L'Homme irrationnel : critique très rationnelle

Chris Huby | 14 octobre 2015 - MAJ : 28/10/2018 17:11
Chris Huby | 14 octobre 2015 - MAJ : 28/10/2018 17:11

 L'homme irrationnel, le dernier cru de Woody Allen, se place une nouvelle fois sous l’inspiration la plus sombre de son œuvre. A l’instar de Crimes et délits ou de Match Point, le réalisateur New-Yorkais va puiser dans les thématiques de Dostoïevski pour construire un récit très direct.

Joaquin Phoenix campe un professeur de philosophie perdu dans le méandre existentiel et qui retrouve l’inspiration grâce à un crime qu’il fomente dans son coin. Emma Stone, sa muse d’étudiante, le soutient dans son geste sans même qu’elle ne le comprenne.

Le film est une grande réussite. Alors que le traitement formel pourrait paraître d’une immense légèreté, soutenu par une photo magnifique de Darius Khondji et par une musique jazzy antinomique, il s’agît pourtant bien de l’un des métrages les plus noirs de l’œuvre de Woody Allen. Les apparences de la brillante faculté américaine sont donc trompeuses. Elles ne sont là que pour marquer le doute qui s’est installé dans la réflexion occidentale, caché insidieusement dans le conformisme absolu.

 

 

Le personnage principal, l’une des références philosophiques majeures de notre époque, se révèle être en réalité un névrosé désespéré et décroché de toute empathie. Son obsession pour Heidegger et son lien avec le nazisme, son alcoolisme affiché, ses différents traumas et son intérêt pour les histoires sans lendemain, auraient dû pourtant en alerter plus d’un. Que ses collègues et les deux femmes en admiration devant lui s’en rendent à peine compte pousse la question sur la banalité du mal.

La question de fond qui revient tout au long du film est simple. Au milieu de l’image fabriquée d’une société qui se veut parfaite, comment se fait-il que les trauma profonds ne soient pas pris en compte, alors qu’ils sont à la source même de tous nos maux sociaux ?

 

 

Comme souvent, le film est maitrisé de bout en bout. Les acteurs sont parfaits, y compris les seconds rôles. L’écriture, citant régulièrement les différents philosophes de l’existentialisme, est limpide et d’une très grande richesse. Quant à la mise en scène, elle reste fluide, presque trop facile pour le metteur en scène de Manhattan. Mais le but est ailleurs. Depuis quelques années, Woody Allen semble se poser la question du changement. Il s’agît heureusement d’une réflexion qui se poursuit dans la continuité artistique.

 

Résumé

Une nouvelle fois, Woody Allen surprend son public en livrant un de ses films les plus sombres. En dépit de quelques facilités de mise en scène, le réalisateur est toujours aussi maître de son propos, et c'est bien là le plus important.

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commentaires
mesangelique
01/11/2015 à 21:33

Fan incontestée de Woody Allen, je reste néanmoins sur ma faim ces dernières années. L’homme irrationnel n’échappe pas à la règle. Un peu mieux que les précédents films uniquement orientés sur les questions existentialistes des protagonistes et du couple (Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, To Rome with love, Blue Jasmine), il regagne d’intérêt en se rapprochant de Match Point mais sans l’atteindre complètement. L’obsession du crime parfait et de l’objectif qu’il peut représenter pour une vie humaine sont abordés mais pas entièrement exploités. Emma Stone, nouvelle muse de Woody ?, est superbe et se marie étonnement bien à Joaquim Phoenix, métamorphosé.

Diplo
14/10/2015 à 11:27

J'ai trouvé ce Woody Allen très décevant et assez mineur. Comme une redite ratée de Match Point avec plus d'humour et moins de finesse (mais quelques ficelles très, très similaires).
Parker Posey en revanche : super idée de casting

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