Sunshine : Critique

La Rédaction | 30 mars 2007
La Rédaction | 30 mars 2007

Choisir de partir trois ans dans l'espace. Choisir de ne plus avoir de contact avec la Terre. Choisir de voyager accroché au cul d'une bombe atomique – de LA bombe atomique la plus énorme jamais fabriquée. Choisir de foncer vers le Soleil, qui meurt. Choisir de tout faire péter pour le rallumer. Choisir de sauver l'espèce humaine, huit minutes avant que quiconque le sache. Pourquoi je choisirais de faire une chose pareille ?

Le monologue qui ouvre Sunshine n'est pas aussi frontal, mais l'esprit y est. Ce qui intéresse Danny Boyle, c'est de faire Trainspotting dans l'espace, et de suivre le parcours non pas de héros qui vont sauver l'humanité mais d'astronautes ivres de leur génie et du vertige de défier le dieu Soleil – la première scène du film montre l'un des passagers se faire un « shoot » de lumière solaire, motif qui reviendra régulièrement et en s'amplifiant au cours du film. Dans Sunshine, la science et le pouvoir qu'elle offre est une drogue, séductrice et dangereuse à la fois. La structure des scènes d'action en est chamboulée, puisque celles-ci sont la conséquence d'une suite d'erreurs de calcul et d'hypothèses qui ouvrent la porte au danger – et à l'excitation générée par celui-ci. Les sages membres de l'équipage sont en effet trop heureux de quitter leur retenue rationnelle pour jouir de l'instant présent, en se prenant en pleine figure une rafale de vent solaire ou en plongeant dans l'eau gelée pour réparer l'ordinateur de bord.

 

 

Bien sûr, l'histoire de la science-fiction, de 2001 à Alien, est là, tout autour du vaisseau spatial. Boyle s'en accommode en menant son récit à échelle humaine, en contrepoint d'un univers visuel et sonore éblouissant et enivrant : le passage à proximité de Mercure est une splendeur parmi beaucoup d'autres, la bande-son hypnotise les sens. Comme dans 28 jours plus tard, certains crieront au sabotage devant la dernière partie du film, qui se radicalise brutalement – et un peu bizarrement, il est vrai. Comme dans 28 jours plus tard, les autres s'accrocheront aux basques d'un casting international et éclectique mené par Cillian Murphy, guide aussi perdu et peu préparé que le spectateur, pour aller au bout du voyage et avoir eux aussi droit à leur shoot de lumière solaire.

Erwan Desbois

 


À l'image de son réalisateur, touche à tout doué, capable du bon (Trainspotting, 28 jours plus tard) comme du (beaucoup) moins bon (Une vie moins ordinaire, La Plage), Sunshine, film de SF bourré d'ambitions, fascine autant qu'il irrite. Danny Boyle retrouve Garland, dont il avait adapté le roman La Plage, pour un scénario au pitch original (la réactivation du soleil en voie d'extinction) mais qui souffre malheureusement de tout les tics de films d'aventures choraux comme ces passages obligés que sont les moments de bravoure de chaque personnage ou encore les divers sacrifices pour le bien de la mission. Ce traitement basique est heureusement contrebalancé par un univers visuel plus d'une fois époustouflant. À la limite du surréalisme et de l'abstraction, certains plans sont beaux à se damner auxquels s'ajoute un remarquable travail sonore qui crispe, agace, terrifie et prend aux tripes.

 


Malheureusement, Sunshine pâti d'un poids évident : sa paternité avec la Sainte Trinité de la science-fiction que sont 2001, l'Odyssée de l'espace, Solaris et Alien, le huitième passager. Boyle emprunte à Kubrick l'omniprésence de l'ordinateur de bord, qui guide les passagers de la navette, la fascination pour l'inconnu et un final (assez) ouvert laissant libre court à l'interprétation. Chez Tarkovski, il s'empare de la fidélité, et la culpabilité des différentes actions perpétrées. Enfin, le schéma des huit passagers, les couloirs mal éclairés et les relations conflictuelles entre les personnages, rappellent le film de Scott. Reconnaissons toutefois que les influences, conscientes, sont relativement bien digérées.

 

 

À l'instar de ses personnages obnubilés par la puissance fascinante de l'astre solaire (le casting est aussi charismatique que convaincant) et tel un Icare des temps modernes, Danny Boyle se brûle les ailes, surtout dans le dernier tiers du récit complètement raté, et n'accomplit pas sa mission de livrer le grand film de SF qu'il rêvait de faire.

Florent Devy

Résumé

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