Blue Beetle : les 5 problèmes du film DC (et des super-héros en général)

La Rédaction | 18 août 2023 - MAJ : 18/08/2023 19:11
La Rédaction | 18 août 2023 - MAJ : 18/08/2023 19:11

Blue Beetle est une nouvelle torture made in DC, qui condense les pires clichés des films de super-héros.

A lire : notre critique du très mauvais Blue Beetle

Après The Flash et Shazam 2, Blue Beetle entérine l'agonie du DCU (ex DCEU) avant son reboot par James Gunn et Peter Safran. Au-delà de l'inconséquence d'un film fier de ses petits enjeux (on se contente de peu visiblement), les aventures de Jaime Reyes ne réussissent jamais à se distinguer, quand bien même elles affirment renouveler le genre par leur regard sur une communauté latino sous-représentée.

Malheureusement, cette démarche louable ne peut pas sauver un long-métrage qui, pour le reste, se montre paresseux. Blue Beetle est même fascinant par sa manière de recycler et d'assembler sans aucune envie les mêmes codes éculés, qu'on a déjà vus bien mieux traités dans d'autres films de DC ou Marvel. L'occasion de se pencher sur 5 clichés des films de super-héros qu'il est grand temps de repenser.

ATTENTION : SPOILERS (évidemment) !

 

vidéo

 

1. Le méchant CORPORATISTE  qui veut les pouvoirs du héros, comme dans Iron Man

C'est devenu une caricature : l'antagoniste très riche, ouvertement capitaliste, qui porte des tenues chics, donne froidement des ordres au téléphone, convoite jalousement les pouvoirs du héros ou de l'héroïne et siège à la tête d'une puissante entreprise qui ne s'embarrasse pas avec l'éthique. Souvent, il s'agit aussi de personnages à usage unique, qui sont donc joués par des acteurs venus empocher leur chèque sans se retourner. 

La Victoria Kord (Susan Sarandon) de Blue Beetle coche toutes ces cases, avec une écriture et une interprétation tellement grossières qu'elle rappelle le douloureux souvenir de Sharon Stone dans le tout aussi douloureux Catwoman de 2004. Et quand on sait que c'est Sharon Stone qui devait à l'origine jouer la fille de Ted Kord, l'ironie n'est que plus tordante. 

 

Blue Beetle : photo, Susan SarandonMenacer physiquement ses employés pour parfaire la parodie


Étant donné que Kord Industries est aussi une multinationale spécialisée dans l'armement, on a cité comme référence le premier Iron Man, quand Obadiah Stane pilotait Stark Industries dans l'ombre, mais on aurait aussi pu mentionner Killian Aldrich et son entreprise Advanced Idea Mechanics dans le troisième volet. Ou même tout un tas d'autres exemples : LexCorp dans les films Superman, Oscorp Industries dans les films Spider-Man, la Life Foundation dans Venom, Pym Tech (sous la houlette de Darren Cross) dans Ant-Man etc. Tout ça pour souvent finir avec une version monstrueuse du super-héros, à l'instar de l'Abomination dans L'Incroyable Hulk, Doomsday dans Batman v Superman, ou dans ce cas-ci, Carapax dans Blue Beetle

Le fait que ces méchants soient riches, corporatistes et se servent de leur entreprise pour couvrir leurs agissements offre généralement au scénario une dimension plus politique, en particulier sur l'impérialisme ou l'ingérence américaine. Mais Blue Beetle, à part mentionner une gentrification du quartier pauvre où s'est installée la société, ne traite jamais réellement la fracture entre les dominants et les dominés. Cette thématique est bien mieux gérée dans Iron Man, voire même dans Black Adam avec son Intergang qui méprise et oppresse Kahndaq plus ouvertement et avec plus d'incidence. Et pour dire que Black Adam fait mieux, c'est qu'il faut vraiment avoir placé la barre très bas. 

 

Iron Man : photo, Jeff Bridges, Robert Downey Jr.Oh non, ce gars très inquiétant était en fait un traitre depuis le début

 

2. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, comme dans Spider-Man

Qu'elle soit positive ou négative, la critique s'accorde à voir dans Blue Beetle un pendant de Spider-Man version DC. Le scarabée du quartier est très proche de sa famille et de sa communauté, qui est censée être au centre du dispositif, puisque Palmera City est sujet à la gentrification de ses quartiers populaires par les méchants corporatistes cités plus haut, qui y installent leurs bureaux.

Même si le scénario ne le traite jamais, Jaime Reyes devrait aider le peuple et les siens, après avoir eu du mal à accepter ses pouvoirs. Forcément, cette réticence est toujours contrebalancée par les avis éclairés de son mentor (ici son père) qui lui rappelle à sa façon qu'un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Comme il est très subtilement dit au début du film qu'il est cardiaque, sa mort inévitable n'a absolument aucun impact. Et ce n'est pas en propulsant le héros dans une rêverie remplie de bougies et de CGI moches que les choses s'arrangent.

Tout au plus, on en vient à pas mal rigoler devant la laideur de la scène, où le fantôme du papa motive son fils avant de disparaître dans une poussière d'étoiles. De quoi avoir envie de recoller une balle dans le ventre de l'Oncle Ben pour la millième fois...

 

Blue Beetle : photoMort obligatoire dans 3, 2, 1...

 

3. Vouloir être inclusif, comme dans Miss Marvel, Shang-Chi ou Black Panther 

Parce qu'il faut malheureusement le répéter : inclure dans la culture populaire une communauté sous-représentée à travers un super-héros ou une licence connue n'a rien de mal, au contraire. L'industrie a mis un peu trop de temps à le comprendre, mais le milliard de dollars de Black Panther au box-office mondial a eu valeur d'électrochoc. Malgré ses défauts évidents, le film de 2018 est entré dans l'Histoire pour être le premier blockbuster sur un super-héros noir, avec un casting et une équipe créative majoritairement noirs. 

Shang-Chi a ensuite pris le relais en devenant le premier super-héros chinois à avoir son propre film, avant que Miss Marvel ne devienne la première super-héroïne musulmane.Il n'y avait donc pas de quoi lever les yeux au ciel lorsque DC a annoncé la version de Jaime Reyes pour son Blue Beetle, qui serait de fait le premier super-héros d'origine mexicaine. L'intention n'a rien de problématique, la symbolique est belle, mais l'exécution est largement plus critiquable. Par manque de temps, de figurants, de bon sens ou les trois, ce film censé représenter les Sud-Américains et les enfants américains de parents immigrés s'y intéresse finalement à peine

 

Blue Beetle : Palmera CityLes néons pour faire high-tech et futuriste...

 

La notion de famille mise à part, le film n'a aucun esprit communautaire fort comme pouvait l'avoir Black Panther ou Miss Marvel. Les réalités sociales sont balayées en deux répliques, tandis que certains enjeux posés au début du film sont à peine soulevés du bout des doigts. Kord Industries menace la banlieue défavorisée de Palmera City en participant à sa gentrification et à l'appauvrissement de ceux qui étaient déjà les plus démunis. C'est dit, mais jamais creusé.

La protection de ce quartier n'est pas du tout une priorité ou même un sujet, tandis que ce quartier vide paraît commencer et s'arrêter à la maison des Reyes. C'est donc bien mieux traité dans Miss Marvel où la caméra et le scénario se baladent dans Jersey City, mais surtout dans la mosquée du quartier avec ses habitants, pour unir et véritablement représenter, au sens propre comme au figuré. 

 

Miss Marvel : photoUne immersion beaucoup plus convaincante

 

4. Le truc vivant qui fusionne avec le héros et parle dans sa tête comme Venom

Malgré sa dimension de petit film familial, il y a un élément de Blue Beetle dont le réalisateur Angel Manuel Soto est particulièrement fier : avoir pu mettre en scène une fusion du corps de Jaime et du Blue Beetle "cronenbergienne". On n'osera pas aller jusque-là, même s'il faut bien admettre que la première scène de transformation du héros est de loin la plus impactante. Dans tous les cas, cette vague idée, qui reste bien sage, n'excuse en rien la gestion catastrophique de l'armure et de la voix alien, qui parle avec le héros directement dans sa tête. 

Blue Beetle gère cet enjeu exactement comme le symbiote de Venom, mais avec une voix de robot plutôt qu'une voix de gros débile congénital. Les blagues sont toujours aussi peu drôles, et la pseudo-conscience de Khaji Da (le nom de l'alien) n'est jamais traitée en profondeur, alors que cette partie de l'alter ego super-héroïque devrait apporter son grain de sel dans la vie d'adolescent tourmentée de Jaime Reyes. On en viendrait presque (on dit bien presque) à regretter les horribles sous-entendus homoérotiques de Venom 2 et son symbiote qui "sort du placard". Au moins, la relation entre Tom Hardy et son ami de pétrole était au coeur du récit des films et de leur dynamique, tendance Docteur Jekyll et Mister Hyde.

 

Blue Beetle : photo, Xolo MariduenaCe cauchemar bleeeeeeu


5. L'orgie de CGI dans la nuit comme dans... tout

On s'est tellement habitués à la laideur de certains VFX dans les productions super-héroïques que l'obscurité est devenue la meilleure méthode pour cacher la misère. Il faut tout de même se rappeler que le genre en a fait une mode à part entière dans les années 2010, entre des photographies immondes et une 3D qui assombrissait l'écran par les verres des lunettes (exemple parmi d'autres : Suicide Squad).

Pour autant, la nuit a pu aussi être utilisée comme un véritable élément stylistique, notamment lorsque les éclairages urbains et les rais de lumière interagissaient avec l'armure d'Iron Man dans le climax du premier film pour la rendre hautement tangible. Cela dit, le noir rend aussi par essence la scénographie plus complexe, car la lisibilité de l'action mérite un soin tout particulier, pour éviter qu'on se perde dans ce fatras d'images de synthèse et d'obscurité. Si le contrôle sur les mouvements des corps et de la caméra dans le tout-numérique a donné quelques scènes d'action intéressantes (les fins d'Iron Man 2 et 3, certaines séquences de Batman v Superman), d'autres ont opté pour un découpage imbitable, qui ne rend jamais compte de la physique et de la gravité dans des combats où les coups semblent sans impact.

 

Blue Beetle : photoCool, on ne voit rien

 

Dans le même domaine que Venom, Morbius ou le final illisible de Spider-Man : Homecoming, Blue Beetle choisit de juste montrer des armures qui brillent en train de se bastonner et traverser le cadre, sans nous laisser profiter des chorégraphies. Il faudra se contenter de particules colorées envahissantes, et de quelques pauvres money-shots pour pallier la misère créative de scènes d'action où ces corps de synthèse interagissent sans envies. Une certaine idée de l'ennui profond que peut engendrer le genre lorsqu'il est fainéant.

Tout savoir sur Blue Beetle

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commentaires
Redwan78
21/08/2023 à 12:41

DC ne s'est pas foulé. La même recette qui est la même depuis le spiderman de Sam raimi. Rien de novateur juste le héros est sud américain.

Daddy Rich
21/08/2023 à 10:45

Tellement en décalage de tout ce qui se passe en ce moment avec la chute des films de super héros et parce que personne ne parle de ce film....
JE VAIS ALLER LE VOIR!

Morcar
21/08/2023 à 10:36

Je suis assez d'accord avec @Wooster. Je ne vois pas pourquoi un personnage qui aurait des origines étrangères devrait obligatoirement être le porte étendard de sa communauté. C'est comme si on demandait à un super-héros gay de porter obligatoirement un costume arc-en-ciel.

Grey Gargoyle
21/08/2023 à 00:39

@La Rédaction
Merci beaucoup, je comprends mieux.
Cela vient de ma méconnaissance du secteur. Je connais peu la presse, et encore moins la presse en ligne.
Du coup, j'ai crû que c'était un éditorial sur les super-héros en général.
Merci pour l'explication et excusez-moi pour le dérangement.

Geoffrey Crété - Rédaction
20/08/2023 à 20:34

@Grey Gargoyle

Bonsoir
Ici, cela veut dire qu'il a été écrit à plusieurs mains. Le site ne permet pas actuellement d'afficher le nom de plusieurs personnes, donc on signe "La rédaction" en attendant la prochaine version d'Ecran Large, qui devrait le permettre.
Pas sûr de comprendre la conclusion de votre remarque cela dit. Même si nous étions tous d'accord sur un film (ça arrive parfois, cf les autres avis en bas d'une critique), ça ne serait pas notre ligne edito. La ligne edito, c'est bien plus vaste qu'un point de vue sur un seul film.
Bonne soirée

Grey Gargoyle
20/08/2023 à 20:04

@[La Rédaction]
Bonjour,
je n'écris des commentaires sur votre site internet que depuis peu.
Je suppose donc que, comme en presse écrite, quand un article est signé de la rédaction, cela signifie que vos journalistes sont d'accord à l'unanimité sur son contenu et son titre.
Sauf erreur de ma part, cela voudrait dire que cela doit donc représenter donc votre ligne éditoriale.
Okay, c'est bon à savoir...
Bonne semaine.
Bien cordialement

Johnios
20/08/2023 à 14:16

Alors, le film force sur les origines du hero un peu trop, le fin est rempli de clichés. Après comme dit plus haut une sortie streaming aurait été préférable.
Le film est meilleur que the flash et fait passer le temps, si on oublie le forcing latino durant la premiere moitié du film. Autant au Wakanda ça passe, autant aux états-unis ça sonne un peu faux le full casting latino

Wooster
20/08/2023 à 11:22

“ La notion de famille mise à part, le film n'a aucun esprit communautaire fort comme pouvait l'avoir Black Panther ou Miss Marvel.”
Pourquoi demander à un film d’avoir un esprit communautaire au prétexte que le héros est issu d’une communauté identifiable ? On ne demande pas à Superman ou à Batman de se faire les porte-drapeaux de la population blanche.
A mon avis, cette injonction constitue un problème : on ne peut pas imaginer qu’un noir ou qu’un latino puisse représenter une population au delà de ce que l’on pense être sa communauté. Cette idée est ce qui a rendu Barack Obama inacceptable par une partie de population blanche aux États Unis.
Heureusement il y a des contre-exemples : Denzel Washington joue des rôles dans lesquels sa couleur n’est jamais un sujet, et qui pourraient d’ailleurs avoir été interprétés par un acteur blanc sans changer une ligne au scénario et aux dialogues.

Leduk
19/08/2023 à 17:00

Les films de super heros sont a voir quand ils sortent en streaming, pas au ciné selon moi. Comme ca au pire on coupe au millieu et on a rien perdu a part une heure

Nico31270
18/08/2023 à 23:44

Ce film hésite tellement entre pleins de genre... et il est tellement daté (on dirait un film des années 1995-2005) qu'il en devient nanardesque.

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