Kandahar : critique d'un Gerard Bulter somnolent sur Amazon

Gerarghanistan

On en pensera ce que l'on voudra, mais la trajectoire de Gerard Butler fait figure de cas à part au sein de l'industrie hollywoodienne. Promis à un destin de star de l'action au sortir d'un 300 qui commence à dater, l'acteur n'aura cessé depuis d'enchainer les déconvenues pour finalement se vautrer avec complaisance dans une franche bisseuse, mais pas toujours dénuée d'intérêt, comme en témoigne le Heat au rabais Criminal Squad ou encore la roue libre furieusement laide de Gods of Egypt.

Absent des têtes de gondoles d'Hollywood, forcé de financer lui-même une partie de la production de ses propres films, le vaillant Butler traîne derrière lui le paradoxe d'un Steven Seagal des temps modernes : paria pour les uns, garant d'une certaine qualité peu onéreuse, mais suffisamment jouissive pour les autres.

Buriné comme jamais

Kandahar marque la troisième collaboration entre Gerard et le réalisateur Ric Roman Waugh, après La chute du président et le très correct Greenland, le Dernier Refuge. Ex-cascadeur prolifique (à l'oeuvre dans Total Recall, True Romance ou Last Action Hero), le désormais cinéaste – bientôt à la tête de Cliffhanger 2 – embarque avec lui la promesse d'un travail d'artisan authentique à défaut d'être fondamentalement flamboyant.

Gerard contemplant sa carrière

Xanax Butler

Dans Kandahar, Gerard Butler incarne l'agent infiltré pour le compte de la CIA Tom Harris. À la suite d'un sabotage effectué en Iran, sa couverture est dévoilée, et Tom (accompagné de son interprète Mo) n'a plus qu'un seul espoir de regagner l'occident : traverser le désert jusqu'à la ville afghane de Kandahar, tout en repoussant à la fois les assauts des talibans et ceux des forces iraniennes.

Le tableau semblait dessiné d'avance : esseulé derrière les lignes ennemies et devenu la cible de multiples factions, ce brave Gerard, la mitrailleuse à la main et la larme à l'oeil, atteindrait sa zone d'extraction au prix de nombreux sacrifices et d'un héroïsme béat, sans omettre de semer la désolation au passage. Voilà pour les prévisions. Malheureusement, ce n'est absolument pas ce qui se passe.

On voulait que ça explose, et là vous discutez

Dès les premières minutes, Kandahar s'embourbe donc dans un labyrinthe de sous-intrigues diplomatiques nébuleuses d'une opacité narrative totale. Plus qu'un film d'action, le métrage de Waugh se voit en thriller politique complexe, sans jamais en avoir une moitié des épaules. Pêle-mêle, on notera les tribulations d'une journaliste emprisonnée, les dilemmes moraux d'un colonel à moustache et la peine d'un Gerard brisé par l'échec de son mariage (petite larme devant la scène de l'alliance) et de sa paternité.

Et l'action dans tout ça direz-vous ? Et bien on se demande toujours, après l'interminable heure d'exposition du film, si le fusil porté en bandoulière par notre héros aura finalement un quelconque intérêt. Au vu du résultat, peut-être aurait-il mieux fallu poser les armes.

Arrête ou Gerard va tirer

Au bout de l'ennui

Alors que la moitié du film est atteinte, les hostilités vont enfin pouvoir commencer. Bien mal nous en a pris, tant le résultat est inconséquent. Très loin des quelques pics picturaux de la carrière plutôt erratique de Waugh, Kandahar se révèle, au coeur de l'action, d'une platitude assez rare, flirtant régulièrement avec une surprenante incompétence. 

Armé d'un découpage réussissant l'exploit de mêler l'absence de prises de risques à l'illisibilité, le film se permet même l'emploi de choix esthétiques plus que discutables (à l'image d'une séquence de fusillade nocturne qui confine au fou rire) tout en faisant fièrement étalage de ses environnements génériques au possible. Au milieu du marasme, les gesticulations de Butler, toujours impliqué comme dans une course à l'oscar, ne nous tireront pas d'une bien trop longue léthargie.

Kandahar est disponible sur Amazon Prime Video depuis le 4 août 2023