Critique : Mémoires d'une geisha

Louisa Amara | 1 mars 2006
Louisa Amara | 1 mars 2006

Steven Spielberg : « Sur le plan culturel, c'est l'une des plus fascinantes histoires que j'aie vues. J'ai été bouleversé par l'histoire d'amour, par la rivalité entre Sayuri (Zhang Ziyi) et Hatsumomo (Gong Li), et par l'amitié mise à l'épreuve entre le Président et Nobu. J'ai pensé que le public du monde entier serait lui aussi fasciné, parce que le sens de cette histoire dépasse de loin l'appartenance à une culture ou à un pays. C'est une histoire universelle. ». Si l'on ajoute toute la première partie, où l'on suit l'apprentissage à neuf ans de cette petite fille arrachée à sa famille, on voit bien ce qui a pu passionner Spielberg dans ce roman. Fasciné par l'enfance et les drames, Spielberg aurait pu signer un film encore meilleur (il fut longtemps question qu'il en signe la réalisation). Mais Rob Marshall, l'auteur de Chicago n'a pas à rougir de son travail. Loin de là ! Après le succès mérité de sa comédie musicale, le cinéaste et chorégraphe a été très courtisé mais il a su refuser toutes les offres pour se concentrer sur la plus belle. Ayant acheté les droits du roman depuis déjà quelques années, et étant débordé (comme toujours), Spielberg l'a choisi pour mener à bien ce projet qu'il produit et auquel il tient particulièrement.

À l'annonce du casting (et aujourd'hui encore), on a étrangement reproché à ce film de n'être pas interprété par des Japonais et d'être réalisé par un Occidental. Effectivement, dans les premières secondes, entendre parler les personnages en anglais est un peu choquant. Bien que l'héroïne soit aussi la narratrice de l'histoire, doit-on rappeler que l'auteur du roman, Arthur Golden, est américain ? Il s'agit donc d'une vision précise et documentée, mais extérieure, d'un Occidental sur ce monde très à part. Une fois ce paramètre pris en compte, le choc initial de la langue est rapidement balayé par les décors : un travail particulièrement méticuleux a été accompli pour reconstituer l'univers luxueux et incroyablement cinégénique de ces artistes ultimes que sont les geishas. Les actrices censées les incarner ont toutes suivi des cours de maintien et de danse pour s'adapter à leurs tenues traditionnelles et être les plus crédibles possible.

C'est grâce à ce travail, mais également à la musique de John Williams, et surtout à la beauté de la lumière de Dion Beebe, déjà directeur photo de Chicago et Collateral, que Mémoires d'une geisha est un véritable plaisir des sens. Un bel écrin pour une histoire d'amour impossible, propice à l'émergence de rivalités féminines et masculines, débouchant sur une lutte acharnée pour le pouvoir à laquelle on assiste dans la deuxième moitié du récit. Par ses thèmes le film rappelle beaucoup Raisons et sentiments, les amateurs de Jane Austen y trouveront certainement leur compte… Mais la beauté du film n'empêche pas quelques baisses de rythme.

Sous le charme de ses actrices, Rob Marshall a parfois tendance à s'attarder sur des plans contemplatifs sans grande importance. Il réussit malgré tout à s'approprier et à mettre en valeur l'univers si mystérieux et fascinant des geishas. Plus que Zhang Ziyi qui excelle essentiellement dans les scènes de danse (la danse étant son premier métier), on retiendra le retour de Gong Li, excellente dans un rôle pas facile où la comédienne ne perd pas de vue que derrière la méchanceté de Matsumomo se cache un terrible mal de vivre ; et Michelle Yeoh, dont l'expérience enrichit le jeu de film en film. Mémoires d'une geisha a aussi le mérite d'éviter la facilité : les sentiments exacerbés mais retenus des personnages ne sont pas gâchés par des scènes érotiques, attendues par certains (n'est-ce pas M. Eddy Adam ?). Il est rappelé très rapidement que « geisha » signifie « artiste » et non « prostituée ». Une vérité historique qui méritait d'être rétablie. Mémoires d'une geisha suit le destin tragique d'une femme. Universelle, cette histoire est devenue un best-seller et aujourd'hui un film magnifique.

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