Spaceman : critique seul au monde sur Netflix

Déborah Lechner | 1 mars 2024 - MAJ : 12/04/2024 10:15
Déborah Lechner | 1 mars 2024 - MAJ : 12/04/2024 10:15

Le suédois Johan Renck n'avait plus fait parler de lui depuis Chernobyl, la mini-série coup de poing de HBO sortie en 2019. Forcément, le retour du réalisateur sur Netflix avait de quoi intriguer, tout comme la bande-annonce psychédélique de son Spacemanporté par Adam Sandler et Carey Mulligan. Mais si cette anti-aventure plus spirituelle que spatiale n'est pas dénuée d'intérêt, elle laisse surtout plus perplexe que songeur. 

ATTENTION : RISQUE DE SPOILERS 

SEUL(s) AU MONDE 

Avant Spaceman, Johan Renck n'avait pas réalisé de long-métrage depuis Downloading Nancy en 2008, ce qui ne l'a pas empêché de construire un pont entre ses deux oeuvres, qui partagent donc les mêmes fondations : un mari éteint, une épouse démissionnaire et une rencontre extraconjugale qui bouleverse tout.

Toutefois, si Dowloading Nancy s'inspirait d'un fait divers sordide, Spaceman se veut moins terre-à-terre (littéralement). Le récit, adapté du roman de Jaroslav Kalfar, se concentre ainsi sur l'errance sentimentale et existentielle de Jakub, un astronaute réquisitionné par le régime tchèque pour une mission spatiale en solitaire visant à identifier un mystérieux nuage violet qui a élu domicile aux alentours de Jupiter et empourpre les cieux. Ce voyage aux confins de la galaxie est donc le terrain idéal pour que le cinéaste plonge plus profondément encore dans ses thématiques de prédilection, soit la solitude, l'abandon, la détresse sentimentale et la fuite en avant, non sans laisser la mort planer sur ses personnages. 

 

Spaceman : photo, Adam SandlerAdam Sandler poursuit son virage dramatique

 

Il faut moins d'un quart d'heure à Spaceman pour installer une atmosphère pesante et déprimante, ne serait-ce que par le cynisme de la mission scientifique de Jakub durant laquelle il fait autant de marketing que d'astronomie. L'immersion dans ce lieu exigu est instantanée, comme l'impression d'altération constante, avec ces toilettes défectueuses et ces pièces encombrées. Rapidement, l'histoire écrite par Colby Day dissémine des bribes de mystères, à commencer par les caméras de sécurité qui tombent inexplicablement en panne, l'énigme autour du fameux nuage violet, et bien évidemment l'étrange invité qui s'immisce dans le vaisseau et les pensées de Jakub. 

Ajoutée à ça la mélancolie et la fébrilité du personnage de Carey Mulligan (qui excelle dans ce genre de rôle à fleur de peau) et le coma émotionnel d'Adam Sandler – qui continue d'explorer de nouveaux registres après Uncut Gems et Le Haut du panier – et le premier acte du film devient une sorte d'hallucination apathique, comme la partie engourdie et somnolente d'une histoire qui cherche à se réveiller. Et paradoxalement, cette ambiance morne et augurale a quelque chose d'agréablement envoûtant, du moins au début. 

 

Spaceman : photo, Paul DanoHanus, doublé par Paul Dano

 

LA FIN DU COMMENCEMENT

Avec Spaceman, Johan Renck veut davantage explorer l'âme humaine que les recoins de notre galaxie. La mission spatiale solitaire est le prétexte tout trouvé pour une introspection de grande ampleur, où chaque kilomètre qui éloigne Jakub de la Terre le rapproche de ce qu'il y a laissé (en l'occurrence une femme enceinte jusqu'au cou). Il s'agit pour lui de recréer le dialogue, de se reconnecter à l'autre et d'arrêter de fuir dans une situation qui ne permet que l'inverse. 

Mais si les intentions sont d'emblée limpides, le film épaissit cette symbolique, de plus en plus ronflante avec ses effets de manche et son maniérisme exacerbé : les plans débullés, les images distordues et contemplatives, les répliques presque murmurées, les superpositions de temporalités...

 

Spaceman : Carey MulliganCarey Mulligan

 

Puis le film dérive vers la métaphysique et l'onirisme, empilant les métaphores autour du nuage violet pour complexifier ce qui était pourtant simple, et beau. Spaceman aurait donc gagné à être plus épuré, moins inutilement grandiloquent et éthéré, en particulier dans son final ultra lyrique, mais peu impactant.

Quant à Hanus, le compagnon de route imposé de Jakub, il est une sorte d'inconscient incarné auquel le réalisateur semble parfois se substituer. Comme le cinéaste qui ausculte son personnage pour en révéler les plaies béantes, l'extraterrestre est subjugué par cet homme qu'il ne comprend pas, en particulier les paradoxes qui l'animent. Il veut l'observer, l'étudier comme un curieux sujet de laboratoire. 

 

Spaceman : photo, Adam Sandler, Carey MulliganL'essentiel est invisible pour les yeux, surtout à 500 millions de kilomètres de la Terre

 

Et c'est là que le film se délite. Cette introspection peine à fouiller et réellement confronter ses personnages, ou du moins à nous impliquer en tant que spectateur dans cet éveil existentiel dont on reste à distance. Lenka, aussi bien interprétée qu'elle soit, reste une coquille vide - enceinte, mais vide quand même -, tandis que le passé douloureux de Jakub est à peine esquissé alors qu'il est une des principales clés pour comprendre son mal-être et de son rapport difficile aux autres. Tout ce qui était clair ressort presque opaque, l'essentiel nous étant visiblement passé sous les yeux. 

Il reste donc à la fin du visionnage un désagréable sentiment de gâchis, d'absence et d'auto-sabotage, comme si le film n'avait pas réussi à faire ce qu'il a enseigné à son protagoniste. 

Le film Spaceman est disponible sur Netflix depuis le 1er mars

 

Spaceman : photo

Résumé

Spaceman n'est pas un mauvais film, mais un film frustrant étant donné le peu qu'il offre après tout ce qu'il promettait au départ. 

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Lecteurs

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commentaires
Benasi
13/03/2024 à 09:52

Encore un film avec une épouse pénible (Zone d'Interet, Ferrari)... je suis servi cette semaine.

ZakmacK
07/03/2024 à 16:13

C'est pas inintéressant comme film, mais il y a trop de moments pas crédibles, ou mal expliqués. Et puis le gars qui se perd dans sa solitude spatiale, j'ai un peu l'impression d'avoir vu ça mille fois.

La performance d'Adam Sandler est pas mal par contre.

Pseudopseudo
04/03/2024 à 11:25

Bon film très facile d'accès avec les clés, inaccessible sans les clés. Ne blâmez pas les portes que vous ne savez pas ouvrir, cherchez les clés dans la littérature.

Marc en Rage
03/03/2024 à 14:38

Finalement je l'ai revue ce film film est totalement oubliable, et quel mauvaise idée l'araignée Géante. A chacun de faire son interprétation réelle ou une illusion !?
SPACEMAN ☆

Eric Fursatti
03/03/2024 à 13:34

Un film dans lequel participe un Hanus devrait être d'une grande profondeur pourtant, quel dommage !

Redwan78
02/03/2024 à 22:32

Le gars a eu des succès avant Netflix. Il est multimillionnaire. Cela lui permet de sortir de sa zone de confort et tester des choses. On a connu l'humour bien et bien lourd de Jack et Julie avec Al Pacino. Beaucoup ont signé avec Netflix par ex Seth rogen etc... Netflix a une immense audience. Beaucoup de films ne sortent pas au cinéma par ex tomorrow War,roadhouse. Les plateformes paient et les droits leurs appartiennent.

Marc en Rage
02/03/2024 à 12:37

@OMG

Le problème c'est le manque de créativité de la créature, si la CRÉATURE aurait eu un design réussi le film serait plus intéressant. Encore un film oubliable.

OMG
02/03/2024 à 10:22

L'araignée est une véritable illusion. Plus sérieusement, préférez Solaris ou même les aventures de Oui Oui au Caucase

Tricopull
02/03/2024 à 08:32

J'ai arrêté le film avant la fin.
C'est d'une médiocrité sans nom.
Cette espèce de mise en scène de la déchirure d'un couple parceque bon, hein, il est loin dans l'espace et elle est seule sur terre...bouh ouin ouin... au secours!
C'est tellement chiant que j'ai abrégé ma souffrance avant la fin -peu importe la valeur de sa conclusion.

Marc en Rage
01/03/2024 à 23:49

Selon vos impression la créature l'Araignée c'est une illusion ou vraiment réel !??

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