianlit dissonante et anxiogène (elle a au moins ce mérite d'effet).
3-On est vraiment dans le pathétique lorsque Mandy narre son trauma d'enfance avec son méchant papa... c'est limite risible. Mes patients sont plus crédibles, ha oui normal ils ne récitent pas un texte plat et caricatural. J'ai failli aller me coucher à ce moment là. J'aurai dû mais mon engagement envers Cage était déjà bien installé.
4-j'ai ri lorsque le film a tourné dans le Z bien tâche et cette réplique outrageante "tu as déchiré mon t-shirt préféré !"
5-wtf de cette arme blanche en inox pas du tout ergonomique ? Wtf des wc avec moumoute ?
6-quant à comparer le gourou Jeremiah à Manson dans votre article, c'est une insulte à la psychopathie. On tombe dans clicheton du gourou, pas crédible pour un sou, même en Z.

L'absurde, l'auto-dérision, les effets psychédéliques sont vraiment des pièges surtout dans ce film entre Kill Bill, Ghost Rider, Orange Mécanique, la colline a des yeux, Melancholia et The Wall. Malheureusement il ne les égale pas, l'esthétisme et des projo rouges ne font pas tout. Je comprends mieux pourquoi j'en avais pas entendu parler. Je le range donc dans ma liste des "pourquoi mais pourquoi !?" aux côtés du pneu assassin.

sylvinception
08/02/2021 à 18:14

@Flozikos : et sinon les chevilles, ça va ?? :-)

Flozikos
08/02/2021 à 16:39

Je ne tiendrais pas compte des commentaire négatifs pour rédigé mon avis car cela ne rentre pas dans mon espace de raisonnement.
Le film est bien ficelé, départ lent et mal compris au début puis ensuite on est dedans, un scénario sans surprise mais avec pas mal de suspense.
Le groupe hippie est ma foie déjanté, charismatique et glauque a la fois et bien ancré dans leur culte fanatique. Un couple tranquille , bien interprété où les silences sont appréciables quand les dialogue sont "maigre". Il y a une bonne immersion .
Bref c'est un très bon film !

Ankytos
07/02/2021 à 16:17

@vaderetropatata
Humour ! Gardons un peu de légèreté et ne prenons pas la mouche pour rien.
Je rigolais de la violence des termes employés juste pour dire que vous n'aimiez pas un film, ce qui est votre droit le plus strict. Vous confirmez en me répondant avec une violence et une acrimonie malvenue et impolie.
Bof ! Pas grave pour moi! C'est dommage pour vous d'être dans cet état d'esprit.

Jashugan
07/02/2021 à 15:06

@ Cage aux folles : tu étais obligé de spoiler?

LongDuSboob
07/02/2021 à 14:37

Beyond the Black Rainbow est un film culte, pas Mandy..
Ce film est passé complétement inaperçu à sa sortie, et encore aujourd'hui peu de gens l'ont vu (faut peut-être apprécier Lynch, Chronenberg et quelques Z italiens pour faire court).
Beyond the Black Rainbow est un chef d’œuvre, Mandy c'est moins subtile et plus long avec des gros délires techniques et quelques bonnes idées (dont Nicolas Cage !).
Panos Cosmatos a plus de mérite que beaucoup de tacherons du blockbuster américain actuel.
Quant à The Color Out of Space, c'est un excellent petit film fantastique.
Pour Cage, Sailor & Lula m'apparait toujours être son "Ultime-Movie".

Cage aux folles
07/02/2021 à 13:47

Moi c'est la fin qui m'a fait marré, quand Cage tue le gourou hippie. Sinon on sent que le Cosmatos n'a pas carburé qu'au jus de fraise quand il a imaginé ce film.

vaderetropatata
07/02/2021 à 12:58

@Ankytos

Tous les égouts sont dans la nature...Vous avez le droit d'avoir trouvé ce film "halluciné, barbare et esthétique" comme j'ai le droit de l'avoir trouvé nul et chiant. Mal fagoté, mal tourné, baveux, mal interprété, tout sauf subtil aussi...Facile en fait. On gonfle tout, on balance du gore , de la gélatine sur les projos pour teinter le tout de rouge. On écrase l'ensemble par une bonne dose de bouillis sonore et les amoureux d'art contemporain crieront au génie. fichtre, C'est comme çà, et si ce n'est pas assez subtil pour vous comme arguments, il vous reste la possibilité de le revoir en famille.

Gilles
07/02/2021 à 11:07

Vous avez pas une section dédiée à Netflix ?

Ankytos
07/02/2021 à 11:05

@Vaderetropatata
Et du coup, vous avez aimé ou pas ?
Je ne me rends pas compte, à cause de la subtilité de vos arguments.

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