Avalonia, l'étrange voyage : critique au fond du trou sur Disney+

Déborah Lechner | 23 décembre 2022 - MAJ : 17/01/2023 16:55
Déborah Lechner | 23 décembre 2022 - MAJ : 17/01/2023 16:55

Un mois après sa sortie en salles aux États-Unis, le film d'animation Avalonia, l'étrange voyage de Disney est finalement disponible en France... sur Disney+. Après les résultats décevants d'Encanto – la Fantastique Famille Madrigal, le sacrifice d'Alerte rouge et le crash de Buzz l'Éclair du côté de Pixar, la firme aux grandes oreilles continue de brader son catalogue animé avec une nouvelle production au mieux anecdotique, au pire ratée. 

DES RACINES, mais pas D'AILES

Tout ne va pas bien chez Disney et Avalonia, l'étrange voyage n'a malheureusement rien du petit miracle de Noël à même de renverser la vapeur. S'il a été privé de salles en France, le film est sorti sur grand écran aux États-Unis, durant le week-end prolongé de Thanksgiving, mais s'est ramassé au box-office après un démarrage bien en deçà des attentes avec seulement 18 millions de dollars et environ 34 millions encaissés à domicile au moment où ces lignes sont écrites. 

Mais après visionnage, force est de constater que le public a des raisons de le bouder ou d'attendre sa sortie sans frais supplémentaires sur Disney+.

 

Strange World : photoQuelque part entre Avatar et Chasseurs de dragons 

 

Les films d'aventures et d'exploration n'ont jamais été une garantie de succès pour Disney et les flops de La Planète aux trésors, de L'Atlantide, l'empire perdu ou Raya et le dernier dragon peuvent en attester. Cependant, à défaut d'être originale, la promesse d'une grande aventure entre fantastique et science-fiction était attirante, quand bien même le monde d'Avalonia ressemble à un Pandora remodelé sur SketchUp, avec sa flore luminescente et sa faune d'inspiration préhistorique qui doit autant à James Cameron qu'à Jules Verne. 

Le film étale ses influences et n'est pas d'une inventité visuelle folle – l'espèce de mascotte bleue informe pour preuve –, mais Disney a encore voulu en mettre plein les yeux et avec un budget estimé entre 130 et 180 millions de dollars, le studio en avait largement les moyens. Ainsi, les couleurs sont toujours aussi chatoyantes et les textures toujours aussi réalistes (des vêtements à la tôle des vaisseaux en passant par les poils de barbe), tandis que l'animation n'a rien perdu de sa fluidité et les personnages de leur expressivité.

 

Strange World : photoOn dirait les trucs gluants qui se collent à la fenêtre

 

voyage au centre de l'atterré

En revanche, pour un film d'aventure, la réalisation de Don Hall (Les Nouveaux Héros, Vaiana, Raya)  reste étonnamment statique, voire apathique. Celle-ci cherche trop rarement à dynamiser les séquences d'action, qui s'enchaînent sans fougue ni énergie, comme on enfilerait machinalement des perles sur un fil de pêche. De fait, le long-métrage manque de rythme et ne devrait pas survivre longtemps dans les mémoires. Le récit ne parvient jamais à prendre son envol, à donner un souffle épique à cet étrange voyage ou à accentuer les dangers que croisent les Clade. À l'inverse, le film aurait mérité plus de scènes contemplatives pour pousser l'immersion et tout simplement laisser le public profiter de l'univers entre deux gags tièdes.

Si le scénario passe par tous les recoins du centre d'Avalonia, la surface est à peine cartographiée ou explorée. Le fonctionnement et l'histoire de ce monde fictif, tout comme les gens qui le peuplent ou les paysages qui le traversent sont expédiés en deux phrases dans une courte séquence d'introduction et d'exposition encore plus paresseuse et mécanique que celle de Raya. En plus d'être une tournure scénaristique rongée jusqu'à l'os (et encore, pas de babiole magique cette fois), le fait de devoir sauver la principale ressource énergétique d'Avalonia manque donc d'attrait, le lieu à sauver étant trop abstrait et morcelé pour que le public s'en préoccupe.

 

Avalonia, l'étrange voyage : photoMême réaction que le chien 

 

mayday

En plus de ses problèmes de rythme et son univers à trous (littéralement), Avalonia, l'étrange voyage est en déficit d'émotion alors même que l'histoire se prêtait à quelques larmes. Celle-ci s'articule autour d'une famille dysfonctionnelle étalée sur plusieurs générations et dresse le portrait de trois hommes qui renvoient à différentes facettes de la masculinité, le fils étant pris entre deux figures paternelles, deux héritages et philosophie opposés.

Le déroulé très programmatique de la première partie, le ventre mou prévisible et la fin précipitée saccagent la portée émotionnelle du récit, tout comme la narration qui se permet d'interrompre brutalement les retrouvailles entre Searcher et son père. Le récit ne parvient pas à se relever de cette occasion manquée, même s'il rabiboche ensuite tout le monde dans un effort de dramaturgie. Le court-métrage La Luna a d'ailleurs exploité cette même problématique en seulement six minutes avec de la douceur, de la poésie et de la poussière d'étoile dans les yeux. Soit tout ce qui manque à Avalonia

 

Avalonia, l'étrange voyage : photoLes monteurs en post-prod

C'est d'autant plus dommage qu'au-delà de toutes les redites, Avalonia avait du neuf à offrir, à commencer par son inclusivité (qui rappelons-le n'est pas un gros mot, encore moins une arme pointée sur les enfants). Ethan est ainsi le premier héros de Disney et Pixar ouvertement homosexuel, du moins dans un long-métrage. Mieux encore : son homosexualité est connue et acceptée de tous.

Ce n'est pas elle qui sème la discorde dans la famille, et ce n'est ni un enjeu scénaristique ni un difficulté à surmonter pour l'adolescent. L'obstacle qu'il doit dépasser est plutôt sa maladresse et sa timidité qui l'empêchent de parler à Diazo, le garçon qui lui plait. Après un point de départ aussi encourageant, il est donc crispant que l'épilogue fasse l'impasse sur la déclaration d'amour attendue et se montre aussi pudique sur les sentiments et la relation amoureuse d'Ethan et Diazo

 

Avalonia, l'étrange voyage : photoPersonnages de fonction 

Sans forcément crier à la censure ou l'opportunisme, il est naturel de se demander si un couple hétérosexuel aurait eu un même traitement en surface ou si le film aurait déballé le traditionnel bisou qui n'a jamais effrayé le studio auparavant, et fait parti d'un schéma narratif bien ancré. Mais le pire est probablement le manque d'attachement envers Ethan, qui souffre de la même pathologie que le reste de sa famille : le manque de caractérisation. Plus globalement, tous les personnages ont une personnalité embryonnaire qui se contente d'un ou deux traits de caractère, et les plus secondaires ne sont là que pour remplir le cadre. 

L'homosexualité n'est cependant pas au coeur de l'intrigue. Il s'agit plutôt de l'écologie, qu'ont déjà traitée Disney et Pixar, mais de façon plus sporadique. Cette fois-ci, le message se veut plus frontal encore que dans Vaiana, la légende du bout du monde et plus poétique et imagé que dans Wall-E, même si la révélation sur la nature d'Avalonia arrive trop tard, bien après que l'ennui et le désintérêt ait remplacé l'excitation et l'aventure. Le traitement de cette thématique devrait également souffrir de la comparaison inévitable avec Avatar 2 : La Voie de l'eau (qu'on peut au moins aller en voir salles, lui). 

Avalonia rappelle donc que les bonnes intentions ne font pas forcément les bons films et avec autant de lacunes, c'est à se demander s'il n'est pas le résultat d'une production et/ou postproduction houleuse. Étant donné la promotion très timide et le face-à-face avec Avatar 2, même Disney ne semblait pas croire à son film ou son importance, et c'est bien le plus triste dans l'histoire. 

Avalonia, l'étrange voyage est disponible sur Disney+ depuis le 23 décembre 2022

 

Avalonia, l'étrange voyage : Affiche française

Résumé

Avec son message sur la protection de l'environnement moins prégnant chez Disney et sa marge de progrès en termes d'inclusivité, Avalonia, l'étrange voyage était LE le long-métrage que le studio ne devait ni brader ni bâcler. Au final, toutes les bonnes intentions se perdent au cours d'une aventure paresseuse et mal racontée.

Autre avis Antoine Desrues
A vouloir recycler n'importe comment des structures narratives et des inspirations archétypales du récit d'aventure et de SF, Avalonia ne fait que précipiter un grand fourre-tout mécanique et rarement touchant. Il sera assez fascinant de plonger dans les coulisses de cet étonnant ratage quand les fins de NDA le permettront.
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commentaires
Flo
08/05/2023 à 20:38

Encore une variation disneyienne, mais qui est peut-être allée trop loin cette fois ci.
Pourtant les échecs de « Atlantide, l’empire perdu » et de « La Planète au trésor » auraient dû les mettre en garde. Ce que la contre-performance de « Ant-Man : Quantumania » aura confirmé – là où la marque Cameron/Avatar avait suffisamment de sécurité pour cartonner : faire un film d’aventures Pulp et d’exploration dans d’autres mondes, ça doit se vendre largement au préalable. Car le public moderne ne connaît plus ça, on dirait que c’est vraiment d’une époque complétement passée. Surtout quand on ose l’illustrer avec des designs pas du tout doux, ayant réellement l’air exotiques, et pas juste une extrapolation de ce qui existe déjà sur Terre.

Pas facile quand ce même Disney utilise un concept environnemental qui aurait fait un parfait troisième acte… Mais qui, montré dès le premier, est très vite grillé tellement il est ultra reconnaissable (surtout quand on connaît l’identité du comédien jouant le patriarche).
Même la révélation finale de l’extérieur de cet endroit n’est pas bien originale, traitée dans beaucoup de cultures. Et que cette Avalonia a une allure très américaine, sans que l’on ne puisse comprendre comment toutes ces personnes (et toutes ces ethnies) ont pu arriver dans cet endroit.

Autre point de gêne, mais par rapport aux habitudes disneyienne cette fois, c’est le fait qu’on ait un trio générationnel de héros masculins – après avoir eu tant de filles.
Le traitement de ces individus à gros nez (!) reste pourtant intéressant, opposant une masculinité d’antan très virile et écrasante, mais en fin de compte pas si mauvaise que ça…
À une masculinité identifiée comme plus « acceptable » parce-que ouverte, responsable, écolo… mais en fin de compte, pas si clairvoyante que ça.
Et une troisième, qui fait la synthèse – et met ses aînés face à leurs limites, jusqu’à commenter métaphoriquement le refus actuel de mettre un Vrai antagoniste dans un Disney.

Moyen et pas transcendantal, mais pas dénué d’intérêt non plus.

epic7448
26/03/2023 à 15:06

et bah le chat potée 2 fait pas un pois sur ce film la

Booby
06/02/2023 à 09:57

Disney n’est plus… essayer par tous les moyens de banaliser l’homosexualité dans la tête de nos enfants… ce film est un support de plus pour ettayer votre vision perverse de l’acceptation du monde qui nous entoure.

Dice
21/01/2023 à 00:10

Autant chaque élément mis en avant dans le film, l'inclusivité, l'acceptation des différences, comprendre que la terre est un écosystème dans lequel l'humain doit s'intégrer, sortir des carcans des genres, les sexualités non héteronormé... On peut être d'accord avec tous ces sujets.
Je le suis personnellement.
Sauf qu'au delà de ça il y a rien.

Le film est impeccable dans sa conception, mais il a aucune âme.

C'est un produit qui déroule un cahier des charges.

Et de nos jours trop de production sont comme ça.
Elles ont pleins de trucs à dire, mais rien à raconter.

Zerato
07/01/2023 à 19:36

Un très joli film Disney et une belle histoire, dommage que l'histoire d'amour du premier héros gay Disney n'ai pas été plus développée

Gérard
05/01/2023 à 16:29

@Déborah L'analyse est juste et pointue, exactement ce que j'ai ressenti et je partage complètement votre point de vue. Y compris, même si je n'ai rien contre, l'inutilité de forcer un personnage gay, juste pour dire, "on a fait un personnage gay". Ca n'apporte rien à l'histoire, on n'arrive pas à s'attacher suffisamment à Ethan pour prendre parti. Diazo est hélas une caricature de l'homosexuel à la mèche décolorée et aux habits décalés. Et le grand-père, personnage dont je suis plutôt fan, qui donne des conseils de relations humaines alors qu'il a abandonné sa famille, c'était grotesque.

Tout le monde trouve qu'Avalonia met en avant la famille, mais au contraire, j'ai l'impression que toute la famille Clade s'en fout. Le fils s'est barré dès qu'il l'a pu. Le grand-père n'a jamais rien fait pour sortir, il a tout essayé pour "passer de l'autre côté", jamais pour revenir, quitte à abandonner son fils, sa femme, ses amis... pendant 25 ans et il avait même pas prévu de revenir.
C'est tout le contraire que je ressens : Que la famille ne sert à rien, qu'on vit très bien en reniant sa famille pour affirmer ses choix. Stitch ne serait pas du tout d'accord avec leur concept de famille !!

Visuellement le film est très beau, et le choix des couleurs et des textures très réussi. L'animation est très bien réussie aussi, ainsi que le mouvement des poils et des cheveux. Tout ça, techniquement rien à dire. Mais ce n'est évidemment pas suffisant. Wall-E n'a pas de poils et pourtant est émouvant. La technique ne fait pas tout. Pour Wall-E, on défend sa cause.
Dans Avalonia, à part une petite résistance de la part du commando qui veut encore défendre la plante source d'énergie, et les macrophages, qui sont dénués de personnalité (ils ne sont là que pour tout péter), il n'y a pas réellement d'enjeu, pas de "méchant" qui s'oppose à nos héros et à leur mission.
Comme il n'y a pas de camp, on ne fait que subir le film. Et c'est à mon sens, la principale raison pour laquelle il ne laissera aucun souvenir, ni marque de son passage...

Wolfman_John
02/01/2023 à 11:25

Dommage, la première bande-annonce m'avait quand même bien intriguée.

Eusebio
31/12/2022 à 22:35

Ca y est, du coup je l'ai vu :)
Bon, pas extraordinaire en effet... Sympathique, mais sans plus. Même sensation que devant l'Eclair, l'impression de vouloir bien faire, mais de ne pas se donner les moyens d'aller au bout des idées. On embarque dans un monde complètement nouveau, avec plein de possibilités... et voilà. Pas un mauvais moment, mais que j'aurai clairement oublié très vite.
Il a en tout cas au moins le mérite d'être beaucoup moins crispant qu'Encanto, qui m'avait vraiment torturé les oreilles et qui avait détruit ce qui reste de mon âme d'enfant :D

GD
29/12/2022 à 22:59

Incroyable ces critiques. Je n'ai pas du voir le même non plus. C'est magnifique, il y a de l'action et l'idée est originale. Très bon moment. Un des meilleurs pour moi depuis quelques années.

A fuir
28/12/2022 à 21:26

C'est une honte, histoire débile, c'est moche c'est pourri, on s'emmerde un bout de 30 minutes on a tous décroché, on fait référence à une relation gay c'est un scandale ça devrait être interdit

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