Empire of Light : critique spectrale

Alexandre Janowiak | 1 mars 2023 - MAJ : 01/03/2023 11:30
Alexandre Janowiak | 1 mars 2023 - MAJ : 01/03/2023 11:30

Dans la lignée de ses nombreux pairs (de Tarantino à Fincher en passant par Spielberg ou Chazelle plus récemment), Sam Mendes se lance dans la nouvelle mode hollywoodienne avec un film sur le cinéma et sa puissance dans Empire of Light. Cependant, son exercice nostalgique émouvant est avant tout le moyen de s'enfoncer dans un drame intimiste au coeur du Royaume-Uni des années Thatcher avec Olivia ColmanMicheal Ward ou encore Colin Firth. Et ce n'est pas forcément pour le meilleur.

trouver la lumière dans l'obscurité

Depuis la fin de son périple bondien avec Skyfall et SpectreSam Mendes a décidé de compléter son rôle de réalisateur avec celui de scénariste. S'il était accompagné de Krysty Wilson-Cairns sur le film de guerre 1917, il s'est chargé en solo de l'écriture d'Empire of Light. Une nouvelle casquette qui permet au réalisateur de raconter des histoires plus personnelles. Ainsi, 1917 rendait hommage au parcours de son grand-père, vétéran de la Première Guerre mondiale, quand Empire of Light se fait le miroir de sa mère en suivant une femme souffrant d'une maladie mentale.

Une manière pour le réalisateur d'explorer son passé tout en usant de la puissance du cinéma pour insuffler à son histoire plus que ses simples souvenirs. C'est sans doute ce qui donne autant de matière à son neuvième long-métrage et ce qui, tristement, l'enlise dans un trop-plein mélodramatique.

 

Empire of Light : photo Olivia Colman, Micheal WardLa formidable exploration d'un monde perdu

 

La mise en place d'Empire of Light est pourtant particulièrement séduisante. Accompagné des douces notes de musique du duo Reznor-Ross, le spectateur est plongé dans les entrailles de l'Empire. Un vieux cinéma britannique en bord de mer, quasi-relique d'un monde perdu, qu'Hilary (sublimement incarnée par Olivia Colman) vient ouvrir et nettoyer chaque matin pour laisser la chaleur humaine pénétrer ses murs en décrépitude et s'émerveiller devant Les Blues Brothers ou Que le spectacle commence.

À l'heure où le cinéma se remet grandement en question sur son pouvoir d'attraction face à l'essor des plateformes, Sam Mendes filme donc cette gloire passée avec une délicatesse désarmante. Avec nostalgie, il se remémore la ferveur qui se dégageait de ce genre de cinéma composé de plusieurs salles et même d'une salle de bal, abritant désormais la poussière et les oiseaux de passage. Et quoi de plus beau et important pour un cinéaste craignant la disparition de son medium que de raconter sa puissance discrète et vivifiante (surtout si c'est pour évoquer le chef-d'oeuvre méconnu qu'est Bienvenue Mister Chance).

 

Empire of Light : Photo Olivia ColmanCinéma²

 

les salles de la perdition

Empire of Light se présente alors comme une énième lettre d'amour au 7e art dans son premier tiers. Au fur et à mesure, Sam Mendes tentera même d'imprégner l'idée que l'expérience de la salle est cathartique, aussi bien individuellement que collectivement, permettant de régler tous les maux du monde (et notamment ceux de ses personnages). Toutefois, le regard porté par le Britannique sur le cinéma n'est finalement qu'une intrigue parmi les multiples autres composant le scénario.

Car le long-métrage n'est pas uniquement un hommage à un cinéma en voie de disparition. Au contraire, il se veut aussi le portrait plus ou moins global d'une époque. En situant son récit en 1980, Sam Mendes raconte ainsi la violente colère d'une frange de la population meurtrie par la politique libérale de Margaret Thatcher, tout en évoquant, in extenso, le racisme ambiant subi par le personnage de Stephen (Micheal Ward). Et au milieu de ce tableau, le récit accumule les enjeux dramatiques : une romance entre Hilary et Stephen, l'abus de pouvoir du patron de cinéma joué par Colin Firth, la solitude du projectionniste incarné par Toby Jones et bien évidemment la maladie mentale de son héroïne.

 

Empire of Light : photoTrop de personnages et trop de sujets pour trop peu d'harmonie

 

Sauf qu'à trop vouloir en faire, Sam Mendes se perd et finit par ennuyer. Indiscutablement, sa mise en scène est toujours d'une efficacité redoutable, sa caméra captant un sentiment en seulement quelques plans, l'urgence d'une situation en un mouvement, la beauté d'une pièce en une lumière (énorme travail de Roger Deakins comme toujours). En revanche, son inexpérience de l'écriture se ressent profondément tant il effleure tous ces sujets sans prendre le temps de s'y attarder.

Et sur 1h54, l'ensemble en prend un sacré coup. S'il est régulièrement superficiel et enfantin – prônant la gentillesse plutôt que la haine, la compassion plutôt que le mépris –, Empire of Light est même souvent à côté de la plaque, son récit étant incapable de connecter ses thèmes. Tout se confond alors en permanence dans un fourre-tout artificiel où aucun élément ne parvient à rentrer en harmonie. En résulte une oeuvre indéniablement sincère sur la magie du cinéma et de l'amour, mais bien trop bancal pour en transmettre une once de féérie et d'émotion.

 

Empire of Light : Affiche française

Résumé

Portrait d'époque, romance impossible, lettre d'amour au cinéma, drame social... Empire of Light s'emmêle les pinceaux dans un trop-plein d'idées confuses, malgré la puissante prestation d'Olivia Colman.

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commentaires
gb
02/12/2023 à 11:56

critique prétentieuse aussi bien qu'inutile. Laissez nous aprécier ou pas par nous même le cinéma

Marc et le Cinèma
07/03/2023 à 22:13

Après le flamboyant BABYLONE l'histoire du passage de Cinéma muet au Cinéma parlant , The Fabelmans un film plus intimiste de Steven Spielberg qui nous parle de sa jeunesse au premier film la première Caméra sa rencontre avec un géant du Cinéma John Ford . Empire of Light l'histoire de Hilary qui travaille dans le Cinéma EMPIRE en 1981 sa vie est bouleversé par sa rencontre avec Steven. Trois films qui autour du Cinéma des acteurs des réalisateurs et des employés se retrouvent dans une salle de Cinéma une lumière illumine l'écran le film commence.

Adélaïde
07/03/2023 à 12:23

Je joins ma voix aux avis déjà publiés en réponse à la critique d'Alexandre!....
Les thèmes abordés ne sont-ils pas à l'image de la vie.....foisonnants
Film prenant qui a laissé toute une salle scotchée et silencieuse jusqu'à la fin du générique...

Dario 2 Palma
05/03/2023 à 12:35

Je rejoins les avis de Miss M et PTIBRETON, j'ai trouvé cet EMPIRE OF LIGHT" largement plus convaincant, touchant et fin que le plat, mièvre et hollywoodien THE FABELMANS. La narration est certes un peu flottante avec les divers sujets évoqués mais les acteurs sont superbes, les personnages tous attachants et la description du milieu et de l'époque est très belle. Un beau film en demi-teinte, à voir.

Eddie Felson
01/03/2023 à 23:51

@toinumero2
Vois ces films avant de les critiquer!
Et, au fait, c’est quoi pour toi “”un grand film?””…..

Moi numero 2
01/03/2023 à 20:02

A qui le tour ? Tarantino , Spielberg ,Chazelle et maintenant Mendez. C'est pas ça qui me fera aller au cinema. Faites nous plutôt des films , des grands. On s'en fout de vous regarder vous regarder le nombril. La , le cinema est bien mort.

PTIBRETON
01/03/2023 à 14:33

Tout pareil que Miss M. Un film magnifique qui m'a totalement imprégné, j'ai rarement ressenti ça et pourtant j'en mange des films. J'ai par ailleurs beaucoup aimé les parallèles entre les personnages principaux et les idées du films (l'oiseau blessé, l'effet phi). Je trouve donc forcément la note d'Alexandre injuste mais bien sûr à chacun son avis! Pour ma part c'est un 5 étoiles direct (note du coeur évidemment).

Miss M
01/03/2023 à 12:03

Beau, très beau, poétique à souhait... et cette photographie.... Vraiment un beau moment de cinéma. Il a certe quelques faiblesses, mais elles sont (à mes yeux) bien largement compensées par l'envol que cela procure...

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