Agent Stone : critique du sous-Mission Impossible de Gal Gadot sur Netflix

Geoffrey Crété | 11 août 2023 - MAJ : 11/08/2023 23:13
Geoffrey Crété | 11 août 2023 - MAJ : 11/08/2023 23:13

Après le succès de Red Notice, Gal Gadot s'installe confortablement sur Netflix et veut lancer sa propre franchise d'action à la Mission : Impossible, James Bond et Jason Bourne. Ça s'appelle Agent Stone (Heart of Stone), ça raconte l'histoire d'une super-espionne qui doit sauver le monde, c'est aussi original et mémorable que ça en a l'air, et se prend ouvertement pour Mission : Impossible. Disponible sur Netflix dès ce 11 août.

A lire aussi : oui, cette scène d'Agent Stone est copiée sur Mission : Impossible - Fallout

le monde est stone

Hasard, coïncidence ou triste signe des temps : dans Agent Stone comme dans Mission : Impossible 7, le danger est une giga-intelligence artificielle qui ressemble à une clé USB de luxe, et peut prédire les faits et gestes de l'humain. Ethan Hunt et Rachel Stone pourraient finalement se croiser au détour d'un multivers tant leurs aventures se confondent dans une cascade sans fin. Malgré les centaines de millions lâchés à chaque fois, les films d'action hollywoodiens se diluent de plus en plus dans la même soupe pseudo-moderne, quitte à devenir le dindon de la farce ("Ce scénario qui critique les IA aurait vraiment pu être écrit par une IA mdr").

 

 

En même temps, c'est la moindre des choses puisque Gal Gadot a d'emblée conçu Agent Stone comme une franchise (autre signe des temps : vendre la peau de l'ours avant de l'avoir fait acheter), avec le paradoxe comique d'une copie conforme censée être différente. "J'ai grandi en regardant James Bond, Mission : Impossible et Jason Bourne. Je voulais créer un film d'action mené par un personnage féminin qui soit pour tout le monde, pas une histoire de héros qui a été faite plein de fois déjà". On vous laisse quelques instants pour reprendre votre souffle après cette blague.

Difficile donc de jouer la vierge effarouchée devant cette histoire bête comme bonjour (super-espionne, équipe d'experts, agence plus secrète que secrète, noms de code, trahisons et autre MacGuffin à la mords-moi-le-noeud). Agent Stone a été conçu ainsi, c'est même son unique raison de vivre et d'être vu. Le vrai problème, c'est que le film mené par Gal Gadot ne remplit pas sa véritable mission : faire oublier cette équation cynique avec une bonne dose de spectacle.

 

Agent stone : photo, Gal GadotLa Gal-ère

 

mission : impotent

Quand la seule bonne scène d'action d'Agent Stone est un copier-coller version Lidl d'une des meilleures scènes de la saga Mission : Impossible (le base-jump de Fallout), c'est peut-être qu'il y a un problème. Gal Gadot se jette dans le vide depuis un avion, la caméra saute avec elle pour tournoyer dans les airs, et tout dans la mise en scène rappelle ce moment mémorable signé Christopher McQuarrie et Tom Cruise. En beaucoup moins bien.

Seule différence : le wingsuit de l'héroïne. Dommage pour elle, Lara Croft l'a déjà fait dans le film Tomb Raider - Le Berceau de la vie.

Ce morceau de bravoure intervient à la moitié d'Agent Stone. Avant et après ça : des fusillades qui manquent d'énergie, des poursuites en voitures sans idées et des bastons vues mille fois, le tout emballé dans une suite de panoramas carte postale pour réveiller le nerf optique toutes les 12 minutes. A l'exception d'un parachute lumineux dans la scène d'intro et d'un amusant petit lâcher de moto dans le climax, il n'y a rien de spécial ou mémorable, en tout cas pas pour les gens ayant vu un film d'action ces 20 dernières années.

 

Agent Stone : photo, Gal GadotMission : Impossiblement Fallout

 

Derrière la caméra, il y a le réalisateur Tom Harper, pas particulièrement inspirant (La Dame en noir 2, The Aeronauts). Derrière les scènes d'action, c'est le réalisateur de seconde équipe Robert Alonzo, au CV plutôt schizophrène (The Batman, The Flash). A l'écran, il n'y a aucun vrai parti pris, la mise en scène n'assumant aucune idée. Les raccords grossiers rallongent de simples mouvements de caméra mais sans amener à un plan-séquence, les quelques visions en mode FPS ne sont jamais exploitées, et la qualité très relative des effets visuels saute aux yeux dès qu'il y a de la lumière.

Hors scène d'action, Agent Stone pompe autant James Bond (l'affreux générique) que Minority Report (l'interface de l'IA) et Horizon : Zero Dawn (le focus), sans parler de la musique absolument abominable signée Steven Price. Résultat : le film apparaît instantanément ringard.

 

Agent Stone : photoY'a évidemment une poursuite en moto

 

mytho-logie

Coup de grâce de tout mauvais film qui se respecte : Agent Stone est trop long (deux petites heures pour ça) et trop bavard. Le scénario de Greg Rucka (The Old Guard) et Allison Schroeder (Les Figures de l'ombre) brode autour des scènes d'action en ne s'épargnant aucun cliché, d'où une galerie de personnages parfaitement insipides.

La boss est une figure d'autorité ? Elle ne sourit pas et n'aime pas l'humour. Il faut rendre les collègues attachants ? Voilà une petite scène de danse sur une chanson de Lizzo. Quand aux vrais/faux méchants, ils sont aussi faciles et rapides à trouver qu'une coquille sur un article d'Ecran Large. C'est le pire des deux mondes : plein de seconds rôles et autant de raisons de lever les yeux au ciel en se disant que Mission : Impossible ressemble à du Shakespeare à côté.

Seul mérite d'Agent Stone : l'ambition de construire une mythologie à part entière. Elle est évidemment abracadabrantesque, lorgne sur James Bond et John Wick, et sert à placer les billes pour la franchise potentielle. Mais c'est grâce à cette mythologie que tout le monde peut déclamer des répliques fabuleuses avec le mot "heart" (le cœur dans le nom de code de l'héroïne, le cœur du jeu de carte, le cœur des humains face aux machines, et en plus le cœur du titre du film en version originale).

 

Agent stone : photo, Jamie DornanPersonnages-secondaires.jpeg

 

GAL RADOTE

Si Agent Stone ressemble plus à un tableau Excel sur fond vert qu'à un vrai film, c'est peut-être parce qu'il a été conçu comme une formule et rien d'autre. Entre Netflix et Hollywood, c'est une romance idéale. Le géant de la SVoD cherche absolument des franchises et des talents à mettre en vitrine, et les acteurs et actrices cherchent un espace où se faire plaisir et toucher de gros salaires. Gal Gadot et son cachet de 20 millions pour Red Notice le savent bien (elle aurait touché quasiment la même somme pour celui-ci).

Tout le monde y gagne, sauf peut-être le cinéma ; et au fond, cette industrie, qui semble s'autosaboter.

 

Agent Stone : photo, Gal GadotWonder Wobad

 

Comme The Old Guard avec Charlize Theron ou 355 avec Jessica Chastain, Agent Stone est avant tout un véhicule pour Gal Gadot, actrice et productrice via sa boîte Pilot Wave (aux côtés de Skydance Media, derrière les Mission : Impossible depuis Protocole fantôme). Pourtant, elle n'a rien à jouer (tout comme Jamie Dornan, Alia Bhatt, Matthias Schweighöfer et Sophie Okonedo) si ce n'est la caricature de ce cinéma et de ce qu'elle pourrait représenter dans le système. Entre le pouvoir de l'amour de Wonder Woman et Rachel Stone qui balance au méchant que elle, elle a des amis parce qu'elle est gentille, rien ne change hormis le décor et la hauteur du froncement de sourcils.

Le plus tristement drôle, c'est que le film semble lui-même afficher cette voie sans issue. L'idée du début d'Agent Stone (Gal Gadot n'est pas l'espionne habillée comme un mannequin qui déambule dans une soirée, mais la nerd dans la camionnette) est balayée en quelques minutes, et le statu quo est rétabli à la fin (la star Gal Gadot se promène comme un mannequin dans une soirée, et les vrais nerds restent dans la camionnette). Tout ce bruit et tout ce fric pour en arriver là, et finir avec un sourire Colgate qui donne envie de couper son abonnement internet.

 

Agent stone : Affiche française

Résumé

Difficile de détester un film aussi insipide, inconséquent et inutile. La distraction est sûrement parfaite pour la page d'accueil de Netflix, et vu que c'est de toute évidence la seule raison d'être d'Agent Stone : bravo, mission accomplie.

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Lecteurs

(2.4)

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commentaires
Jujuhit
04/09/2023 à 05:26

Je viens de le finir à l'instant... mais que c'est nul, du vu et revu, il y en a marre de nous servir la même histoire.
Je ne suis pas contre le féminisme mais ça en devient insultant, l'overdose de tout se bien pensant quand notre société arrive au bout du bout.
Vraiment si une suite se profile je la boycotte comme le dernier mission impossible.

Charlieee
23/08/2023 à 08:05

La carrière de gal Gadot se résume à une bonne scène. Le dernier acte de Batman v Superman.
Le reste est si nul que même assez de champagne pour remplir le Nil ne suffirait pas à apprécier

Béaba
17/08/2023 à 18:54

Et je suis totalement d'accord avec Karev, Gal Gadot(?) est vraiment une arnaque...à tout point de vue!

Alixismoi
17/08/2023 à 13:52

Merci à netflix pour ce film.

Il m'a permis de passer pour un devin auprès des jeunes de ma famille en faisant croire que je pouvais prédire quasi toutes les scènes.
Bref film oubliable même mon ado m'a demander de l'arrêter à 20 minutes de la fin.

Raffinerie
16/08/2023 à 09:50

Je sais pas si c'est moi, mais je trouve que le thème musical du film ressemble étrangement à celui de miraculous ladybug. Quand on en est à pomper la musique d'un dessin animé pour enfant...

Wonder Wothey/them
14/08/2023 à 17:43

Mis à part le fait que c'était nul, vous aussi vous aviez une image dégueulasse ou c'est un soucis de réglages de ma TV ?

Trac
14/08/2023 à 11:33

Sûrement la pire bouse de l'année pour l'instant, mal filmé histoire écrite par une intelligence artificielle à tout les coups vu comment c'est bourré de clichés, effets spéciaux à vomir et en plus ça ce permet de voler mission impossible normal sans pitié... Des téléfilms à 200 millions de dollars qui font en sorte que le prix de l'abonnement va encore sûrement augmenter après le bilan annuel. Une gal gadot qui touche 20 millions alors qu'elle fait aucune cascade et enchaîne les bides c'est vraiment mystérieux

Leduk
13/08/2023 à 12:10

Mission impossible étant déjà nul a vomir, un sous mi semble promettre le pire.
Sinon certains commentaires touchent le fond...

Geoffrey Crété - Rédaction
13/08/2023 à 11:35

@GTB

"Pour rejoindre ce que dit yannick, même en ayant connaissance de la situation, du pourquoi les choses fonctionnent ainsi, quelqu'un devra bien faire quelque chose à un moment pour redresser la barre...ou alors il n'y a pas d'autres alternative à attendre l'implosion (pas si lointaine vu tous les signes depuis quelques années) de tout cela pour, peut-être, repartir dans une nouvelle voie."

Mon sentiment : ça ne pourra pas passer uniquement par "les médias". Sans même parler du fait qu'Ecran Large reste un petit média indépendant, qui n'a certainement pas du tout la "force" de se battre véritablement dans cette jungle, je pense que ça devra obligatoirement passer par un changement de comportement côté utilisateurs et utilisatrices (et je m'inclue dedans). D'ailleurs, quand j'ai commencé à parler de nos problématiques sur Twitter, j'ai vu et reçu quelques messages de collègues d'autres médias, parfois bien plus installés et "puissants", et qui subissent ces mêmes règles de Google.

Google est puissant parce que tout le monde utilise Google (encore une fois, je m'inclue). On a 55 articles sur les super-héros au quotidien parce qu'ils massivement lus. On a peu d'articles sur certains sujets parce que ça intéresse peu. Et comme je le disais, ça marche partout comme ça donc rien d'étonnant (par exemple : les films produits par les studios, les sujets traités aux JT...).

On arrive certainement à la toute fin d'une certaine idée de la "gratuité" sur internet. On va peut-être se retrouver avec des médias de qualité douteuse (écriture à la chaîne selon les trends de Google, création de contenu par ou avec l'aide d'IA) mais qui sont consommés massivement par un public qui veut lire de petits articles sur son téléphone et ne cherche rien de spécial vs des médias où il faudra payer, avec un public plus restreint mais engagé, qui paye et sait pourquoi il paye. Et de moins en moins de choses entre les deux, peut-être. Ce qui veut dire : une transition qui va faire mal, et va tuer des médias qui n'auront pas le soutien des lecteurs et lectrices (pourquoi payer pour lire des articles qui sont gratuits ailleurs / pourquoi payer pour ce média et pas un autre / comment payer si je n'ai pas les moyens / comment payer avec cette inflation infernale dans la vie de tous les jours).

Ecran Large est engagé dans une voie hybride, et l'état d'internet ne laisse que peu de choix.

En tout cas, à notre niveau, on ne peut pas vraiment dire qu'on redresse la barre, mais on essaie de défendre notre petite zone : oui, on parle beaucoup de l'actu (comme on l'a toujours fait) et on prend en compte les règles Google pour le faire de manière intelligence. Par exemple : avant on faisait 2 articles d'analyse de 15 000 signes, qui sont énormes, repoussent beaucoup de gens par leur longueur, et réduisent le nombre de chances de "choper" l'audience ; désormais, on fera 4 ou 5 articles de 5000 signes, pour découper l'analyse, maximiser le nombre de chances de "choper" l'audience Google.
Mais à côté de ça, on met toute notre énergie (ce qu'il en reste) pour parler d'autres cinémas, chaque mois. Oui, on pourrait faire mieux, et chaque mois on se lamente de ne pas avoir fait telle critique ou tel dossier. Depuis 2 ou 3 mois, on prépare des dossiers rétro sur Ferrara et Blly Wilder sans cesse repoussés pour des questions pragmatiques (priorité sur tel ou tel projet qui permet de maintenir les audiences et donc l'équipe). On sait qu'on veut faire plus, et mieux, et c'est ça qui nous motive à continuer et s'accrocher et ne pas compter les heures !

Anderton
12/08/2023 à 22:44

Netflix, et plus largement toutes les plates-formes de streaming, n'est pas très différent de nos chaînes de télévision à mon sens, qui proposent de tout... On se plaint du manque de qualité des œuvres des plates-formes de la même façon que l'on critique des Camping Paradis, Plus belle la vie, Josephine ange gardien, ou tous les soaps qui ont été diffusés sur TF1, France 2, etc. pendant des années, alors que ces mêmes chaînes ont produit des œuvres télé et ciné de qualité...
Bref, il en faut pour tout le monde, et quelques fois des séries ou films "simplistes" au succès assuré permettent de produire du contenu plus qualitatif pour un succès plus mitigé mais acceptable du fait de contreparties...

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