Sous emprise : critique en apnée du sommeil sur Netflix

Clément Costa | 13 septembre 2022
Clément Costa | 13 septembre 2022

Petit événement du moment, Sous emprise réalisé par David Rosenthal occupe une place de choix parmi les films les plus regardés sur Netflix depuis sa sortie le 9 septembre 2022. Le film met en scène Camille Rowe et Sofiane Zermani au cœur d’une romance toxique, sur fond d’apnée No-limit. Suffisant pour nous couper le souffle ?

Ce rêve bleu

Il y avait plusieurs raisons d’espérer une bonne surprise avec Sous emprise. La première étant évidemment le fait que le film s’inspire d’une histoire vraie aussi tragique que passionnante. En effet, il s’agit d’un hommage assumé à l’apnéiste Audrey Mestre. Un fait divers dont l’adaptation devait être confiée à James Cameron à une époque, pour un film biographique intitulé The Dive.

Bien évidemment, on n’attendait pas du réalisateur David Rosenthal (coupable du remake de L’échelle de Jacob) qu’il soit à la hauteur d’un Cameron. Cependant, le sujet a un immense potentiel dramatique. D’autant que le film peut compter sur Camille Rowe, habituée aux aventures aquatiques depuis The Deep House. L’actrice trouve enfin un rôle de premier plan qu’elle mérite amplement et fait de son mieux pour incarner une héroïne à la fois fragile et déterminée.

 

Sous emprise : Photo Camille RoweQuand ton film ne te mérite pas

 

Ce qui frappe en premier lieu lorsqu’on découvre Sous emprise, c’est la beauté des images. Collaborateur régulier de Jean-Pierre Jeunet, le directeur de la photographie Thomas Hardmeier fait un travail admirable. Non seulement il parvient à capter toute la beauté des paysages, mais son traitement de la lumière, des jeux d’ombres et des séquences aquatiques force le respect.

Malheureusement, cette réussite technique est atténuée par la superficialité de la mise en scène. Sous emprise est une jolie coquille vide, reproduisant un maniérisme esthétique digne d’une publicité pour parfum. Les plans ont beau être soigneusement travaillés, ils ne sont jamais vecteurs de narration. Aucun propos symbolique, aucune pertinence liée à l’évolution psychologique des personnages, dans ce film rien ne se raconte par l’image.

 

Sous emprise : Photo Sofiane Zermani, Camille RoweL'évidence est devant vous

 

Fianso in shape

Le problème majeur du film, c’est son écriture calamiteuse à tous les niveaux. On pourrait largement consacrer une critique complète à énumérer chaque dialogue gênant, artificiel ou tout simplement raté. L’humour ne fonctionne pas (difficile de se remettre du jeu de mots "Prison Grec"), les dialogues nous noient sous de l’exposition forcée pour tenter désespérément de caractériser les personnages.

Mais le pire reste probablement la pseudo-philosophie de sport extrême qui nous offre des pépites comme "Dans la vie, il y a ceux qui bronzent et ceux qui ont rendez-vous avec le soleil". Sous emprise se rêve peut-être inspirant et spirituel comme Point Break mais finit par ressembler à une story d’influenceur fitness.

 

Sous emprise : Photo Sofiane ZermaniRien à foutre de ton petit cœur brisé

 

Pour ne rien arranger aux dialogues risibles, l’écriture des personnages ne relève pas le niveau. Incapable de leur donner la moindre consistance, David Rosenthal en fait de simples fonctions : l’héroïne tourmentée au passé difficile, le coach et amant dangereux, la mère éplorée, le meilleur ami sensible, etc.. Faute de personnage à incarner, une bonne partie du casting passe logiquement à côté du film. En tête de liste, Sofiane Zermani alias Fianso, dont le cabotinage devient presque divertissant.

Mais au-delà de son absence de profondeur, le scénario de David Rosenthal ne traite même pas son sujet de base. Il faut attendre les 20 dernières minutes du film pour avoir enfin droit à une séquence qui nous fasse vivre une vraie plongée. Toutes les autres compétitions sont filmées de l’extérieur, sans jamais recréer le moindre danger – ce qui semblait pourtant évident en s’attaquant à un sport extrême de ce genre. On traverse péniblement 1h40 de scènes alignées aléatoirement pour avoir enfin droit à quelque chose de décemment efficace.

 

Sous emprise : Photo Sofiane Zermani, Camille RoweVous aussi vous attendez que ça se finisse ?

 

BIG BUG

Comme souvent avec les sorties Netflix, on quitte Sous emprise avec ce sentiment désagréable d’avoir enduré un produit taillé sur-mesure pour l’algorithme de la plateforme. Le film est vendu comme étant une romance sulfureuse. Mais à ce niveau là de pudeur et de non-érotisme, on prendrait 50 nuances de Grey pour chef-d’œuvre subversif.

Rosenthal semble ne pas avoir compris qu’il ne suffit pas d’ajouter aléatoirement trois scènes de sexe dans son long-métrage pour créer une alchimie torride entre ses personnages. À aucun moment ce couple ne semble crédible. La toute première scène de sexe, qui intervient sans le moindre indice de complicité ni même de désir, illustre parfaitement à quel point cet érotisme jamais charnel a été pensé pour affoler le consommateur Netflix lambda capable d’être émoustillé par 365 jours.

 

Sous emprise : Photo Sofiane Zermani, Camille RoweUn couple torride (non)

 

Autre thématique censée attirer les regards, Sous emprise décide après quasiment une heure de récit sans enjeu de basculer vers un portrait d’homme toxique. Là encore, il y avait théoriquement de quoi faire quelque chose de passionnant. On peut penser à la complexité fascinante du très beau Slalom de Charlène Favier, qui plongeait dans les méandres d’une relation malsaine entre un coach et une jeune sportive.

Malheureusement, David Rosenthal n’a jamais la finesse nécessaire pour apporter un regard intéressant sur la question. Cette toxicité est à l’image de tout le reste : superficielle. Il ne s’agit que d’une case cochée pour tenter de rendre le film plus pertinent, en phase avec son époque. Sous emprise restera une occasion manquée qui aura pour seul effet de nous faire réévaluer Le Grand Bleu. Définitivement insuffisant pour nous couper le souffle.

Sous emprise est disponible sur Netflix depuis le 9 septembre 2022.

 

Sous emprise : affiche

Résumé

Superficiel, incapable de raconter une histoire naturellement captivante, Sous emprise est un échec total. On sauvera tout de même de jolies images et une Camille Rowe qui fait de son mieux pour tenir la barque avec un personnage si mal écrit. Un faux phénomène Netflix que l'on oubliera aussitôt qu'il aura quitté la catégorie tendance.

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commentaires
Mp
01/10/2022 à 17:32

D accord avec votre critique, seuls les paysages sont magnifiques, je n ai même pas regardé jusqu'au bout,
Le pire c est que Patrick Cohen et l équipe de ça à vous parlent d un très bon film !!

Bigsebowsky
18/09/2022 à 20:57

Écœurant, rien à voir avec le monde de l’apnée, et la personnalité sulfureuse et méprisante du héros contraste totalement avec un monde d’humilité et d’écoute. La seule référence que Sofiane Zermani cite ce soir sur France 2 et qui semble le relier au monde de l’apnée parle d’elle même pour ceux qui connaissent un peu ce milieu… il ne suffit pas de brandir des valeurs pour y adhérer. Un film à éviter.

apigirl05
15/09/2022 à 11:09

Un film qui porte très mal son nom, avec un titre tel que "sous emprise" on s'attend à découvrir les rouages d'une relation toxique dans un couple. Finalement la première heure est consacrée au monde l'apnée, ce qui aurait fait de très belles images si le film avait été un documentaire... .
Si vous voulez vraiment voir un film sur le thème des pervers narcissiques.. je vous conseille "A la folie" avec Marie Gillain, un thème bien trainé, qui prend aux tripes avec des acteurs magistraux.

GTB
14/09/2022 à 14:28

@Moixavier58 > Non, tout n'est pas dit. Des trucs fades et ratés il y en a partout, plein; et Netflix propose pas mal de bonnes choses également.

La qualité de Sous-emprise ne surprend personne. Ça sentait clairement pas bon.

Jacky Sunday
14/09/2022 à 10:58

Un rappeur du 93, un réal pas génial, Netflix... Mélangez bien et voilà :
Une belle bouse.

Moixavier58
13/09/2022 à 22:18

Il ne faut pas chercher midi a 14h. C'est signé Netflix, tout est dis

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