Peter Pan & Wendy : critique des enfants perdus de Disney+

Déborah Lechner | 2 mai 2023 - MAJ : 02/05/2023 17:33
Déborah Lechner | 2 mai 2023 - MAJ : 02/05/2023 17:33

Si Disney s'est appuyé sur de nombreux contes ou histoires pour ses classiques d'animation, la firme aux grandes oreilles les a largement réinventés pour donner vie à plusieurs univers, visuels et sonores, qui ont marqué l'imaginaire collectif. Aujourd'hui, comme une formule magique qui aurait viré au sortilège, la compagnie souille toute la richesse et la beauté des oeuvres qui ont fait sa renommée. La preuve encore avec Peter Pan & Wendy réalisé par David Lowery et sorti directement sur Disney+.

Tous à la file indienne ...

On s'était demandé où pouvait bien se cacher Guy Ritchie dans Aladdin et on avait cherché en vain Robert Zemeckis dans Pinocchio. Le nom de David Lowery à la réalisation de Peter Pan & Wendy n'était pas plus une promesse qu'un autre mensonge de la part de Disney. Cependant, le potentiel ne manquait pas (notre naïveté non plus). Le cinéaste a notamment fait ses preuves avec le très beau A Ghost Story et le fascinant The Green Knight, en plus d'avoir réalisé un des meilleurs remakes de Disney, le Peter et Elliott le Dragon de 2016.

 

Peter Pan & Wendy : photoUn peu de poussière de fée dans les yeux
 

Et même si la nouvelle adaptation de Peter Pan reléguée sur Disney+ avait tout d'une parenthèse commerciale et périphérique à sa filmographie, s'emparer de l'histoire du petit garçon qui ne voulait pas grandir était au contraire plutôt pertinent pour l'artiste. Qu'il s'agisse de quêtes de liberté, de marginaux, de grands mythes, de mélancolie, d'esprits perdus et tourmentés ou de personnages qui écrivent leur propre légende, les histoires de David Lowery (qui signe ou cosigne tous ses scénarios) ont plus d'un point commun avec le Peter Pan de J.M. Barrie.

À l'instar de Benh Zeitlin avec WendyDavid Lowery aurait donc pu apporter une plus-value à cette énième adaptation du roman original qui rejoint une liste tellement longue qu'elle a sa propre page Wikipedia. Peter Pan & Wendy n'est pourtant qu'un autre produit insipide de Disney où l'ombre de David Lowery est aussi fugace que celle de son protagoniste. 

 

Peter Pan & Wendy : photo, Evert Anderson, Ever Gabo AndersonWendy you stop ?

 

À LA RECHERCHE des filles PERDUES

Il faut pourtant reconnaître au film la volonté de ne pas décalquer paresseusement le chef-d'oeuvre de 1953. Si la séquence d'exposition dans la maison des Darling est, à peu de choses près, la même que dans le film d'animation, Peter Pan & Wendy se montre vite clair sur ses intentions, à savoir remettre Wendy au centre du récit. Sa peur de devenir une jeune femme et de partir à l'internat est ainsi posée dès le départ comme l'enjeu principal de l'histoire, tandis que sa personnalité s'avère moins effacée et son rôle moins passif. De fait, l'aînée campée par Ever Gabo Anderson ressemble davantage à sa fille Jane, plus intrépide et impertinente dans Peter Pan 2 (et le roman original). 

Ce traitement moins poussiéreux des personnages féminins s'applique aussi à Lily la Tigresse, qui mérite enfin son nom en s'extirpant du simple rôle de demoiselle en détresse, même si elle n'y gagne qu'un quart d'heure de gloire et quelques lignes de dialogue. Le scénario a cependant assaini les relations entre les personnages féminins, qui laissent de côté les crises de jalousie et crêpages de chignon dans l'espoir assez réducteur d'être la favorite de Peter.

 

Peter Pan & Wendy : photo, Alyssa WapanatâhkUn traitement plus respectueux, pas forcément intéressant
 

Mais même si l'entraide féminine est préférable à une mise en compétition rétrograde, il est regrettable que la Fée Clochette se résume désormais à un sourire béat sans personnalité. Elle n'a plus rien d'une petite dure à cuire boudeuse et colérique. 

Passé la moitié du film, celui-ci s'attèle à dégager de nouvelles pistes narratives pour humaniser Peter Pan et son ennemi Crochet, et souligner avec plus d'insistance la métaphore que chacun représente, en même temps que la tristesse sous-jacente de l'oeuvre. Dommage donc que l'exécution manque de finesse et se contente de resserrer leur lien en les entremêlant sommairement, tout en passant par l'étape obligatoire et bien pratique de l'origin story. Alors oui, ça change et l'histoire veut donner plus de profondeur et d'ambiguïté à ses figures de proue, mais ce n'est pas ça qui évite le naufrage. 

 

Peter Pan & Wendy : photo, Jude LawJude Law qui pense à sa carrière entre deux répliques surjouées

 

rêve que tu as des ailes, et PARS loin d'ici

Comme le criait déjà la bande-annonce, Peter Pan & Wendy est moche. On pourrait s'appliquer à trouver des termes plus précis, encore faudrait-il y voir quelque chose. En plus de la photographie sombre et morose, la direction artistique s'est elle aussi contentée d'en montrer le moins possible, le plus décevant étant le costume trop peu extravagant du Capitaine Crochet (qui reprend pourtant son caractère grandiloquent). Plus globalement, le Pays Imaginaire est devenu un lieu maussade qui ressemble à une côte irlandaise désolée un jour d'hiver. Et le fait de retirer toute la vie et la magie de ce lieu irréel n'a rien d'un parti-pris étant donné la tonalité enjouée et l'esprit malgré tout enfantin.

Il ne reste donc du Pays Imaginaire que quatre décors (dont une grotte sinistre), un croco géant numérique qui apparaît trois minutes montre en main (et ce n'est pas plus mal) et un quartier général là encore peu surprenant visuellement. De leur côté, les sirènes n'ont droit qu'à un plan de deux secondes, et la sortie prochaine du remake de La Petite Sirène n'y est peut-être pas pour rien, tandis que la tribu de Lily la Tigresse n'existe qu'à travers un seul plan large.

 

Peter Pan & Wendy : photoRêve ta vie en couleurs, parce que le film ne le fera pas pour toi 

Du fait de la suppression des Amérindiens de la trame narrative, Jean et Michel n'ont plus aucun moment sous les projecteurs. Les deux cadets sont juste là, et le scénario ne cherche même pas à les occuper. Il en va de même pour les "garçons" perdus qui ont une assez bonne dynamique de groupe (dans les quelques scènes où elle a le temps d'éclore), bien qu'aucun n'existe indépendamment des autres.

Dommage étant donné les bonnes bouilles qui composent la bande. Si le dernier acte tente de rectifier le tir en se montrant un peu plus généreux en action et spectacle, le fait que le film soit vidé de son charme et de tout émerveillement va de pair avec le rythme longuet qui ne prend jamais son envol. Rien n'est aventureux ou enchanteur, à l'image de cette scène de vol au-dessus de Londres, expédiée, plate et emballée dans des effets numériques bas de gamme, loin du moment suspendu magique du film original dont il n'arrive jamais à invoquer la nostalgie. De quoi perdre le maigre espoir qu'il restait pour les prochains Blanche-NeigeLa Petite SirèneLilo et Stich et Hercule – entre autres.

Peter Pan & Wendy est disponible sur Disney+ depuis le 28 avril 2023.

 

Peter Pan & Wendy : affiche officielle

Résumé

Peter Pan & Wendy est tout simplement raté, et on ne peut même pas dire que le film n'est ni fait ni à faire, car s'il reste profondément décevant, c'est aussi parce qu'il avait du potentiel.

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commentaires

03/05/2023 à 22:57

Au risque de paraître pour un vieux con, c est le langage féministe du film qui me dérange : l île des garçons perdus avec des filles cela n a choqué personne ? Et la baffe donnée à Peter par Wendy ? Cela aurait été l inverse on aurait accusé le film de faire l apologie du mâle dominant et sûrement des violences faites aux femmes. D ailleurs avez vous remarqué qu il y a désormais un message d avertissement au début des anciens dessins animés Disney prévenant que des messages racistes ou dégradant pour les femmes peuvent y apparaître ?

Disney rime avec moneyy
03/05/2023 à 10:00

Ce film existe pour deux raisons:
*remplir le catalogue de Disney+ avec du contenu
*faire du bad buzz (donc du buz) autour du changement de couleur de peau de certains personnages

Heureusement ce film sera oublié de tous, perdus dans les limbes du catalogue d'une énième plateforme de streaming d'ici à quelques semaines.

anka08
02/05/2023 à 23:37

Comment un mec qui a fait a Ghost Story et Thé Green Knight peut pondre une saucisse pareil ?

J’espère que l’argent de disney lui permettra au moins de produire son prochain film

brucetheshark
02/05/2023 à 22:45

Si j'ai des vrais problèmes avec l'adaptation et que les effets spéciaux (surtouts les incrustations) sont super laides (mais tout le monde sait que le savoir faire n'y est plus chez Disney). J'ai vraiment beaucoup apprécié la mise en scène, la direction artistique, les costumes et les décors... La photo aussi est très chouette... Le haut du panier de ces adaptations inutiles.

Maxime
02/05/2023 à 18:05

J’ai beaucoup aimé cette adaptation qui joue intelligemment le non remake du Disney contrairement aux autres productions . Cette adaptation a un vrai parti pris auquel on adhère ou pas et en ça on retrouve la touche du réalisateur qui ne livre pas une œuvre générique mais l’inscrit entièrement dans sa propre œuvre, il y’a cette mélancolie si distinctive , ce rapport particulier aux temps qui passent qui altèrent les relations. Tous ces éléments et plus encore le réalisateur les distillent avec finesse et intelligemment pour qu’il soient perceptibles par un jeune public. Alors oui la magie féerique imaginer par Disney n’est pas présente, les costumes ne sont pas criant de couleur et alors ? Ce n’est jamais un problème tant le réalisateur y met sa propre personnalité dans ce neverland, il en fait un lieu commun, accessible comme pour nous dire que la magie peut être présente dans nos vies sans pour autant être ostentatoire, la magie n’est pas forcément là où on l’attend elle peut être fugace, comme l’est l’enfance. Je félicite la prise de risque de Disney d’avoir offert cette liberté au réalisateur au lieu de nous vendre un remake live générique qui aurait eu sans aucun doute une mauvaise critique de votre part

Cidjay
02/05/2023 à 17:23

"Le scénario a cependant assaini les relations entre les personnages féminins, qui laissent de côté les crises de jalousie et crêpages de chignon dans l'espoir assez réducteur d'être la favorite de Peter."

C'est un gros chamboulement pour Disney, ça voudrait dire qu'ils n'ont pas sciemment cherché à rendre "gay" leurs personnages comme dans quasiment toutes leurs récentes productions.
m'enfin, on parle "d'enfants" "perdus"... ça peut expliquer bien des choses.

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