Blue Beetle : critique du (mauvais) Spider-Man de DC

Déborah Lechner | 16 août 2023 - MAJ : 01/10/2023 11:11
Déborah Lechner | 16 août 2023 - MAJ : 01/10/2023 11:11

Après l'aberrant The Flash, c'est au tour de Blue Beetle de souffler sur les cendres du DCU (ex DCEU). Comme de plus en plus de blockbusters de son calibre, ce nouveau film réalisé par Angel Manuel Soto et porté par Xolo Mariduena sort dans l'indifférence quasi-générale, et a toutes les "chances" d'allonger la liste des déceptions critiques et commerciales chez les super-héros. 

Attention : légers spoilers

A lire aussi : les 5 problèmes de Blue Beetle (avec spoilers)

I DON't need a hero

Dire que Blue Beetle n'arrive pas au moment le plus opportun serait presque un euphémisme. Ce blockbuster débarque dans un contexte de crise économique et créative chez DC, qui enchaîne les bides au box-office depuis la pandémie et peine toujours à trouver une direction narrative depuis l'effondrement du Snyder-Verse. En faisant mumuse avec le multivers pour "rebooter" ce qu'il restait du DCU, The Flash était censé abréger les souffrances de l'univers et amorcer sa résurrection, mais le super-héros d'Ezra Miller a loupé le tir et l'a donc laissé un peu plus à l'agonie.

Entre le sort de la Justice League, son probable remplacement par la Justice Society ou les conséquences concrètes de The Flash sur le canon narratif, l'univers de DC n'est plus qu'un immense point d'interrogation tracé dans la poussière, une suite sans fin d'incertitudes et d'insatisfactions pour le public comme pour la Warner.

 

Et ce n'est malheureusement pas Blue Beetle qui promet de trouver des réponses ou un remède miracle, le film étant plus un rescapé qu'un sauveur. Même s'il a bénéficié d'un budget confortable de 120 millions de dollars (autant que Shazam 2), il devait initialement gonfler le catalogue de HBO Max, tout comme Batgirl, avant qu'une sortie en salles soit finalement privilégiée. Mais tout compte fait, une sortie directement en streaming aurait peut-être amorti la chute de ce projet kamikaze. 

Alors que la tendance des super-héros est globalement à la baisse, DC a misé sur un personnage presque inconnu du grand public pour lancer une nouvelle franchise, avec un premier film qui n'a aucun gros nom sur lequel se vendre (quand bien même le star-system semble lui aussi s'écrouler), ni aucun fan service auquel se raccrocher. Qui plus est, le film sort en pleine grève des acteurs et des scénaristes à Hollywood, ce qui n'aide pas à donner un coup de fouet à la discrète campagne marketing. Autant dire que le crash paraissait inévitable.

 

Blue Beetle : photoGet ready for the next battle

BEETLE-MAN

Même si Blue Beetle partait avec toutes les mauvaises cartes en main, le film aurait néanmoins pu tirer sa force d'une certaine modestie, étant donné que contrairement aux derniers The Flash, Shazam 2 et Black Adam, celui-ci pouvait exister indépendamment du reste, sans que le scénario soit obligé de se greffer maladroitement aux autres franchises en multipliant les références ou les caméos.

Autrement dit : pas de Wonder Woman pour filer un coup de lasso, pas d'Aquaman bourré, pas de George Clooney en scène post-générique et pas d'images d'archives de Man of Steel ou de Nicolas Cage numérique, mais au contraire que du neuf. Du moins en théorie, car dans les faits, Blue Beetle se contente de régurgiter ce qui se fait de plus consensuel et usé dans le cinéma de super-héros depuis les années 2000, aussi bien pour ses bastons sur de la musique pop que ses bagarres de parking mal montées et éclairées. 

 

Blue Beetle : photo, Xolo MariduenaOh, un MacGuffin qui brille

 

Blue Beetle nous présente Jaime Reyes, un adolescent lambda et super-héros malgré lui, qui apprend à maitriser des super-pouvoirs qui lui sont tombés dessus un peu par hasard, tout en protégeant sa famille et la jolie fille qu'il aime. À une armure et un diplôme de droit près, Blue Beetle est donc une sorte de Spider-Man de DC, en plus fade. Sans revendiquer de démarche rétro ou volontairement old-school, Jaime emprunte le même parcours classique, pour ne pas dire fossilisé, que Peter Parker, de la découverte mouvementée de ses pouvoirs jusqu'au moment "oncle Ben", le but final étant que Jaime devienne le "scarabée sympa du quartier". 

Malheureusement, ce déroulé programmatique n'a rien de nostalgique ou de réconfortant. Et ce sentiment de déjà-vu et de lassitude est empiré par Blue Beetle lui-même ou plutôt l'armure Khaji-Da, qui est traitée visuellement comme un dérivé (faussement) fauché d'Iron Man, surtout avec ces inserts gênants sur une moitié de visage inexpressif de Xolo Maridueña.

 

Blue Beetle : photo, Xolo MariduenaOh, un ado en plein passage à l'âge adulte

 

La mythologie qui entoure cette biotechnologie extraterrestre n'a rien de plus intéressant à offrir. Son origine est superficiellement expliquée en deux répliques et son parcours sur Terre résumé en trois images pendant le générique d'ouverture. Tout le reste est à déduire, du moins quand le film ne compte pas sur le fait que le public ne se posera pas trop de questions.

De plus, même si les capacités de combat du héros restent assez floues, il est aussi décevant, voire même frustrant, qu'un personnage qui paraît aussi puissant fasse aussi peu étalage de sa force. Certes, il s'agit avant tout d'une origin story : Jaime découvre ses pouvoirs, s'y familiarise et apprend ce qu'être un héros signifie pour que la suite (si suite il y a) gagne en ampleur dans une montée crescendo. Mais ce premier jet n'en reste pas moins ennuyeux, vidé de toute séquence un peu spectaculaire ou de scène d'action un minimum impressionnante. 

 

Blue Beetle : photoOh, une bouillie de CGI moche en guise de climax

 

MARIACHI DANS LA COLLE

Blue Beetle est donc un énième film de super-héros qui ressemble à n'importe quel autre, son unique intérêt étant de mettre pour la première fois sous les projecteurs un super-héros d'origine mexicaine et plus largement de mettre à l'honneur les différentes communautés sud-américaines (notamment par les choix de casting). Le fait de permettre à une minorité ethnique ou sociale, ou une communauté quelle qu'elle soit, de s'approprier des pans de culture populaire ne sera jamais un problème en soi, mais il est incompréhensible que cet aspect soit balayé du scénario au point où il semble embêté à l'idée de s'emparer de son sujet

 

Blue Beetle : photo, Susan SarandonNiveau Sharon Stone dans Catwoman

 

L'action est située dans la ville fictive de Palmera, qui abrite le siège social de Kord Industries, l'entreprise gérée par Victoria Kord (l'antagoniste inutile de Susan Sarandon, qui porte des tailleurs de luxe et donne froidement des ordres dans son oreillette comme une méchante des années 90). Dès le début, il est dit que cette compagnie américaine, capitaliste et peu regardante sur les droits humains (comme dans Spider-Man, Superman, Iron Man ou Black Adam) a un effet néfaste sur la banlieue défavorisée d'Edge Keys, qui recense de nombreux habitants d'origine latine. 

Cette gentrification menaçante, qui est posée comme un enjeu dès les premières minutes du film, est paradoxalement le plus gros angle mort du scénario. Cette réalité ne s'incarne et ne se matérialise jamais, si ce n'est dans un bref plan sur des buildings à néons qui dominent le reste de la ville. Le contexte politique et social, tout comme le quotidien de cette banlieue, est à peine effleuré, tandis que le quartier paraît carrément vide et la communauté inexistante, alors qu'elle devait être au coeur du projet. Et il ne faut pas compter sur le scénario pour parler de racisme ordinaire, de mépris de classe ou de violence systémique au-delà de quelques répliques tournées en dérision. 

 

Blue Beetle : photo"Ma famille, c'est ma force" comme dirait Vin Diesel Blue Beetle

 

La famille, quant à elle, est écrite comme celle de Miss Marvel, avec un lot de personnalités embryonnaires dont la caractérisation se résume à un seul adjectif. Le pire est probablement Milagros, la soeur campée par Belissa Escobedo, qui joue un autre prototype agaçant, celui du side kick féminin familier et marginal au second degré, à l'instar d'Awkwafina dans Shang-Chi.

Cette famille catapultée au centre de l'action est aussi censée être un vecteur d'émotion, mais le film se prend par moments tellement au sérieux dans son mélodrame qu'il provoque juste des rires nerveux. À l'inverse, il néglige ce qui aurait pu donner plus de consistance à son propos. On devine que Jaime et sa soeur sont nés aux États-Unis de parents mexicains, mais ce point n'est jamais un enjeu ou un sujet, tandis que le passé de la famille et son immigration sont là encore complètement éclipsés.

Il ne reste ainsi qu'un bout d'intention, largement insuffisant pour donner un minimum de saveur à cet autre produit totalement insipide et incompréhensible.

 

Blue Beetle : affiche

Résumé

Blue Beetle est un film générique et sans incidence, qui laissera certainement la majorité des spectateurs à moitié endormis. 

Autre avis Antoine Desrues
Derrière sa profession de foi sincère sur la représentation d'un super-héros latino, Blue Beetle n'est qu'un énième blockbuster opportuniste, mortifère et algorithmique. A mixer les codes du genre n'importe comment, sa bouillie affirme la régression d'une industrie qui tourne en rond.
Autre avis Geoffrey Crété
Tellement insipide, insignifiant, invraisemblable et inconscient de l'état du cinéma de super-héros qu'on dirait un mauvais film de 2003. En 2023, ça devrait donc être interdit.
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commentaires
Ghob_
23/09/2023 à 19:32

Eh ben, contre toute attente j'ai passé un plutôt bon moment !
Parler de "purge" ou de "bouse absolue" pour qualifier ce film me parait un brin excessif (surtout si on le compare à d'autres sorties DC récentes ou Marvel, je trouve qu'il est quand même un bon pallier au-dessus Flash, par exemple). C'est un film simple, coloré et feel good, peut-être un peu trop cliché lorsqu'il aborde le sujet de la famille, mais fait avec le cœur et un réel amour pour le personnage et son univers. Les scènes d'action ne sont pas assez nombreuses et pas assez longues ou chorégraphiées pour être mémorables, mais l'armure du héros est franchement stylée (il faut le souligner, les SH au design "original" et stylisé se font de plus en plus rares) et les effets spéciaux eux aussi plutôt réussis, à l'heure où ça ne ressemble souvent plus à grand-chose (nan nan je parlais pas de Ant-Man 3 et de Flash, du tout ! ).
Dommage qu'il n'y ai pas davantage d'explications sur la nature précise des travaux de Ted Kord ou la provenance de l'armure, mais j'ai également trouvé que le côté assez concis de l'intrigue (permettant au film de rester sous la barre des 2h) était un bon point.

M'a donc juste manqué un gros set-piece d'action généreux au milieu pour vraiment m'éclater, mais sinon j'ai plutôt été satisfait et préféré de loin à la plupart des films Marvel/DC sortis ces deux dernières années. Un film simple et sans prétention, mais qui nous présente un héros réussi et un personnage plutôt attachant (à défaut d'être réellement marquant).
Et oui, moi j'aimerais vraiment le revoir dans le DCU de James Gunn : cette armure coléoptérique est trop stylée pour être laissée au placard !

ademm
22/09/2023 à 05:00

je vais être conçis : c'est tout de même une sacré purge et pourtant Dieu m'en est témoin car pas un film Marvel/Dc que je n'ai vue; mais là c'est trop caricatural et le héros une sorte de réchauffer de Peter Parker avec son costume nanite mais a la sauce Mexicaine, même si faut l'avoué je préfère la samouraï dont la consistance et le goût relève un peu le tout.

yellow submarinee
19/09/2023 à 09:31

un jour il faudra se poser la question comment un film comme blue beetle ai pu autant se faire descendre par la critique.

pourquoi un tel rejet ? alors que d'autres purge marvelienne ont eut des notes bien moins sévères.

Il suffit d'aller voir sur les notes de ce que je considère comme les 3 pires thor, le premier a eut une note de 2. la méga purge Thor : Le Monde des ténèbres a eut une note de 2,5 et le dernier 2,5.

Comment justifier que blue beetle ai pu avoir une note de 1,5.

Je ne vous blâme pas vous mais la presse en général.

Bluebeetle ai un film sincère, maladroit mais sincère, pour une fois on a des acteurs (la famille reyes) qui sont investi.

L'évolution du personnage est rafraîchissant comme les scènes d'action, Xolo Maridueña apporte je trouve la même énergie cool de milles morales dans les spiderman.

Franchement je ne comprends vraiment pas le traitement que subit ce film, il ne le mérite clairement pas et je suis dégouté de l'avoir raté en salle.

j'espère que Gunn le reprendra dans son dc univers

Kukulkan
01/09/2023 à 02:07

Je savais que j'allais bouffer un kebab. Mais moi, j'aime ça, le kebab. Si, si je vous le jure. C'est régressif, pas prise de tête, gras et un poil bourratif... Mais quand c'est le soixantième, même si vous en voulez, vous repérez direct qu'il manque de sauce, que la salade a mal vieillie, que la viande est moins bonne qu'ailleurs, que le pain est bof et qu'il n'a pas l'originalité de celui que vous aviez mangé quelque part au début de l'aventure kebab... On est sur de l'industriel, qui recherche l'émotion de l'instant, mais duquel on ne peut que se détacher régulièrement en pensant à d'autres expériences de fast food un brin plus peps. Pas de surprises... Ma fille de 4 ans bricole des recettes plus savoureuses quand je l'écoute s'éclater dans sa chambre... Un kebab avec des produits frais, de qualité, un poil travaillé, avec un p'tit côté artisanal... Ça commence à faire un moment que je n'en ai pas mangé...

Ogami
28/08/2023 à 22:41

Pour ma part, je trouve qu'il s'agit du meilleur film DC depuis bien longtemps. Blue Beetle apporte vraiment un vent de fraîcheur, alors même que je pense avoir vu à peu près la totalité de ce qui se fait en matière de films de super-héros, j'ai été sous le charme. En ce moment, c'est un peu dans l'air du temps de vouloir tuer ce type de films qu'on adulait autrefois (y a pas si longtemps en fait).
Des scènes très drôles, des belles scènes de combat, que du bon. Dans la salle, les réactions étaient très positives aussi, visiblement c'est des gens qui vont pas trop sur internet.

Kukushibo
18/08/2023 à 15:43

Un film sorti 20 ans trop tard.
C'est pas mauvais mais c'est insipide, dans le genre je préfère The Guyver.
Plus qu'AquaMan et Gunn sera débarrassé du MCU post Snyder.

Akitrash
18/08/2023 à 13:49

Moi, j'attends Authority et Swamp Thing, point!

Un samouraï
18/08/2023 à 10:19

La fatigue des supers héros se fait de plus en plus ressentir ! Prenez garde Dc et Marvel, bientôt il y aura un coup fatal...

Pseudonaze
17/08/2023 à 23:51

Il me semble qu'à l'origine ce film devait alimenter l'offre streaming de HBOMAX mais que les pontes de Warner, après visionnage, auraient décidé de finalement le sortir en salle en lui octroyant une rallonge budgétaire, confiants dans ses capacités à performer au box-office.
Du coup ça peut en dire long sur le film Batgirl qui a purement et simplement été annulé...

ZakmacK
17/08/2023 à 22:46

Bon je sors du film, et j'ai plutôt apprécié. Après j'ai une vraie tendresse pour les héros DC, mais c'est vrai que blue Beetle, c'est osé comme adaptation, vu que c'est quand même un héros ultra mineur et méconnu.
Au début, on va pas se mentir, ça fait un peu téléfilm. La réalisation est plutôt plate, il y a beaucoup de dialogues pour introduire une famille un peu envahissante, Susan Sarandon est très caricaturale, mais bon ça se laisse voir.
Après je trouve que le film tient quelque chose d'assez cool autour de la famille, dysfonctionnelle chez les kord, et en symbiose chez les Reyes. Je trouve que l'idée de la gentrification est assez bonne, avec Victoria kord qui possède un pouvoir sur la ville au point d'avoir sa propre milice privée. Oui c'est certainement pas assez poussé mais on est sur blue Beetle, pas dans un film des frères Dardenne ! Je ne dis pas que c'est un grand film, mais j'ai passé une plutôt bonne soirée. Si vous n'aimez pas trop les films de super-héros, c'est clair passez votre chemin. Mais si vous aimez bien ça, c'est un film sans prétention avec quelques scènes franchement pas mal. Après on pourra dire que je me contente de peu, mais je n'accepte d'être jugé que par ceux qui ont vu Black Adam.

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