La Pièce rapportée : critique d'un petit n'importe quoi

Simon Riaux | 2 décembre 2021 - MAJ : 02/12/2021 14:41
Simon Riaux | 2 décembre 2021 - MAJ : 02/12/2021 14:41

En deux films fantaisistes et politiques, Antonin Peretjatko a réveillé la comédie française. Dans La Pièce rapportée, il s'attaque à un nouveau pan de l'Hexagone. Après avoir croqué une certaine jeunesse urbaine, et gentiment moqué l'administration, le réalisateur s'essaie au torpillage de la grande bourgeoisie... et y laisse quelques plumes.

PLAQUÉ OR

Le cinéma français a eu son lot de tentatives post-rohmériennes, ses tentations chimériques de raconter un pays et des personnages qui ne se limiteraient qu'à Paris et ses habitants. Profusion de pseudo-drames empêtrés et de comédies aussi plaisantes qu'un anévrisme aortique qui aura parfois valu à la production nationale d'être perçue comme un cabinet de curiosités subventionné. Ce raccourci assez injuste, mais reposant néanmoins sur quelques bases solides, avait été largement balayé par La fille du 14 juillet, qui tournait en dérision une jeunesse cultureuse et quasi-oisive, fantasme boboïde soudain confronté à une forme inédite de violence sociale : l'interdiction des vacances.

Peretjatko y tournait en dérision ses personnages, leur milieu et leurs tropismes, en les noyant dans le sous-genre du film d'auteur auto-satisfait et du film de vacances des années 80. Puis dans La Loi de la jungle, c'était au tour des hauts fonctionnaires et autres technocrates de se faire éparpiller façon puzzle, précipités dans une centrifugeuse à base de films d'aventures, pour lesquels il déclamait un amour sincère et propice à quantité de sorties de route.

 

La Pièce rapportée : photo, Philippe KaterineNeuilly Style

 

Avec La Pièce Rapportée, le réalisateur explore les petites névroses de la grande bourgeoisie, qu'il assaisonne d'une sauce vaudeville. Les amateurs de son ton décalé, de ses répliques entre bouffonneries, calembours et valse hésitation y retrouveront leurs petits. L'apparente préciosité, toujours plus acide et méticuleuse qu'elle n'y paraît, fait ici et là des merveilles.

Un soin qui se retrouve à nouveau dans une direction artistique foisonnante, capable de générer des effets de poésie, ou des trouvailles comiques, par le simple agencement d'accessoires inattendus, de leurs couleurs, ou de la tessiture d'une image. Le découpage obéit à un même amour du détail, et qu'un personnage lance une casquette, cette dernière s'accrochera à un porte-manteau selon un tempo irrésistible.

Il suffit parfois d'un ventilateur poussé au-delà du raisonnable pour transformer une chevelure bordélique en une évocation absurde de réclames à base de douches et d'érotisme de supermarché... Bref, les petites articulations qui constituent le charme du cinéma de Peretjatko sont toujours bien présentes.

 

La Pièce rapportée : photo, Josiane BalaskoUne maison sur le point d'exploser

 

BALASKOR : JUDGEMENT DAY

Malheureusement, cette collection foutraque de situations issues de la tradition du comique théâtral hexagonal, le film a beaucoup de mal à l'investir. Tout d'abord, parce que si le cinéaste sent manifestement en quoi cette typologie de récit lui offre les ingrédients pour dézinguer son propre récit et mettre ses protagonistes en orbite, il l'aime, ou le maîtrise, bien moins que les genres qu'il avait précédemment visités. Les répliques ne claquent plus, les silences embarrassent, les sous-intrigues lassent... la mélodie ne prend pas, et surtout, ronronne dangereusement, jusqu'à flirter dangereusement avec l'auto-citation.

En témoigne son sens du tempo, souvent inadapté au rythme du vaudeville. Un genre exigeant une vélocité permanente, qui l'amena (notamment chez Feydeau) jusqu'aux rivages de l'absurde. Ici, et malgré la joie communicative transmise par Josiane Balasko, truculente de méchanceté en richissime saleté, l'ensemble demeure toujours empesé. Il en va de même du côté de Philippe Katerine, éternelle caricature de lui-même, qui ne parvient jamais à dévisser Anaïs Demoustier d'une partition en pilote automatique, qui semble plus d'une fois en complet décalage avec le programme humoristico-amoureux qui lui est proposé.

 

La Pièce rapportée : photo, Josiane Balasko, Philippe KaterineUn chignon pour, dans la fiscalité, les lier

 

Ces impairs et fausses notes viennent peut-être du milieu que veut croquer le réalisateur. Représentant d'un cinéma essentiellement bourgeois, il s'avère que quand c'est cette classe dont il veut proposer une pas si tendre caricature, il n'a pas grand-chose à dire, et encore moins à filmer. Le milieu qu'il représente est si déréalisé que ses attaques paraissent bien anodines, les outrances ou coups de butoir ratent tous leur cible.

Plus triste enfin, on a beau retrouver à plus d'une reprise la folie cinéphile qui irriguait ses deux précédentes propositions, elle ne parvient jamais ici à se développer tout à fait. Qui eût cru qu'en 2021, on puisse être déçu à l'idée de voir Josiane Balasko se transformer en Terminator des beaux quartiers, sous l'oeil gourmand d'un des metteurs en scène les plus atypiques de sa génération ?

 

La Pièce rapportée : Affiche

Résumé

Les riches sont bêtes et méchants, un chien fume la pipe... le cinéma d'Antonin Peretjatko, malgré son charme évident, peine à se renouveler, et gagne en pesanteur. Reste le charme suranné d'un monde de détails qui réserve encore quelques belles surprises.

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commentaires
J.P.M
04/12/2021 à 11:45

ne pas employer BUTOIR à la place de BOUTOIR .... dans ce texte assez bien écrit
cela pique les yeux....

Belgic
03/12/2021 à 09:59

Consternée, film nullissime, L'industrie du cinéma mal avisée d'investir dans ce film lourdingue.

#diez
03/12/2021 à 00:06

C'est ce que j'allais dire... Memoria, Orange sanguine... même combat...

Fox
02/12/2021 à 15:37

Entre celui-là et La Fièvre de Petrov, on n'est pas sur des distributions de folie !
C'est vraiment une tannée de pouvoir voir les petits films...

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