Les Témoins : Critique

Erwan Desbois | 7 mars 2007
Erwan Desbois | 7 mars 2007

Le dernier film d'Andre Téchiné se déroule sur trois saisons : un été, un hiver et à nouveau l'été. Ou, métaphoriquement parlant, le paradis, l'enfer et pour finir le purgatoire. Entre le premier été – l'été 1984 – et l'hiver est en effet apparue l'épidémie du SIDA, aussi foudroyante qu'inédite et incompréhensible. Les Témoins n'est pas le récit de la naissance de cette épidémie, mais celui du combat contre son développement – du combat pour la vie.

Le personnage central, c'est le jeune Manu (Johan Libéreau, découvert dans Douches froides), qui vient passer les vacances à Paris chez sa sœur (Julie Depardieu). Homosexuel, provincial, irradiant son entourage par son énergie et sa vitalité, il est ce personnage révélateur des failles et des désirs de chacun qui traverse tout le cinéma de Téchiné, de Rendez-vous aux Egarés. Les deux autres protagonistes masculins du récit tombent ainsi fous amoureux de lui, aussi différents soient-ils – Adrien (Michel Blanc) est un docteur de renom et un homosexuel assumé, Mehdi (Sami Bouajila) un flic marié et récemment père.

 

 

La magnifique mise en scène des Témoins est directement liée au destin de Manu. Tant que l'été dure, la lumière est outrageusement belle, la bande-son saturée de chansons entraînantes, les plans unis par un montage d'une fluidité que rien ne semble pouvoir briser. L'arrivée brutale de la maladie, de l'hiver, de la guerre (titre explicite de la deuxième partie) fait disparaître cette joie de vivre, de filmer : les couleurs tournent à la grisaille, les scènes deviennent statiques, tout meurt.

La fièvre introduite par Téchiné dans ces deux premières parties, dans le bonheur comme dans la douleur (tous deux filmés avec une égale immédiateté), est d'autant plus ardente que les acteurs y plongent sans retenue. La présence intimidante de Blanc, les pulsions égoïstes de Bouajila, le rôle enfin entier et non plus seulement comique dont bénéficie Depardieu sont à la hauteur du besoin du réalisateur de témoigner de ce moment charnière qui impacte encore aujourd'hui, et pour de longues années, notre vie à tous. Quel dommage alors que la dernière partie, celle de la victoire (partielle, mais cruciale) de la vie sur la maladie, soit en partie gâchée par les tics de Téchiné : placement de l'intrigue dans un microcosme artistique, lyrisme artificiel de certaines séquences, autant de choses qui rendent difficile l'identification et dont l'on aurait pu espérer qu'elles disparaissent face à un sujet aussi universel.

 

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