Monkey Man : critique du faux John Wick de Dev Patel

Déborah Lechner | 17 avril 2024 - MAJ : 17/04/2024 18:44
Déborah Lechner | 17 avril 2024 - MAJ : 17/04/2024 18:44

Avec le film Monkey ManDev Patel a plongé tête la première dans le cinéma d'action énervé (parce que Le Dernier Maître de l'air, ça comptait pas), mais aussi dans la réalisation. Et c'est un double exercice réussi pour l'acteur, et désormais réalisateur, britannique. 

un JOHN WICK bis ? 

Même si le projet avait de quoi titiller les amateurs de bagarres qui tâchent, on pouvait craindre que Monkey Man ne soit qu'un autre post-John Wick plus musclé qu'inspiré, à l'instar de Nobody, Kate, Bloody Milkshake ou Atomic Blonde. En même temps, c'est comme ça que le projet avait l'air d'avoir été pensé et c'est comme ça qu'il s'est vendu.

 

 

Au départ, Dev Patel devait collaborer avec les cascadeurs de John Wick, ce qui n'a pas pu se faire à cause de la pandémie. On retrouve cependant Thunder Road Pictures au générique, c'est-à-dire la société de production derrière les quatre volets de la saga et son prochain spin-off Ballerina, sans oublier le récent Silent Night, alias le sous-John Wick de John Woo. De plus, en 2021, une source a décrit Monkey Man à Deadline comme étant un "John Wick à Mumbai", et cette étiquette est restée tout au long de la promotion. 

La bande-annonce a fini de renforcer l'impression de déjà-vu avec son personnage lapidaire en costume noir qui se balade flingue en main dans un club à néons. En bonus : un mignon petit chien. Pourtant, le film a beau s'articuler autour d'une expédition punitive et de grosses bastons, il ne se contente pas de filmer et monter les séquences d'action "à la John Wick", qui n'est qu'une référence parmi d'autres.

 

 

LES PLANètes du singe

Très tôt, le film cite explicitement celui de Chad Stahelski, puis déroule une séquence tendue, mais à l'opposé de ce que peut proposer la franchise portée par Keanu Reeves. À la place d'un tueur implacable et méthodique et d'un rendu chirurgical à l'écran, qui s'applique à souligner les performances et chorégraphies, on découvre un protagoniste amateur et une esthétique plus chaotique, reflétant ainsi son bouillonnement émotionnel et sa perte de contrôle à ce moment précis. 

Ce n'est que lorsqu'il se maîtrise que la réalisation devient plus lisible et clinique, ce qui donne un film un caractère expressif, presque expressionniste (toute proportion gardée). Cette expressivité est exacerbée par le jeu intense et à fleur de peau de Dev Patel qui campe un personnage plus sensible, moins froid ou confiant que les protagonistes de Nobody, Kate et autres tueurs ou tueuses à gages redoutables. L'acteur et réalisateur (et coscénariste), fort de ses expériences en Taekwondo, réussit malgré tout à se donner une crédibilité et une stature dans des scènes éreintantes et viscérales. 

 

Monkey Man : photo, Dev PatelÇa cite même du Jeanne Mas

 

Plus qu'un sous-John Wick, Monkey Man est un cocktail d'influences cinématographiques et culturelles. Il emprunte au cinéma d'action hongkongais, au film de vengeance coréen, mais aussi à Bollywood et plus largement au cinéma indien. On peut voir du Big Boss et du Rocky dans le texte, mais aussi une histoire et narration qui rappellent les récits super-héroïques, ou plutôt anti-héroïques avec un justicier masqué qui combat la corruption, le méchant Baba Shakti pouvant être la déclinaison d'un Wilson Fisk ou d'un Carmine Falcone. Toutefois, ce n'est pas un immense patchwork foutraque et impersonnel que le cinéaste propose, tous les éléments étant justement dosés, et imbriqués assez harmonieusement.

La culture hindouiste imprègne également le scénario, avec le parallèle sur le mythe d'Hanuman et de façon plus terre-à-terre le message social au coeur de l'intrigue. Ce dernier concerne la corruption, la misère et la violente discrimination des Hijra, une communauté qui représente dans la culture indienne un troisième genre. Monkey Man est donc un film frontalement politique et engagé, dans la lignée de la plupart des films dans lesquels Dev Patel a joué (Slumdog MillionaireLionAttaque à Mumbai ou L'Enlèvement). 

 

Monkey Man : photo, Dev PatelUn coeur gros comme son coup de poing

 

dev patellement parfait

Monkey Man transpire l'envie de bien faire et la sincérité. Le film a de belles choses à offrir, quelques moments de réalisation soignée, de jeux de lumières et de reflets charmants, quitte à avoir parfois une esthétique un peu trop ampoulée (particulièrement dans le dernier acte). Mais Monkey Man est évidemment loin d'être parfait.

Le long-métrage pêche surtout dans sa narration et l'intégration des flashbacks, qui perdent progressivement leur subtilité et leur étrangeté onirique et deviennent essentiellement démonstratifs et pratiques

 

Monkey Man : photoL'explication forcée, qui n'était pas tellement nécessaire

 

Le scénario aurait également gagné à être plus épuré, notamment en ce qui concerne la prostituée jouée par Sobhita Dhulipala, qui a du mal à trouver sa place dans l'histoire. Son premier échange cynique et désabusé avec le protagoniste aurait dû être le dernier, pour créer une parenthèse désenchantée et impactante dans le récit. Le fait de la ramener et de lui donner un rôle dans le dernier acte en fait malheureusement un personnage à part entière, sous-caractérisé et écrit, contrairement à la proxénète jouée par Ashwini Kalsekar ou au collègue roublard incarné par Pitobash. 

S'il n'est donc pas tout à fait abouti, Monkey Man reste un premier long-métrage plaisant et réussi, qui tient ses promesses au niveau de l'action, et prouve un peu plus l'étendue des talents de Dev Patel.

 

Monkey Man : Affiche officielle

Résumé

Dev Patel voulait réinsuffler de l'âme dans le cinéma d'action et il y est parvenu avec son Monkey Man, certes imparfait, mais bourré de bonnes intentions et idées. 

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commentaires
Flo1
23/04/2024 à 12:11

"Monkey Man"... Mais où est O'Brien ? ;⁠-⁠)

Et qu'est-ce que se passe avec les primates en ce moment ? Après le retour de King Kong, et en attendant celui de la Planète des Singes, sort ce film dont la prod a été reprise en cours de route par Jordan Peele... dont la société de production s'appelle Monkeypaw. La présence de Peele renforce aussi, indirectement, le cousinage avec John Wick (lui et Key ont joué dans la petite parodie "Keanu").
Mais aussi un costard noir, une vengeance, de la baston qui tâche, des maffieux à foison, un gentil chien qui passe, un héros maso à l'allure douce et mince... C'est à dire Dev Patel, acteur anglais effectivement mince et doux, mais au regard noir pouvant être impressionnant de colère.
Fait-il un caprice de star en prenant les commandes d'un film d'action à sa gloire, et accessoirement à celle de sa culture Indienne ? Slumdog Wick, vraiment ?

C'est moins simpliste que ça : on n'a pas là un croque-mitaine surpuissant et repenti, évoluant dans un Underworld criminel, où la réalité n'existe pas - Wick c'est du jeu vidéo, les personnages sont trop coriaces, les figurants sont immatériels, l'envie de renverser les puissants est une fausse promesse... c'est bidon !
Non "Monkey Man", c'est une histoire bien classique, vengeance mûrie depuis l'enfance, entraînement, tour à investir étage par étage, avec quelques hommes de mains et des Boss à affronter (ok, là c'est bien du jeu vidéo). Avec une ambiance qui vibre, qui vit, qui sent la chaleur, la saleté et la frénésie.

Défauts d'un premier film, Patel essaie de traiter plusieurs sujets, qu'il n'arrive pas à mener à bout. Notamment tout ce qui tourne autour de l'icône du dieu-singe Hanumān, dont le personnage principal copie à peine le parcours mythologique.
Ou bien les scènes de confrontation sur le ring, où Kid (c'est son nom, on a plusieurs archétypes dans ce film) va régulièrement affronter des personnages de Rudyard Kipling... pour dire quelque chose à propos de la récupération de la culture Hindou par des occidentaux ? On ne sait pas.

Déception aussi pour certains personnages secondaires : les éléments comiques, comme Sharlto Copley qui cabotine - mais c'est justifié - et Pitobash Tripathy (sorte de Danny DeVito local) ? Éjectés du film après la dernière scène sur le ring, sans qu'il y ait de fin satisfaisante à leur rôle.
La jeune prostituée jouée par la belle Sobhita Dhulipala ? Elle représente un idéal affectif inaccessible, pour devenir brièvement utile à la fin (elle se venge aussi, au passage). Seulement il y a la même chose dans le film avec... un chien.

Même le traumatisme initial du protagoniste, avec à la clé une expulsion de gens modestes, n'a pas grand chose d'original, on en trouve des équivalents dans la culture occidentale. Mais il y a quelques particularités typiquement indiennes, forcément liées aux castes, et là ça devient plus intéressant.
Après une première heure à raconter le parcours de Kid comme un débutant, déterminé mais brouillon (mise en scène incluse, que ce soit l'action et les flashbacks redondants), grimpant l'échelle sociale par la servitude, puis échouant... L'anti-héros va finalement se planquer chez la communauté transgenre Hijra, une des plus discriminée de l'Inde. Puis y trouver une forme de plénitude et reprendre sa vengeance à zéro.

Enfin, le film est maintenant raccord sur plusieurs sujets, alors qu'on y questionne le fait qu'on puisse être "deux en un", sans que chaque partie n'annule l'autre :
À la fois Homme et Femme (la partie la plus agressive n'est pas celle qu'on croit)...
Adulte urbain torturé, et Enfant de la Nature paisible...
Homme et Singe... Et qui dit homme-animal dit aussi super-héros, lutte contre la corruption (le pouvoir est ici au main d'un gourou spirituel), élévation jusqu'au rang d'icône...
Ainsi que résilience et sacrifice.

Film torturé et sans pitié, où la violence extrême laisse toujours un goût amer dans la bouche... bancal mais honnête dans ses intentions.

EspritErrant
19/04/2024 à 08:24

Film d'action très réussie avec des belles scènes bien sadique comme on les aime . Avec une prise de position politique très assumer, assez rarement le cas, puisque c'est les nationalistes indoues dans le viseur. Très sympa.
Je rejoins le précédent commentaire, le premier John wick était un bijou d'efficacité, les suites sont justes de belles chorégraphies.

Lougnar
18/04/2024 à 14:03

@Vesper : Perso je n'ai aimé que John Wick 1. les autres sont trop longs, ne raconte pas grands choses et trop abusé car le héros est vraiment increvable et avec des scènes ridicules comme dans le métro dans le 2 !

Vesper
18/04/2024 à 12:36

Merci ! Je n'en pouvais plus de voir les "John wick de ci ou de ça". évidement que le film de Patel semble beaucoup plus riche dans ce qu'il a à raconter que la saga wick (très plaisante mais qui avouons le ne raconte pas grand chose...). Perso depuis le début je suis intrigué et c'est bien trop rare pour passer à côté !

saiyuk
17/04/2024 à 17:37

plus je lit de critique sur ce film plus j'y voit toute proportion gardé une version "action de slumdog millionnaire
Le film de Boyle nous comptait une belle histoire d'amour mais sous le verni sale de tout ce qui ne va pas en Inde, les castes, la pauvreté, la corruption, et j'ai l'impression que le film de Patel nous parle des mêmes choses mais cette fois sous le prisme du film d'action, il y a certainement pire comme façon de faire, et votre critique donne envie.

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