Imaginary : critique d'un Blumhouse super original

À l'attention de Jason Blum

Cher Jason,

Que de temps a passé depuis 2018 et notre première collaboration ! À l'époque, tu avais trouvé un peu de place parmi les quinze longs-métrages de ton planning annuel pour mon oeuvre. Tu avais dit : "Un film sur des ados qui jouent à Action ou vérité à 3,5 millions de dollars ? Le monde ne doit pas passer à côté de ça !" Et tu avais raison : grâce à toi et à ton équipe marketing (plus grande que mon équipe technique), Action ou vérité a quasiment rapporté 100 millions de billets verts. Avec mon pourcentage, j'ai pu acheter l'intégrale de l'Ile Fantastique en DVD ! J'ai détesté la série, donc j'ai voulu en faire un remake. Et tu étais encore là pour m'appuyer. Autant dire que j'ai envie de poursuivre notre lucr créative collaboration !

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Si je reviens vers toi, c'est évidemment pour planifier les quatre jours de tournage d’Action ou Vérité 2, mais également pour te proposer d'autres projets qui, j'en suis certain, rentrent pile-poil dans la ligne éditoriale de ta compagnie. J'ai cru comprendre que tu étais très porté sur les jouets et autres poupées en ce moment : ça tombe bien, j'ai justement sous le coude une histoire de ce type particulièrement novatrice.

Il vendra autant de produits dérivés qu'Anabelle, promis

Voici : c'est une famille dysfonctionnelle, recomposée même. Histoire d'ajouter un peu de finesse à la caractérisation, j'ai fait de l'une des filles une ado mal dans sa peau. Ils emménagent dans une nouvelle maison de banlieue. Tiens-toi bien : la gamine trouve un ours en peluche maléfique à la cave et se fait un ami imaginaire qui veut l'enlever ! Je t'avoue avoir bon espoir que les distributeurs français retitrent le film "le nounours du mal" ou à la rigueur "la malédiction du nounours". Bien évidemment, seule la nouvelle belle-mère (jouée par DeWanda Wise, mémorable dans Jurassic World 3) verra quelque chose se tramer.

J'évite de te révéler toutes les grosses surprises, comme cette incroyable scène où les personnages fouillent un vieux livre pour se rendre compte qu'ils font face à un démon "commun à toutes les cultures" ou bien sur la fin. Contrairement à mes estimés collègues, je compte m'inspirer de Poltergeist, petit film qui n'a jamais vraiment été pillé à sa juste valeur. Je compte tout de meme me démarquer de Tobe Hooper et Steven Spielberg en faisant l'impasse sur l'embauche d'un production designer.

On l'a choisie parce que son nom est rigolo

Parce que c'est mon projet

Je sais que tu aimes les films d'horreur pas trop horribles : rassure-toi, Imaginary sera bien entendu adapté à toute la famille. D'ailleurs, il n'est pas question de bouleverser les bonnes vieilles valeurs chères à nos racines hollywoodiennes. Il s'agit bien de prôner la réunion familiale envers et contre tout. Aucun jet de sang, aucun dérapage dérangeant ne seront à déplorer. Ici, on aime la peur, la vraie : un jump-scare garanti toutes les 10 minutes au moins. Satisfait ou remboursé. Classement PG-13 certifié sans même serrer les fesses devant la commission. 

L'antagoniste ? Ne t'inquiète pas, il ne faudra pas engager de prothésiste : le nounours se contente de tourner la tête de temps en temps. Le vrai méchant, c'est un bel et bien un démon anonyme tout noir qui se tient tout droit derrière lui. Le sound design sera à l'avenant : j'ai prévu d'engager les meilleurs techniciens du milieu pour aller piocher dans ta banque de sons le légendaire Jumpscare.wav, qui a fait le succès de tes plus grands films, et pousser littéralement le potard du gain à fond. Tu connais le dicton : un kilo de pop-corn renversé, c'est un film rentabilisé ! Et c'est sans compter toutes les scènes de voitures qui rentrent dans les allées, qui raviront les amateurs de placements de produit (comme ta compta).

C'est bien simple : on n'a jamais vu ça

Je suis persuadé que tu vas m'apporter ton soutien, car toi, tu crois en moi. Contrairement aux autres, tu n'exiges pas des "idées de mise en scène", une "direction d'acteurs" ou autres "efforts sur l'ambiance". En vrai précurseur du "high concept", tu es passé au "low concept". Autant dire que je reste ton homme. Il est possible néanmoins que le grand public ne saisisse pas toute la singularité de mon oeuvre. Je compte sur ton équipe marketing pour lui faire comprendre.

PS : As-tu bien reçu mon scénario pour mon film Magic 8-Ball ?