Le Sommet des dieux : critique renversante à couper le souffle

Flavien Appavou | 25 septembre 2021 - MAJ : 26/09/2021 14:53
Flavien Appavou | 25 septembre 2021 - MAJ : 26/09/2021 14:53

En sélection officielle du Festival de Cannes 2021, produit par Julianne Films, Folivari et Mélusine productions, Le Sommet des dieux, réalisé par Patrick Imbert est un film d'animation renversant. Remplis d'émotion juste et forte, c'est le voyage d'une vie qui se déroule sous nos yeux ébahis. Critique qui a le souffle coupé.

Une histoire au sommet

À la base, Le Sommet des dieux est un récit feuilletonnant de Baku Yumemakura paru au Japon entre 1994 et 1997. Il a ensuite été adapté par Jirô Taniguchi, toujours avec l'aide de Yumemakura Sensei, en 5 tomes publié et disponible en France chez les éditions Kana. Le manga s'est écoulé à 380 000 exemplaires, un bon pic dans la vente et la reconnaissance de l'œuvre on va dire. Tombé sous le charme du manga, le scénariste Jean-Charles Ostéro de Julianne Films s'est décidé à produire cette fresque gigantesque avec Mélusine Productions (Le Peuple loup...) et Folivari (Ernest et Célestine...). C'est en trouvant le réalisateur Patrick Imbert et la scénariste Magali Pouzol que tout s'est vraiment dessiné.

Adapter ce monument du manga n'est pas une chose aisée, au contraire, c'est s'attaquer à une montagne ! Les récits, le manga et le film traite de la même histoire, le destin croisé d'Habu, alpiniste chevronné au sombre passé, et celui de Fukamachi, un reporter japonais spécialisé dans les photos d'alpinismes. Un jour, à Katmandou, il croise Habu, tenant dans ses mains l'énigmatique appareil photo de Mallory. Cet appareil apporterait la preuve que Mallory et Irvine ont été les premiers hommes à avoir atteint le sommet de l'Everest en 1924. De cette rencontre découleront une enquête puis une aventure au sommet qui scellera le destin de ses deux hommes.

 

Base de départS'attirer les bonnes grâces de la montagne, c'est la base.

 

Fidèle au manga, cette adaptation a demandé quatre ans de travail pour rendre l'irréalisable, réaliste. En s'appuyant sur les magnifiques décors qu'avait posés Jiro Taniguchi, on voit bien que l'équipe du film s'est mise en quatre pour nous sublimer encore plus cette histoire, déjà déroutante. En jouant sur le rapport passé/présent dans un premier temps avec l'enquête, puis avec l'aventure humaine, Le Sommet des Dieux virevolte dans sa narration pour se poser tranquillement. Les dialogues et les voix-off narratives saupoudrent le tout. Pas besoin de trop en faire, la beauté de l'animation rend le spectateur complètement accro à cette histoire.

La trame de fond consistant à retrouver les photos de Mallory et d'Irvine, n'est qu'un prétexte pour le reporter. C'est à travers ses yeux et sa voix que le spectateur suit cette fresque mélancolique et fougueuse en même temps. La recherche n'est qu'une étape, le plus important est de gravir cette montagne avec tous ses défis et aussi surement la mort au bout du chemin. L'histoire dépeint le parcours d'une vie, d'une ambition, d'un rêve et des choix qui ont été faits en dépit de tout. C'est beau et ça prend aux tripes.

 

InterviewJe vous mets une larme dans café ?

Émotion à Pic 

Comme dans le manga, la mise en place se fait doucement, prenant son temps. On comprend petit à petit qui sont les personnages et ce qu'ils traversent. Pour Habu, on sent se dessiner un parcours tragique et solitaire. Avec une petite claque au passage pour le spectateur qui regarde ça, pétrifié de terreur quand il gravit les parois, accompagné ou non. La réalisation se veut la plus réaliste possible, même si c'est de l'animation. Et justement même, vu que c'est de l'animation, cela permet de montrer des détails pour être encore plus immergé dans cet univers entre les plans sur les mains, les poinçons, les cordes... 

On retient notre souffle à chaque poignée, à chaque montée. On peut être soulagé quand c'est terminé, ou en proie au désarroi quand ça ne se passe pas bien. L'émotion varie au fur et à mesure de l'histoire. Chaque plan est extrêmement bien travaillé. Le travail de documentation a certes été aidé par le manga, mais la réalisation soigne ses plans aériens sur ces chaines escarpées et magnifiques. Tantôt proches des personnages, tantôt en plan très large, les scènes se juxtaposent pour montrer la grandeur des lieux ainsi que leur niveau de dangerosité. Le spectateur vit des pics d'angoisse et en même temps des moments où il n'y a qu'un mot qui vient à la bouche : WOW ! 

 

En haut de l'everestDOUBLE WOW !

 

La seconde partie du récit après l'enquête et la présentation des personnages est renversante. Il n'y a pas trop de mots pour la décrire, il faut la vivre. Dans la salle de cinéma, sans un bruit (ou, à défaut, devant sa télé), il faut se laisser entrainer dans cette ascension risquée. Il n'y a presque plus de dialogue, très peu de pensée, juste le silence de la montagne et de ses dangers. Les comédiens donnent tellement corps à leur voix qu'on oublie qu'on est dans un film d'animation

 

Pause caféUne pause méritée

 

Une crête musicale 

La réalisation de ce film ne laisse aucun répit au spectateur dans ses phases d’émotions et d'actions. Le tout est sublimé par la musique d'Amine Bouhafa. Ça faisait longtemps que votre serviteur n'a pas eu autant d'émotion en entendant les premières notes de chaque musique dans un film. On peut dire tout ce qu'on veut, mais un film se rythme aussi grâce à la musique. Amine Bouhafa réussit chaque passage musical et renforce l'émotion déjà présente avec les images. Séparément, c'est beau, mais les deux combinés, c'est juste magnifique. 

De plus, Patrick Imbert et son équipe alternent souvent les moments entre action et passage musical, que ce soit avec des chansons ou juste de la pure composition musicale pour donner plus de rythme au récit. Cela leur permet de montrer encore une fois leur incroyable design et leur animation soignée. On est hors du temps, hors sol, pendant quelques secondes, permettant ainsi de prendre un bol d'air animé. Sur la phase d'exploration de l'Everest, la musique est totalement coordonnée aux coups de pioches, de crampons, d'avalanche... avec une montée en apogée quand le but est atteint.  Impossible de rester de marbre devant tant de beauté qui vient de toute part. C'est sensationnel.

 

CordéeLa musique, première de cordée

 

Renversant

On ne peut être que dithyrambique tant la qualité d'animation, d'histoire, de musique, d'interprétations des personnages et de dialogue est aussi bien travaillée. Le chara design des personnages à mi-chemin entre celui d'un Européen et d'un Japonais, ainsi que ses attitudes permettent à chacun d'avoir des repères qui lui sont propres. L'idée est malicieuse, car elle permet aux comédiens de trouver le ton juste et de s'en sortir à merveille. Le sound-design vient aussi implanter sa trace dans cette frénésie aventureuse, pile au moment où on l'attend. Et on sent que le travail a été minutieux pour relever cet énorme challenge de représenter une aventure en montagne complètement en animation.

En adaptant le manga du Jiro Taniguchi et de Baku Yumemakura, les producteurs, scénaristes et réalisateur du film ont réussi un vrai tour de force. Ils ont ainsi montré qu'on peut toujours aller au sommet de son art en se dépassant. C'est vertigineux dans tous les sens du terme, on ne sait pas s’ils y ont laissé quelques plumes dans l’aventure, mais en tout cas, ça en vaut le coup, surtout au cinéma. D'autant plus que Le Sommet des Dieux offre plusieurs réflexions passionnantes sur la vie : mais qu'est-ce qui amène une personne à se dépasser, à aller toujours le plus loin possible ?  À quoi ça rime ? La réponse est dans notre cœur, parfois, il n'y a pas de raison, alors autant y aller et peut-être atteindre un autre sommet.

 

Affiche Officielle 2

Résumé

Le Sommet des Dieux est un film d'animation totalement renversant. Avec sa réalisation millimétrée, ses plans incroyables, son design et ses dessins hivernaux et sa musique qui nous transporte, comment ne pas être touché par ce film aux valeurs profondes. À couper le souffle. 

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Lecteurs

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commentaires
Flo 1
20/02/2024 à 14:08

L’adaptation du manga fleuve de Jirō Taniguchi (plus de 1500 pages, elles-mêmes adaptées d’un roman), condensée en 1 h et demie ? Impossible ?
Faux, et ça semble incroyable mais finalement plausible.
Le réalisateur éclectique Patrick Imbert et toute son équipe ont d’abord fait preuve d’une grande exigence au niveau du design (à peine dérivé de celui de Taniguchi), du rythme de l’action, de l’ampleur spatiale aussi bien visuelle que auditive (et la musique de Amine Bouhafa est très belle, très « docu sportif de l’extrême »), du casting VF composé d’habitués chevronnés (qu’on trouve chez Matt Damon, Daniel Craig…).
Bref, c’est vraiment un film pour le grand écran.

Surtout, ils se sont tout simplement concentrés sur la moelle de l’histoire, sans fioritures (la trame principale est déjà une enquête, pas besoin de montrer de quêtes annexes similaires)…
Et ce faisant, le côté un peu sec et direct du film évite de se retourner contre lui-même, puisqu’il devient surtout conforme au caractère du protagoniste central, Habu Jōji : pas très commode, sans attaches, motivé coûte que coûte par l’envie irrépressible de monter tout la haut, jusqu’à la fin du parcours – tout en se remettant en question à un moment donné. La mise en scène, allant droit au but, et représentant des paysages montagneux et sonores grandioses mais avares en superflu, tout ça fait beaucoup écho avec lui.

Tandis que le journaliste Fukamachi Makoto, fasciné par les histoires (dangereuses) véhiculées par ces alpinistes, très disert et avides de réponses… celui-là représente plus le scénario du film, passant d’une temporalité Passée à une du Présent (c’est souvent compliqué de se repérer), tentant de décrypter une personnalité rude et traumatisée via des témoignages et de la documentation, pour mieux mettre la main sur un Graal – une possible preuve d’un exploit datant de 70 ans…
Jusqu’à ce que l’obsession de l’un déteigne sur l’autre.
Donc que mise en scène et scénario fusionnent totalement.
Et que la question principale (« pourquoi toujours monter ? ») trouve une forme de réponse en raccordant au titre du film.
Simple mais bouleversant.

Ozymandias
12/02/2022 à 13:25

Vu aujourd'hui, c'était très bien, de toute beauté effectivement !

Chantal
27/09/2021 à 20:51

Film Absolument Magnifique !

Ari
26/09/2021 à 09:48

@GTO

Clairement, oui. J’attends en général plus de subjectivité, ou du moins une émotion plus « contrôlée ». Là, on est dans le fanzinat, ce qui n’est pas une insulte, mais pas Ecran Large pour autant.
D’un autre côté, c’est un enthousiasme qui fait plaisir.

#diez
25/09/2021 à 21:47

Excellent film. L'animation des mouvements des alpinistes est incroyablemeny précise. Toute comme l'environnement alpin. Pareil pour les motivations des personnages très proches des plus grands grimpeurs, et des plus fous. Excellent en tout points. Rare.

rientintinchti
25/09/2021 à 20:25

Très bon manga de base.
J'espère pouvoir le voir très vite

Deathstars
25/09/2021 à 20:11

Ça fait plaisir toutes ces critiques de film d'animation en ce moment. Merci Flavien !

RetroBob
25/09/2021 à 18:08

Renseignement pris sur leur page Facebook, aucune distribution de prévue en Suisse. C'est vraiment dommage. Les gens ici sont pour la plupart passionnés de montagne et des récits d'alpinisme. Ils auraient ramassé plein de pépettes! Allez comprendre! ...

fuck
25/09/2021 à 17:34

Celui-là je vais aller le voir lundi et je n'ai toujours pas été voir Dune. Il y a un sacré paquet de superbes films qui sortent jusqu'à la fin de l'année. Les 2 précédemment cités, plus le prochain James Bond, The Matrix 4, Spidey 3 et son multivers, Belle encore un superbe film d'animation, le Ridley Scott version Rashomon, le Wes Anderson version frenchie, Last Night in Soho, plus peut-être le Big Bug de Jeunet, plus Finch et The Tragedy of Macbeth dont les 1ères critiques sont dithyrambiques.

RetroBob
25/09/2021 à 16:57

Je rage! Habitant en Suisse, le film n'est programmé nul part (même coté français: Evian, Thonon, Pontarlier.... rien!rien!rien)! Pourtant ce film ferait un carton au pays des montagnards!
Je ne comprends pas ce choix!
Quelqu'un aurait des précisions s'il vous plait??

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