Nimona : critique du Disney sauvé par Netflix

Déborah Lechner | 30 juin 2023 - MAJ : 30/06/2023 18:45
Déborah Lechner | 30 juin 2023 - MAJ : 30/06/2023 18:45

Après Klaus, Les Mitchell contre les machines, Wendell & Wild, Pinocchio et Le Monstre des mers, Netflix continue d'enrichir son catalogue d'animation avec Nimona, un autre long-métrage sauvé de la casse et réalisé par Nick Bruno et Troy Quane. Cette histoire d'amitié survitaminée entre un chevalier déchu et une métamorphe chaotique ne devrait avoir aucun mal à séduire les abonnés.

ORIGIN STORY

Avant de parler du film en lui-même, il est intéressant de revenir sur son développement et les raisons de son arrivée sur Netflix. Nimona est un long-métrage adapté d'un roman graphique de l'auteur ND Stevenson, dont les droits ont été acquis par Blue Sky (studio d'animation de la Fox) en 2015. Le projet d'adaptation était donc en préparation au moment du rachat de la 21st Century Fox, mais n'a pas continué sous la direction de Disney. 

 

 

Après avoir gelé un temps la production, Disney a annoncé en février 2021 la fermeture de Blue Sky, annulant au passage la sortie de Nimona prévue pour janvier 2022. Ce coup de massue aurait pu enterrer le film, mais en avril 2022, la société Annapurna a annoncé qu'elle allait relancer le projet, qui serait le premier de sa nouvelle division consacrée à l'animation (ironiquement supervisée par deux anciens cadres de Blue Sky).

 

Nimona : photoDisney, la personnification 

 

Le réalisateur Patrick Osborne a ainsi laissé place au duo Nick Bruno et Troy Quane, tandis que Netflix s'est associé au projet pour en assurer la distribution mondiale après sa projection au festival d'Annecy. C'est donc après un long périple que Nimona est désormais disponible sur la plateforme de streaming. Rien n'a été confirmé de la part des intéressés, mais il est facile d'imaginer que les thématiques LGBT du film ont quelque peu refroidi Disney qui marche sur des oeufs dès qu'il est question d'identité de genre ou d'orientations sexuelles.

On se rappelle qu'en mars 2022, certains employés de Pixar avaient écrit une lettre ouverte pour pointer du doigt l'hypocrisie de la firme et la censure dont certains projets plus inclusifs auraient été victimes. On se rappelle aussi que c'est après la publication de cette lettre ouverte que la compagnie a décidé de restaurer la scène du baiser entre Alisha Hawthorne et sa femme dans Buzz l'Éclair. Heureusement donc que Nimona a changé de bord

 

Nimona : photoMieux vaut tard sur Netflix que jamais sur Disney+

bouillon pop

Même si la structure du scénario reste classique, que le dénouement est prévisible et que plusieurs personnages restent malheureusement coincés dans leur rôle de sidekick, Nimona compense toutes ses facilités et faiblesses par l'euphorie et le dynamisme de son histoire, qu'on peut voir comme une sorte de fan fiction gay entre des ersatz d'Anakin Skywalker et Obi-Wan Kenobi. Plus généralement, l'univers puise dans plusieurs pans de la culture populaire, de Donjons et Dragons à Blade Runner en passant par Godzilla et Star Wars ; soit autant de références évidentes qui lui permettent de s'imposer comme un petit objet pop plutôt irrésistible

Cette générosité et cette efficacité sont également garanties par l'énergie inépuisable du doublage français (Lilly Caruso, Benjamin Penamaria, Guillaume Lebon, Juliette Degenne, Emmanuel Garijo, Alexis Tomassian et même Dorothée Pousséo pour un bref passage). Sans oublier le montage frénétique, l'animation hyperactive et les nombreuses idées de mise en scène, comme les reflets rouges ou orangés dans les yeux de Nimona qui accentuent sa folie destructrice.

 

Nimona : photoBaby Shark

 

En plus de la vivacité de leur gestuelle corporelle, les personnages sont très expressifs malgré leurs traits simplifiés et des dessins numériques en 2D stylisée qui n'ont pas toujours fait leurs preuves sur la plateforme ou ailleurs. L'humour provoque quant à lui plusieurs rires francs, qu'il passe par des gags visuels misant sur le slapstick ou des dialogues à double-sens particulièrement bien écrits et récités.

Même si le concept n'a plus rien d'original depuis les Shrek et autres Megamind, le film s'amuse aussi intelligemment avec les représentations clichées, à commencer par celle du héros qui porte sur lui tous les stigmates des grands méchants de fiction : armure noire, capuchon noir, bras bionique, barbiche et cicatrice à l'oeil. 

 

Nimona : photoLancez tout de suite ce film, il y a même un requin

 

LGBTIME

Nimona déborde d'humour et défile à un rythme effréné, mais il parvient à garder un bel équilibre en laissant l'émotion et la gravité s'installer dans plusieurs scènes, jusqu'au final particulièrement dramatique. A travers le rejet dont est victime Nimona et la mise en perspective de sa monstruosité, le film porte le message universel habituel sur la tolérance, le respect et l'ouverture à l'autre dans une autre belle célébration de la différence.

Pour autant, en articulant l'histoire autour d'une métamorphe qui réfute toute notion de "norme" et change de genre quand bon lui semble, le film parle aussi plus précisément de coming-out et de transphobie (l'auteur de la BD étant lui-même une personne transgenre). 

 

Nimona : photo"Je t'aimais Anakin Ballister"

 

Ces thématiques sont surtout traitées avec plus de courage et de naturel que dans n'importe quel Disney ou Dreamworks, qui progressent à pas de fourmis. La relation amoureuse entre les deux chevaliers est centrale dans le scénario, mais pas leur homosexualité qui est complètement banalisée et n'est donc pas pudiquement cachée sous trois couches d'ambiguïté et une frigidité émotionnelle gênante, comme dans le récent Avalonia. Le scénario les laisse au contraire être tendres et complices, dans leurs paroles comme leurs gestes, tout en leur donnant assez de consistance pour exister et fonctionner indépendamment l'un de l'autre. 

Finalement, ce long parcours de production a très certainement été bénéfique pour le film, qui serait probablement très différent – et surtout moins touchant – si Disney était resté attaché à la production. 

Nimona est disponible depuis le 30 juin 2023 sur Netflix

 

Nimona : affiche

Résumé

Nimona reste simple et un peu prévisible dans son déroulé comme son concept, mais peut compter sur son univers visuel foisonnant, ses thématiques bien traitées, son humour travaillé et ses bons sentiments qui laissent difficilement insensibles.

 

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commentaires
Dadou
15/08/2023 à 12:39

Très chouette moment auprès de Nimona,, le dessin est pop , l'animation fun , les persos attachants , l'histoire est simple comme dit , mais très touchante , je me suis plus attaché à Nimona qu'a Schrek (par exemple)

Je ne voyais pas d'intérêt a donner mon avis ... sauf quand je lis la première critique , qui au final ne parle pas vraiment du film mais de la présence de Gay partout tout le temps ( MAIS je ne suis pas homophobe ... ) oui ton avis fâche parce que ce n'est pas un avis sur UN film mais sur un soit disant phénomène de société ( selon toi ) ... Mec détend toi ça va bien se passer comme dirais Gérald ...

Navrant ...

Sassori
18/07/2023 à 05:50

En fait c’est pas tant le film qui est un souci c’est juste le fait que l’on nous force à regarder de contenu avec des gays. On en voit a toute les sauce, les pub les films, les séries et certaines émissions. Je ne dis pas qu’il faut pas de la mixité mais la nous balancer du LGBT à outrance comme si la télévision en générale se reprochait quelque chose.. J’aimerais bien regarder enfin une série sans gay pouvoir choisir quoi. Je suis pas homophobe mais à force on devient moins tolérant. Un peut de virilité dans ce monde aseptisé.
Je sais que mon commentaire va fâcher mais bon ça reste mon avis perso.
Il y a un effet général de ras le bol. Et ça on commence à le voir sur la toile.
Il faut continuer à avoir des films ou séries avec de la mixité mais pas de cette façon. Sur 10 séries au hasard sur Netflix il y en a 7 avec des gays donc trop à mon sens voila tout.

Winzo
16/07/2023 à 00:21

Et bien les amis je n'attendais rien de ce film et avec ma fille on a adoré.
Un peu de fraîcheur endiablée qui a par moment fait peur à la petite mais elle a adoré.

Moi j'ai trouvé la réalisation et l'image pas si mal. L'histoire est simple - elle s'adresse à des enfants en même temps - la relation entre le timide héros et cette nimona antihéros est plaisante tout le long et cette toute fin laisse un deuxième volet qu'on attend.

En critique, le couple de chevaliers qui me dérange un peu mais c'est soft sauf au moment du baiser mais bon, c'est une question d'ouverture d'esprit que je n'ai pas.
Néanmoins s'arrêter sur ce détail serait réducteur. Cet animé vaut vraiment le coup.

Je le conseille donc et vous souhaite un bon visionnage.

OuiCestVrai
12/07/2023 à 21:02

Film vraiment sympa, à l'histoire plutôt simple, une fois qu'on a intégré le thème général. Finalement, pour une fois, la "touche Netflix" (toujours plus de représentation de "minorités diverses") passe plutôt bien, tant elle est au cœur du scénario : c'est la peur qu'ont les gens de ce qui diffère d'eux qui entraîne les haines, les guerres, etc... alors qu'il serait tellement plus simple d'apprendre à s'apprécier et à ce connaître, en restant soi-même.

Certaines parties du film étaient vraiment excellentes, et l'animation est globalement très belle.

Quelques scènes ne sont pas indispensables, cependant l'ensemble est particulièrement dynamique notamment les scènes lorsque l'héroïne se transforme, et les combats associés.

444
07/07/2023 à 09:57

N'aimant pas du tout la culture w0ke, et ses théories souvent introduites au forceps dans le crâne des spectateurs, je dois avouer que ce film d'animation est vraiment bien amené. Très plaisant à regarder et à bien des égards émouvants. Un belle métaphore sur la différence qui doit pouvoir cohabiter normalement, sans autre revendication ou militantisme inutile. Les fanatiques de la théorie du genre devrait en prendre de la graine pour se faire accepter.
Malgré tout j'ai constaté quelques maladresses sur la narration et la dramaturgie.
// Spoilers \\
Du coup qui peut m'expliquer pourquoi la directrice a comploté cette histoire d'assassinat de la reine ?? A aucun moment ça n'est expliqué. Quelle est la finalité ? C'est quoi le but d'accuser Ballister ?

Totoro
03/07/2023 à 09:51

@rientintinchti2 si un dessin animé montrant 2 personnes de même sexe amoureuses l'une de l'autre te rend gay, c'est pas la faute du dessin animé hein, c'est que t'es gay :)
D'ailleurs à ce sujet, c'est bien la première fois que je trouve que ça ne fait pas forcé (combien de fois a-t-on pu voir un baiser entre 2 persos de même sexe qui arrive comme un cheveu sur la soupe, juste pour dire "vous avez vu ? ils sont gays!") et que ça apporte vraiment quelque chose à l'histoire! En tous cas avec ma fille de 8 ans nous avons adoré!

Stat
02/07/2023 à 23:37

@rientintin...
C'est sûr qu'après 2000 ans de propagande homophobe, ça fait tout bizarre, hein.

Ceux qui font encore semblant de croire qu'un film peut changer l'orientation sexuelle de qui que ce soit... renseignez-vous, c'est vraiment pas comme ça que ça fonctionne.
Par contre, il y a un réel risque que ça rende des gamins plus tolérants que vous. Et là, du coup, on comprend mieux pourquoi ça vous gêne.

Tricopull
02/07/2023 à 20:08

Hummmmm... .
Quels commentaires délicieux qui nous sont servis par des "masculinistes" frustrés et obtus.
Vraiment, quelle étroitesse d'esprit et quelle misère intellectuelle!
Qui peut encore croire que les enfants vont devenir gays si on leur montre des personnages LGBT+ cools et héroïques?
C'est gerbant!

Bleh
01/07/2023 à 11:18

Visuellement le trailer est très cool et prometteur, par contre l'humour qui se la joue ultra quirky/witty a l'air bien forcé, ça peut être vite fatiguant (et puis la blague finale avec le thumb up, oskour). J'espère que c'est juste le montage du trailer qui donne cette impression.

Tonto
01/07/2023 à 08:35

Quand on voit à quel point Buzz l'éclair et Avalonia ont été des bides, est-ce que c'est Disney ou le public qui est le plus frileux ?
Je pense pas que le fait que ces deux films aient des bides joue en faveur de l'inclusivité dans les Disney... Et en même temps, s'ils doivent perdre 100 ou 200 millions de dollars à chaque fois qu'ils parlent de trans ou d'homosexuels, je peux difficilement leur jeter la pierre d'être frileux sur la question, perso.

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