Rebel Moon Partie 1 : Enfant du feu – critique d’une Snyder Croûte sur Netflix

Antoine Desrues | 22 décembre 2023 - MAJ : 19/04/2024 19:07
Antoine Desrues | 22 décembre 2023 - MAJ : 19/04/2024 19:07

Désormais émancipé de l’expérience douloureuse d’un DCEU dont il était censé être le chef de file, Zack Snyder affirme plus que jamais sa singularité. Alors que le Snyder Cut de Justice League a remis en avant sa vision totale des super-héros de DC, le réalisateur a migré du côté de Netflix depuis Army of the Dead. Avec Rebel Moon : Partie 1 - Enfant du feu, immense projet de space opera franchisé, il continue de revenir à ses premières amours, et de condenser toutes ses obsessions. Malheureusement, cette première partie de diptyque, portée par Sofia BoutellaCharlie Hunnam et Ed Skrein, a surtout des airs de remix mal digéré.

A lire aussi : notre critique Rebel Moon 2, tout aussi raté

Univers (pr)étendu

Il y a une contradiction assez agaçante dans le cinéma de Zack Snyder. S'il est souvent réduit à sa vision d’un libertarisme maladroit, prônant l’importance de l’individu exceptionnel sur la masse, il ne fait aucun doute qu’il se reconnaît dans cette pensée en tant qu’artiste. Preuve en est avec le storytelling du fameux Snyder Cut de Justice League, qui a fini de transformer l’auteur en grand rebelle d’un système de studio sclérosé.

 

On pourra toujours interroger la naïveté inaugurale de Snyder lorsqu’on lui a donné les rênes du DCEU, mais force est de constater que son souhait d’indépendance et de liberté connaît une forme de remise à niveau depuis son arrivée chez Netflix. Cependant, le cinéaste ne peut pas s’empêcher de tomber dans les pires travers de l'industrie qu’il répudie. En plus de boucler la boucle de manière méta avec L’Armée des morts, Army of the Dead s’est construit sur un projet de franchise bien vite délaissé, à moins que le cinéaste ne soit devenu à force sa propre franchise.

 

 

Là réside la déception première de Rebel Moon, mix assumé entre Star Wars et Les Sept samouraïs que le réalisateur envisage depuis longtemps. Clairement, c’est son bébé, son magnum opus, voire sa revanche sur ses années heurtées chez Warner. Mais dès l’introduction pachydermique de sa mythologie à grands coups de voix-off, la charrue semble être mise avant les bœufs, autant à l’échelle du long-métrage que de sa potentielle expansion.

En plus d’être la première partie d’un diptyque, le space opera de Zack Snyder est d’ores et déjà complété par du transmédia (bandes-dessinées, potentiel jeu vidéo...), et en cas de succès, le tout pourrait s’étendre sur plusieurs trilogies. Sauf qu’à la manière des échecs cuisants des années 2010 en matière de planification (le Dark Universe, petit ange parti trop tôt), Rebel Moon en oublie l’essentiel : offrir une entrée en matière solide, plutôt qu’un sentiment de suivi obligé.

 

Rebel Moon : A Child of Fire : photoLa Suicide Squad de Snyder

 

Space en manque d'opéra

Dans l’immensité de cette fresque, où les Nazis de l’espace s’imposent sur une vaste étendue de planètes aux teintes sépia, difficile de ne pas reconnaître le style tout en finesse de Snyder. Malheureusement, Enfant du feu n’a rien de plus à donner, au point où les tics de mise en scène les plus évidents du réalisateur (ses éternels ralentis, ses jeux abusifs avec la profondeur de champ et le flou, sa palette de couleurs désaturée) deviennent ronflants. Qu’il filme un acte charnière de résistance ou un flashback traumatique sur les horreurs de la guerre, tout est uniformisé dans cet écrin sur-stylisé, dont on interroge le sens autant que la dévitalisation.

Plus que jamais, Zack Snyder est tellement aveuglé par le vernis de son univers que sa caméra délaisse ses personnages et leurs états d’âme. Pourtant, s’il y a bien une leçon qu’il fallait retenir de Star Wars, c’est l’importance de ses héros. La caractérisation chez George Lucas était bien moins sommaire qu’il n’y paraît. Le cinéaste les définissait comme le regard du spectateur, et par extension comme le portail qui lui fait accepter la réalité de ce monde fantaisiste.

 

Rebel Moon : photo, Ed SkreinVous saviez que Star Wars, c'était anti-fasciste ?

 

A l’inverse, Rebel Moon agit comme un videur de boîte de nuit en nous bloquant l’entrée de ce portail. C’est même la tragédie du film : on sent bien que le fun est à portée de main, mais il reste de l'autre côté d’une ouverture déjà pas bien grande. Malgré sa nature et ses inspirations, le long-métrage semble étriqué, replié sur lui-même et ses référents sans jamais que Snyder ne s’en amuse vraiment.

Qu’on aime ou pas le bonhomme, on ne saurait lui enlever son sens de l’emphase et de l’épique boursouflé, qui a su faire ses preuves par le passé. Problème, Enfant du feu se contente de quelques panoramas en CGI et de décors tout riquiqui, avant de raccorder sur ses personnages en lieu clos pour nous imposer des tunnels de dialogues indigents. La connexion entre les corps et l’univers n’est jamais organique, si bien qu’on en est réduit à énumérer les influences plus ou moins subtiles de la direction artistique (mention spéciale à Warhammer 40,000, pillé dans ses designs d’armes, de costumes et de vaisseaux).

 

Rebel Moon: Partie 1 - Enfant du feu : photo, Doona BaeWow, des épées qui brillent, comme c'est original !

 

L'Armée des morts d'ennui

C’est d’autant plus incompréhensible que Kora (Sofia Boutella), ancienne soldate exilée au parcours éminemment mythologique, est sans nul doute l’un des alter-egos les plus évidents du cinéaste. En tant que femme qui retrouve une raison d’être dans la protection de son village d’accueil, elle devrait être le cœur émotionnel du film et l’instigatrice involontaire d’un mouvement de résistance qui la dépasse.

Mais une fois le récit lancé, ses doutes et son désespoir s’effacent, pour ne plus laisser qu’une figurine articulée et impassible, accompagnée d’autres jouets qui s’ajoutent au fur et à mesure de l'aventure. Que Zack Snyder s’inspire de Kurosawa soit une chose. Qu’il ne parvienne jamais à transcender la mécanique lassante du film d’équipe en est une autre.

À vrai dire, Rebel Moon condense moins les obsessions stylistiques et thématiques de leur auteur que la limite de leur expression. Si Sucker Punch utilisait les codes du jeu vidéo pour masquer sa structure en niveaux hautement schématique, Enfant du feu évoque le pire des quêtes secondaires de RPG et de leurs obstacles artificiels dans le seul but de créer des péripéties. Les guerriers qui acceptent de rejoindre la cause de Kora restent de vagues PNJ caricaturaux, même lorsque leur passé s’annonce intéressant (on pense en particulier à Doona Bae et Djimon Hounsou).

 

Rebel Moon : photo, Sofia Boutella, Djimon Hounsou"You son of a b*tch, I'm in"

 

Au fond, ce rendez-vous manqué porte en lui le manque de folie du long-métrage, bizarrement réduit à deux bonnes heures malgré son ampleur. Sur le papier, on en remercierait presque Snyder au vu de sa propension à s’étaler pour pas grand-chose. Néanmoins, cette épure apparente est à double tranchant, puisque le montage se contente d’assembler le squelette d’une narration en pilotage automatique.

Derrière les envies de plans cool qui peinent souvent à se connecter, sa réalisation n’a jamais été aussi désincarnée. Sans ses bouts de gras habituels, bien qu’indigestes, on constate que ses séquences sont incapables de remplir plusieurs fonctions à la fois et de communiquer plusieurs émotions. Chaque scène fait figure de pastille, avec à la clé une seule information ou un nœud d’intrigue. Et c’est sans doute pour cette raison que l’auteur nous a habitués depuis Watchmen à la formule du director’s cut ou de la version longue, dans le but de redonner un peu de chair à cet ensemble mal dégrossi.

 

Rebel Moon: Partie 1 - Enfant du feu : photoLeni Riefenstahl, sors de ce corps

 

Snyder (trop) cut

Dès lors, on en revient à “la contradiction agaçante de Zack Snyder”, qui fait moins une franchise de Rebel Moon que de son propre nom. Quoiqu’on pense de sa version de Justice League, il a réussi à faire de son existence un acte de délivrance quasi-politique. Quand on apprend que son diptyque va connaître à son tour des montages rallongés, difficile de ne pas y voir une forme d’opportunisme, malgré la promesse d’une violence accrue.

Le réalisateur a toujours vanté la carte blanche de Netflix et transforme donc un acte de résistance face à l’industrie en marque de fabrique publicitaire. Bien sûr, les versions longues planifiées ne sont pas un mal en soi, mais leur but doit être d’augmenter un film ou un univers déjà solide sur ses appuis (à tout hasard, Le Seigneur des anneaux).

 

Rebel Moon : A Child of Fire : photoLes sessions de montage

 

De son côté, Rebel Moon ne nous donne plus qu'un kit de base rachitique, reflétant au passage les problèmes structurels inhérents au cinéma de Snyder. Qu’importe la qualité de sa future mise à jour, on ne devrait pas avoir eu à subir deux heures de néant edgy. D’ailleurs, si Enfant du feu est une nouvelle fois habité par des thèmes libertariens, il est ironique que Snyder ne les raccorde pas à lui-même.

Après tout, de nombreuses œuvres se sont amusées des dérives idéologiques potentielles d’un système où la liberté individuelle est reine. Par le prisme de l’excellence et de sa pleine expression, c’est souvent le libéralisme le plus vorace qui en émerge. Voilà la mutation opérée par Zack Snyder : après avoir martelé sa valeur d’artiste et la dimension unique de sa filmographie dans le giron hollywoodien, il n’est plus qu’un VRP à sa propre gloire.

Rebel Moon : Partie 1 - Enfant du feu est disponible sur Netflix depuis le 22 décembre 2023.

 

Rebel Moon: Partie 1 - Enfant du feu : affiche

Résumé

On pourrait reprocher à cette Partie 1 de Rebel Moon les problèmes habituels de Zack Snyder. On préférera accentuer l’effacement du cinéaste derrière ce space opera sans souffle et sans ampleur.

Autre avis Geoffrey Crété
Il faut voir l'héroïne recruter ces rebelles à deux balles en trois minutes chrono pour comprendre que tout ça n'est qu'une grosse blague. Probablement l'un des pires films de Zack Snyder, et un beau modèle de ringardise clinquante.
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Lecteurs

(2.6)

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commentaires
EricSolo
29/02/2024 à 23:10

Vu et c'est un sentiment de gros gâchis. Il y a de bonnes idées, un univers qu'on aurait envie de découvrir, une intrigue avec du potentiel mais il n'y a pas de souffle dans l'intrigue, les personnages ne sont pas attachants et lisses. Résultat on s'ennuie. Dommage

Marc en RAGE
19/01/2024 à 10:21

Les points + de la partie 1 L'ENFANT DU FEU
- L'histoire inspiré des 7 SAMOURAÏ
- Le casting parfait surtout SOFIA BOUTELLA qui interprète KORA
- La production ils ont mis les moyens construire le village un Vaisseau tout n'est pas en CGI
- Le sound design de l'environnement des vaisseaux
-La musique discrète et efficace pour mo ter la tension.
Les points -
- Le Look NAZI des représentants de l'ORDRE pas fan de ce choix.
- Trop effets LENS PHARES qui sont souvent inutiles
- Trop de ralentis qui ne dynamise les combats.
- Une version censuré PJ 13 il manque 1 heure plus gore du sex plus réaliste.
- Il faut plus de dialogue entre les REBELS il n'y pas vraiment de complicité à ce stade de l'histoire.

Jbc
18/01/2024 à 21:46

Affligeant de nullité, rien ne vas, les effets spéciaux, la colorimétrie, la photographie, cette histoire sans aucune profondeur ni interactions entre les personnages, le pire de la SF. Comment ce film a t'il pu voir le jour je ne comprends pas. Encore une fois, si personne n'en voulait pour le cinéma et que ça termine sur Netflix, c'est qu'il fallait faire confiance aux professionnels du milieu.

Wam
10/01/2024 à 11:54

Ce qui manque au film, c'est de la subtilité (et de la cohérence, voir plus bas) :

Dans les décors : les géantes gazeuses et la CGI ne réussissent pas à créer une ambiance. Pitch black et SW episode 4 ont bien mieux avec des captations sur le terrain.

Dans les personnages "gentils" : pas de fond, pas d'histoire, donc pas d'empathie. Les flashbacks de Kora ne suffisent pas. Au passage, l'enfance de Kora aurait fait un meilleur film pour démarrer...

Dans les antagonistes : le decorum nazi des vilains est ostentatoire et ne suffit pas à rendre les vilains crédibles. On conseillera à Snyder un visionnage attentif du Maître du haut château.

Dans les scènes d'actions : le recours systématique au ralenti tape à l'oeil gâche la plupart des scènes là où la technique doit pouvoir sublimer une action.

Hélas, le scénario ne tient pas debout non plus. Pour obtenir les ressources nécessaires à l'Empire, les vilains pensent que la meilleure tactique est d'aller traumatiser des villageois alors qu'il leur suffit de laisser peser la menace de raser la planète pour obtenir une coopération globale et inconditionnelle ? Ils ne s'aperçoivent pas que la troupe de marines laissée sur place ne répond plus et n'enquêtent pas ? Et donc Kora, qui a grandi dans l'Empire, pense réellement que 20 mecs vont suffire à lutter contre un vaisseau amiral destructeur de planètes ?

Bref, c'est un film de série Z avec des moyens, qui ne réussit pas à faire ce qu'un sharknado peut faire en se prenant moins au sérieux.

STban
04/01/2024 à 14:26

Je suis plutôt d'accord avec cette critique. J'aurais aimé aimer ce film. Mais le scénario a été vu des centaines de fois, et forcement en mieux (comment pourrait on aimer la copie de la redite du plagiat ?). Et il est surtout très faible ! Les péripétie s'enchainent sans nous accrocher. On passe d'un recrutement à un autre sans qu'a aucun moment on fasse connaissance avec les protagonistes. On ne sais rien d'eux. Je crois que je n'est même pas retenu leurs noms tellement ils sont informes et inconsistants.
Même le "fameux" revirement d'un personnage tombe à plat,. À peine surprenant, il est vite évacué et le personnage connaît une fin expéditive et quasiment en hors-champs (il ne faut pas cligner des yeux à ce moment là, sinon c'est raté !). Ce traitement du personnage est pour moi symptomatique de ce film : zéro enjeu émotionnel. Le traitre qui a su gagner la confiance des héros meurt, et on s'en contrefout, alors que cela aurait dû être un moment intense. Pire, on dirait que Snyder lui même s'en fout.
En voulant se mesurer à Star Wars, il passe à côté de ce qui en a fait son succès : son humanité. Dommage, ça aurait pu être bien…

Raaaaaaaah
03/01/2024 à 19:20

Quand on voit ça on réalise à quel point « Andor » ça tabasse.

Garamante
01/01/2024 à 21:27

Je suis plutôt d'accord avec la critique. J'aurais aimé adorer ce film, mais l'intrigue et les personnages ont clairement été abandonnés sur le bord de la route. Une bonne moitié du film est en slow motion dans des paysages aux couleurs ultra saturées.

Thom42
31/12/2023 à 10:13

Une catastrophe de plus… rien à sauver. Je maintiens, Zack Snyder, réalisateur surcôté.

Seb30
31/12/2023 à 00:19

Super j'ai adoré je me suis fait mon propre avis et heureusement

Raphaël
30/12/2023 à 21:53

Les 7 samouraïs, star wars, moi, j'ai surtout vu Harry Potter et l'hippogriffe ^^

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