Conan : Critique

Tonton BDM | 12 août 2011 - MAJ : 22/08/2023 17:19
Tonton BDM | 12 août 2011 - MAJ : 22/08/2023 17:19

Vu les réactions effarées de certains spectateurs au sortir de la projo presse, il y a fort à parier que ce Conan ne se paye pas franchement bonne presse. Nanar, affligeant, zéderie, nullissime... Il faudrait cependant voir à relativiser quelque peu ces propos, et à envisager un instant de prendre le recul nécessaire afin de se dire que le cœur de cible du film de Marcus Nispel ne se trouve que très rarement dans ce genre de salles (Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font - Lc 23,33-34). I

Imaginez par exemple que vous demandiez à une dentellière de juger le travail de cloutage effectué sur le blouson de cuir d'un biker : il y a peu de chances que ce travail d'orfèvre punk trouve grâce à ces yeux. Il y a même des chances qu'elle décrète que c'est mal torché. En cinéma, c'est la même chose : il y a les bikers (Neil Marshall, Marcus Nispel...) et, pour tout dire, il y a beaucoup de dentellières.

Vous l'aurez compris, le Conan de Nispel ne s'adresse pas vraiment aux fans de Tarkovski. Ni même aux fans de Milius, finalement. Parce que si apprécié soit-il, le Conan de John Milius n'était ni celui de Richard Fleischer, ni davantage celui de Robert E. Howard. Comme de nombreux autres personnages de fiction, Conan a plusieurs vies : films, dessins animés, jeux vidéos, comics... Celui qui nous intéresse ici est très proche de sa représentation dans les comics : violent, décomplexé (« I live, I love, I slay... And I'm content »), mais également très graphique : tout ou presque y passe par l'image, dans des compositions de plans assez sublimes, dignes d'un Frank Frazetta (vivement le Blu-ray), parfois un peu gâchées cela dit par l'usage de la 3D, qui n'a aucun intérêt (vivement la révision en 2D).

 

 

 

Autant dire donc que ce Conan vise avant tout à un public de gros bourrins déviants, biberonnés aux comics ultra violents dessinés par Simon Bisley (on se prend forcément à rêver d'une adaptation de Sláine par Nispel), aux jeux de plateaux frontaux type Hero Quest, aux films de Walter Hill, aux nanars bisseux des années 70/80 ou encore aux productions Nu Image des années 90/2000, mettant en scène des brutasses aux corps huilés aux prises avec toutes sortes de racailles (Nu Image produit d'ailleurs cette adaptation des aventures du héros Cimmérien... autant dire dés lors qu'elle risque de ne pas plaire à tout le monde !). Car oui, il y a un peu de tout ça dans Conan. Ça bourrine sans concessions, dans les flots d'hémoglobine et les cranes brisés, ça nichonne à tout va (et dans la bonne humeur), sans temps morts et surtout quasiment sans interruption : les quelques pauses dans le récit sont très courtes, et les scènes d'action s'enchainent sans jamais vraiment lasser le spectateur, si tant est qu'il corresponde au bourrin évoqué un peu plus haut. La psychologie ? Connais pas ! Les enjeux dramatiques ? Très peu pour moi ! Des têtes coupées, du sang et des p'tits culs ? Ouaaaaaais ! [applaudissements nourris de l'assemblée des lecteurs de heavy-metal.fr]

 

 

 

Évidemment, il n'y a pas que le sang, le foutre et l'hydromel dans la vie : le fantastique propre à cet univers d'Heroic Fantasy nous donne droit à quelques séquences orientées « magie et sortilèges », telles qu'un impressionnant combat contre des hommes de sable. Dans le même esprit, et partant du vieil adage selon lequel « un film sans pieuvre n'est pas un vrai bon film » (citation de François Truffaut, rapportée par Jean-Pierre Mocky), l'apparition finale d'un poulpe cthulhu-esque dans les gêoles du chateau convoque tout un pan de la culture du cinéma bis : on reconnaît d'ailleurs la pieuvre en CGI qui apparaissait à la fin du Mortuary de Tobe Hooper. Et on la salue au passage.

 

 


Enfin, le fait de proposer des plans iconiques et ouvertement premier degré n'exclut pas forcément une certaine ironie de la part du cinéaste : comment ne pas sourire béatement devant un tel déchainement de violence et de bourrinage extrême, ou quand par exemple les personnages se mettent à hurler leur victoire tels des hommes préhistoriques, tendant leurs épées/haches/poings au ciel après la fin d'un massacre dont ils sont sortis victorieux ? Un autre sujet prêtant les hommes à sourire (et les chiennes de garde à aboyer) est, bien sûr, la représentation des femmes proposée par le film : qu'elles soient des catins se trémoussant les seins à l'air ou des femmes « libres », elles se définiront uniquement en tant qu'objet au service d'un homme qui se sert d'elles : Marique (Rose McGowan), qui se trimballe un sévère complexe d'Oedipe, est utilisée par son père Khalar Zim (Stephen Lang), de même que Tamara (Rachel Nichols) est utilisée comme appât par Conan (Jason Momoa). Conan reprend d'ailleurs à son compte de façon déconneuse les thèses du grand philosophe Eric Zemmour, selon lesquelles la violence est une sorte de prédation sexuelle, et que celle-ci attire les femmes, parce que ces dernières ont un cerveau archaïque. Irrésistiblement attirée par la virilité du héros, le personnage interprété par Rachel Nichols ne pourra en effet résister à la tentation de renoncer à sa vocation de nonne et à ses rêves d'accomplissement personnel, et deviendra la « propriété » de Conan, son repos du guerrier. Il est également intéressant de noter que [attention SPOILERS] même son salut viendra du fait qu'elle soit « tenue en laisse » au bout d'une chaîne par Conan [fin des SPOILERS]. Une femme, une vraie me souffle à l'oreille Laurent Pécha notre rédac' chef.

Enfin, reconnaissons la malice de Nispel qui, quelques années après avoir mis en scène sa vision du slasher avec Vendredi 13, parvient à glisser en fin de métrage un amusant hommage au Freddy des Griffes de la nuit.

 

 

 

Résumé

Bref, que dire au final ? Si on le prend pour ce qu'il est (et non forcément comme ce qu'on rêverait qu'il soit), c'est à dire un ride bourrin et ultra-fun, flirtant volontiers avec le bis et les plus bas instincts du spectateur avide de violence irréfléchie et spectaculaire, Conan se révèle, à l'image d'un film tel que Predators l'année dernière, une excellente surprise. Le digne descendant de Pathfinder en quelque sorte !

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commentaires
Flo
25/09/2023 à 13:14

L’acteur au physique (sourcils inclus) idéal, pas de restriction de la nudité et de la violence, des scènes d’action bien chorégraphiées…
Et au final, un énorme film de teubés. Mais drôle, hein !? À l’étroit, mais pas trop ennuyeux.
Surtout très artificiel quand il fait mine de raconter une histoire complexe, tout en faisant preuve de virtuosité, alors qu’il a la main lourde sur absolument Tout ! Et se tire ainsi une balle dans le pied :
Par exemple, 25 minutes de prologue avec un Conan enfant, super fort et enragé, c’est quelque chose qui vous installe un personnage potentiellement intéressant. Du genre qu’on aurait aimer continuer à suivre à cet âge là.
Mais une fois qu’on passe à Jason Momoa, c’est comme si c’était le même enfant impulsif, mais dans un corps adulte. Et c’est moins sympa tellement son habilité et sa ruse paraissent « plaquées », sans construction tangible. Pire encore quand il fait preuve exagérément de sadisme au moment d’éliminer ses ennemis.

Car il s’agit aussi d’une sorte de « Conan Begins », plus attaché à la vengeance qu’il va mener, un par un, contre les destructeurs de son enfance – attention à la référence à Sergio Leone !!
Sauf que quand on le voit faire, ça fait plus penser à un autre personnage de Arnold Schwarzenegger, le John Matrix de « Commando » :
Les sbires cartoonesques, la fille pure qui va devoir vite apprendre à passer d’appât à combattante puis amante, les méchants qui se traînent un sous-texte sexuel déviant (ils ont failli être les meilleurs personnages, car ils avaient un but émotionnel)… Vu comme ça, on se croirait effectivement dans les années 80, avec un budget qui n’a rien à voir, mais quand-même une grosse envie impulsive de faire les cancres bien bourrins – la scène de combat sur la roue, qui émule maladroitement Spielberg.
De la bonne couillonnade quoi, bien poseuse mais heureusement pas trop prétentieuse.

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