Impardonnable : critique d'un (télé)film Netflix qui porte bien son nom

Matthias Mertz | 10 décembre 2021 - MAJ : 13/12/2021 13:20
Matthias Mertz | 10 décembre 2021 - MAJ : 13/12/2021 13:20

Adaptation d'une série britannique haletante, Impardonnable s'offre une Sandra Bullock oscarisée en ex-taularde prête à tout pour revoir sa soeur malgré le stigmate du meurtre qu'elle a commis. Le long-métrage de Nora Fingscheidt parvient à mettre le grappin sur un casting solide, et on entreverrait presque le retour du succès pour l'interprète discrète depuis le succès de Bird Box. Le tournage ayant été interrompu par la pandémie après près d'une décennie dans les cartons, le film s'offre à nous sur la plateforme Netflix en cette fin d'année 2021. Peut-il tenir la dragée haute aux grosses productions en pagaille prévues pour la fin d'année ?

Ruth célérité

Resté dans les cartons près de dix ans, le film était réputé et devait voir Angelina Jolie porter le rôle principal en 2010. Après le départ de Christopher McQuarrie, scénariste du projet (trop occupé avec Jack Reacher), il a finalement été remplacé par Nora Feingscheidt. Sandra Bullock est alors annoncée comme interprète, et elle participe également à la production avec sa société Fortis Films. Et si le passage de mini-série de trois épisodes à un film de 1h40 peut paraître insignifiant, c'est tout le contraire pour le récit.

Ce dernier raconte une rédemption, celle du personnage de Ruth, incarnée par Sandra Bullock, qui, à sa sortie de prison, souhaite repartir à zéro après un drame familial qui l'a vu tirer et tuer le shérif du village. Hors de prison, il ne lui reste que sa soeur, témoin du meurtre et très jeune aux moments des faits, adoptée depuis, et amnésique. La réinsertion de Ruth passe par la recherche d'un travail, un logement, mais aussi la construction d'un cercle d'amis, pour ne pas être dévorée par le stigmate de taularde qui pousse celles et ceux qui pourraient découvrir son passé à la haïr, pour ne pas dire la lyncher.

 

The Unforgivable : photo, Sandra Bullock"Je peux décrocher un autre Oscar, je peux décrocher un autre Oscar, je ..."

 

Sauf qu'entre les connexions qu'elle tisse au sein de son boulot, les trahisons de collègues qui révèlent son passé... tout se passe trop vite. Le format express du film le pousse à tout survoler sans qu'on ait le temps de voir Ruth former son quotidien. Pour tout perdre, il faut déjà avoir eu quelque chose. En outre, le film semble écartelé entre son envie de drame social et ses désirs de thriller haletant.

Et c'est dommage, parce que le film récupère des twists et des idées intéressantes de son matériau de base. Sauf qu'en perdant une demi-heure lors de son changement de format, il perd le temps nécessaire pour déployer du quotidien, du dialogue entre Ruth et ses collègues, son agent de probation, la famille d'adoption de sa soeur, son avocat... Avec ce temps supplémentaire à l'écran, l'intrigue aurait sûrement pris en épaisseur et aurait mieux dissimulé ses surprises.

 

Impardonnable : Photo Vincent D'Onofrio, Sandra BullockViola Davis s'en sortirait bien si son personnage n'était pas aussi mal écrit

 

SEUL(E) AU MONDE

L'écriture des personnages est d'une faiblesse rare. Tous ou presque sont des personnages-fonctions dont le rôle dans l'intrigue est évident. Certaines scènes sont ridicules, à l'image de celle voyant Viola Davis fermement défendre le personnage de Sandra Bullock de s'approcher de sa maison, sachant que cette dernière est une meurtrière. Qu'elle ne fût donc pas notre surprise lorsque la minute suivante, elle décide de la prendre dans sa voiture pour l'acheminer vers la destination de son choix. Les personnages secondaires sont les premières victimes de cette épuration du matériau de base, tant ils sont insignifiants.

Le personnage de la soeur, incarné par Aisling Franciosi, est probablement l'un des plus gros ratés du film. Chacune de ses apparitions étant un portail qui nous emmène dans le monde des téléfilms kitsch d'après-midi des années 2000.

 

Impardonnable : Photo Sandra Bullock, Jon BernthalOui, c'est le Punisher avec une moustache. Regardez-le bien, il disparaît vite

 

Les autres personnages secondaires ne peuvent pas participer aux enjeux dans la rédemption ou la quête familiale de Ruth, puisqu'ils n'ont pas assez de temps à l'écran. Ruth insulte la famille d'adoption de sa soeur ? Heureusement qu'elle ne reverra jamais l'avocat qui la représente gracieusement. Ruth sabote son chantier parce qu'elle est dans une rage noire ? Pas de soucis, le menuisier qui l'a engagé est porté disparu.

Conjugaison d'une écriture ratée et d'un rythme trop rapide, les personnages secondaires joués par des pointures (Viola Davis, Jon Bernthal, Richard Thomas) ressemblent eux aussi à des incarnations de téléfilms. Seule Sandra Bullock livre une performance correcte, probablement la meilleure du film, crédible en ex-taularde taciturne et silencieuse, parfois capable d'exploser face à l'injustice de sa situation. Sauf que le film n'a qu'une corde à son arc, le mélodrame. Ce qui donne l'impression que l'héroïne passe 1h40 à faire la même chose.

 

Impardonnable : Photo Aisling FranciosiLe portail vers la dimension téléfilm a un visage

 

PAUVRETÉ PORN

Et comme si son insuffisance scénaristique ne suffisait pas, le film est d'une pauvreté visuelle tragique. Probablement plus pauvre que Ruth Slater qui sort de taule avec deux billets en poche. Réussir à faire des nombreux décors urbains de Seattle un océan d'images grises et moches est en soi un exploit. Aucune créativité ne parvient à rentrer dans le cadre, ce qui renforce encore plus l'impression de suivre un téléfilm mélodramatique tourné à la hâte.

Le film prend par contre la peine de montrer sans aucune subtilité un fantasme crade de la sortie de prison, où des femmes déshumanisées s'injectent de l'héroïne dans les bras en essayant de se détrousser sans jamais leur donner une once d'humanité. Le récit en outre ne semble jamais formuler une plus grande réflexion sur la justice réhabilitative ou punitive qu’"On n'échappe jamais à son passé auquel les gens nous renvoient".

 

Impardonnable : Photo Sandra BullockEn PLS, à cause de Ecran Large

 

Si vous avez aimé la dépiction de la prison et de la criminalité bourrée de second degré et de sororité dans Orange Is The New Black, vous serez gênés par le premier quart d'heure d'Impardonnable, qui ressemble à l'idée que les propriétaires d'un 300m² dans le 7e arrondissement de Paris se feraient d'un squat.

Et enfin, si la lueur dans les ténèbres était la bande-son de David Felming et Hans Zimmer, vous pouvez fermer vos mirettes, mais aussi vos écoutilles. La musique est d'une uniformité totale, semblable au récit. Il est très probable qu'aucun thème ne vous marque, et il vous est tout à fait possible de l'écouter d'un coup sans remarquer qu'il s'agit d'une douzaine de compositions différentes.

Impardonnable est disponible sur Netflix depuis le 10 décembre 2021

 

 

Impardonnable : Affiche française

Résumé

Impardonnable est un téléfilm linéaire avec quelques visages connus dans ses seconds rôles (pauvres) et une Sandra Bullock qui parvient à peine à survivre à l'ensemble de la production. Peu recherché et monochrome, Impardonnable mérite son sobriquet à la perfection.

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Lecteurs

(3.4)

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commentaires
Jesse
20/12/2021 à 00:13

Heureusement que j'avais pas lu cette critique avant de me décider à voir ce film: superbe réalisation, magnifique histoire, belle interprétation, un très bon film avec beaucoup de rebondissements à la fin. Bien au dessus de la moyenne des productions Netflix !

La boss
19/12/2021 à 22:24

J'ai beaucoup aimé. La critique est facile... pourquoi comparer avec la série ? Le jeu de Sandra Bullock m'a touchée...aux larmes. À revoir.

Avatar
15/12/2021 à 04:17

Une critique incompréhensible, certes le film n'est pas din originalité incroyable j'ai adoré l'interprétation de Sandra Bullock.
Un conseil, regarder le film avant de lire cette critique.

Honesty
15/12/2021 à 01:44

La personne qui a écrit cette critique est complètement à côté de la plaque.
C'est vrai que le film aurait gagné à être plus long pour développer un peu plus certains aspects mais ça reste un très bon film.
Si vous lisez ceci je vous invite à regarder le film et constater par vous même le manque de professionnalisme de ce journaliste.

Suzie
14/12/2021 à 23:49

Magnifique et bouleversant. Tourné avec une belle sensibilité,magnifiquement interprété. A voir et à revoir.
Le scénario est plein de rebondissements, le drame social est bien ficelé. Le film mérite qu'on lui porte de l'attention.
Je ne comprends pas la critique qui passe a côté du film et les histoires de botox qui ne rendent pas justice à ce beau film...

zzibes
14/12/2021 à 23:40

Je ne comprends pas votre critique acerbe.
Le film n'est certes pas le chef d'oeuvre de l'année mais il est franchement honorable et loin de la caricature que vous en faites. Tous les rôles sont plutôt justes, Bullock en tête.

<Qu'elle ne fût donc pas notre surprise lorsque la minute suivante, elle décide de la prendre dans sa voiture pour l'acheminer vers la destination de son choix. >

Sans vouloir spoiler à ceux qui ne l'ont pas encore vu, permettez moi de vous dire que vous êtes effectivement un peu à côté de la plaque (comme la plupart des arguments de votre analyse). Je pense que vous n'avez tout simplement pas compris le sens de cette scène, repassez-vous là, vous comprendrez qu'elle change d'attitude parce qu'elle vient d'avoir une révélation sur la véritable culpabilité du personnage de Bullock...

Frank
14/12/2021 à 22:44

Ai adoré ce film et le recommande

LEATRIBU
14/12/2021 à 21:53

J'ai trouvé ce film intéressant. Le comparatif du critique avec la série n'a pas d'intérêt quand on ne la connaît pas.
Le manque de moyen n'enlève rien et l'objectif n'est pas de dépeindre la réalité mais de plonger le spectateur dans une ambiance particulière. Je trouve le sujet original et c'est parfait qu'il ne donne pas des messages sur la justice ou autre.

Baboun 45
14/12/2021 à 17:22

Très bon film du début à la fin on cherche la fin très bien interprèté
A voir et même à revoir

Manolin
13/12/2021 à 22:18

J'ai été surpris de cette critique. Ce film est magnifique de subtilité. Il y a dans la mise en scène une sensibilité toute féminine. Le vrai intérêt du film n'est pas dans le drame social ni dans le rejet des repris de justice. Il est dans l'évolution intérieure du personnage principal, dans cette manière toute féminine de donner à voir la dimension affective et psychologique du drame et du personnage qui le porte. Film de toute beauté, ça fait du bien.

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