Cruella : critique des reines du shopping

Geoffrey Crété | 29 avril 2022 - MAJ : 14/12/2023 18:19
Geoffrey Crété | 29 avril 2022 - MAJ : 14/12/2023 18:19

Il y a eu Angelina Jolie en Maléfique, dédié à la grande méchante (ou pas) de La Belle au bois dormant. Il y aura désormais Emma Stone dans Cruella, origin story que personne n'attendait sur la grande méchante (ou pas) des 101 Dalmatiens. Énième film dans l'entreprise de recyclage massif du studio Disney, qui a encaissé des milliards avec les films en prises de vue réelles Le Roi Lion, Aladdin, La Belle et la Bête et compagnie, cette superproduction réalisée par Craig Gillespie (Moi, Tonya), avec également Emma Thompson, est sans surprise gentiment dispensable.

VICTIME DE LA MODE, TEL EST SON NOM DE CODE

Il y a deux moyens très simples de constater l'inutilité flamboyante de Cruella, superproduction chic et toc à 100 millions (au moins), made in Disney. La première : origin story et Mickey oblige, le personnage iconique du dessin animé de 1961, et incarné par Glenn Close au cinéma, perd ses clopes, ses fourrures et sa méchanceté, au profit d'une longue explication et psychologie de comptoir. Dépouillée, Cruella n'est plus cruelle, c'est simplement une pauvre petite fille qui se rebiffe contre un cruel monde.

La deuxième : comme il n'y a pas encore la Cruella bien connue et tant aimée, les scénaristes Dana Fox (Jackpot, Célibataire, mode d'emploi) et Tony McNamara (La Favorite) ont simplement créé une copie quasi confirme avec la baronne von Hellman, incarnée par Emma Thompson. C'est une créatrice de mode odieuse et extravagante, qui emploie Estella/Cruella comme petite main et grand esprit dans ses ateliers de mode, reprenant ainsi l'idée du film de 1996, avec Anita. Ou comment transformer une origin story en simili remake.

Ce n'est que la face émergée de l'iceberg Cruella, grosse sucrerie sans conséquence, si ce n'est celle d'avoir un vague sentiment de nausée hollywoodienne après plus de deux interminables heures donnant plus envie de (re)lancer la saison 13 de RuPaul's Drag Race qu'autre chose.

 

photo, Emma StoneMoi, venue pour le gros chèque ?

 

LE MONDE EST STONE

Nul doute que l'écrasante majorité du public ira voir Cruella pour Emma Stone, et retiendra l'accent (évidemment exagéré) et les robes (évidemment folles) et le jeu (évidemment outrancier) d'Emma Stone. Le film entier a été bâti pour l'actrice oscarisée de La La Land, qui se baigne pour la première fois dans ce bain narcissique très hollywoodien. Écrit à l'origine par Aline Brosh McKenna (Le Diable s'habille en Prada), Kelly Marcel (Cinquante nuances de Grey) et Steve Zissis (la série Togetherness), le scénario a été réécrit suite à son arrivée, et le film est une entreprise qui lui est entièrement dédiée.

Inutile de préciser qu'Emma Stone n'a aucun mal à assurer le spectacle derrière les trois tonnes de maquillage et diverses postures artificielles. D'Easy Girl à La Favorite, elle s'est imposée comme une machine de guerre comique, dans un cocktail détonant d'assurance et auto-dérision permettant d'illuminer les scènes les plus simplettes.

Ici, elle s'empare avec un plaisir évident du double rôle de Cruella, total fantasme de comédienne sous forme de best-of : timide cachée derrière ses lunettes, espionne dans un numéro de braquage, diva sur les tapis rouges, rock star sur les podiums, sans oublier le drama avec mascara dégoulinant et la grande vengeance... Estella/Cruella est une comédienne, comme Emma Stone, ce qui ouvre un grand boulevard.

 

photo, Emma StonePas si Close que ça

 

La comparaison avec Glenn Close dans Les 101 Dalmatiens et 102 dalmatiens (oui, la suite avec Gérard Depardieu) est inutile, impossible, mais inévitable. Sans surprise, Emma Stone n'a pas la même marge de folie furieuse, la faute à un programme largement plus gentillet, et donc un scénario surchargé de scènes explicatives, et aussi punk que les regards caméra de Margot Robbie dans Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn.

Emma Thompson s'en sort avec plus d'éclat dingo en reine des glaces et des garces, qui n'a droit à aucune excuse (ou presque) pour rester la digne méchante du début à la fin. Et au-delà d'elles, c'est le néant pour Mark Strong, Joel Fry, Paul Walter Hauser et Kirby Howell-Baptiste, réduits au rang de potiches et faire-valoir.

 

photo, Emma ThompsonLe diable s'habille mal

 

MON ROYAUME

Mais le traitement du personnage est finalement le cadet des soucis de Cruella. Au-delà du choix pas particulièrement inspiré de creuser les origines d'une grande méchante, au prix d'une édulcoration inévitable, c'est toute l'architecture de ce bulldozer Disney qui pose problème. Avec plus de deux heures au compteur pour raconter la plus bête et banale des histoires (une orpheline devenue voleuse, qui cherche à se venger, mais sans perdre son humanité et son style), le film devient vite une épreuve de remplissage intense.

L'intrigue tourne tellement en rond qu'il y a deux grandes scènes d'infiltration à une soirée chic, et de multiples mises en scène, supercheries et révélations pour meubler. Un flashback par-ci, un sauvetage par-là puis une longue explication et un montage musical entre les deux achèvent de composer une histoire longuette et poussive, qui se prend étonnamment au sérieux dès qu'il s'agit de filmer autre chose que des robes. Sans parler de quelques éléments cachés au spectateur uniquement pour l'illusion de surprise, histoire de confirmer cette sensation de scénario rafistolé par une demi-douzaine de personnes.

 

photo, Emma StoneThe Future avec Cruella 2 oui

 

C'est d'autant plus triste que le choix du réalisateur Craig Gillespie était judicieux, vu sa filmographie surprenante - la comédie presque romantique Une fiancée pas comme les autres, la comédie horrifique Fright Night ou encore le film catastrophe The Finest Hours. Avec Moi, Tonya, il avait montré toutes les qualités pour raconter Cruella : la capacité à filmer une anti-héroïne haute en couleur, à diriger une actrice talentueuse, et sans jamais oublier sa mise en scène. Mais chez Disney, tout ça est vite dilué dans une soupe pop sans saveur.

Il n'y a qu'à voir l'utilisation neuneu de Feeling Good par Nina Simone, quelques esbroufes de mouvements de caméra, ou encore une robe que n'aurait pas renié Katniss Everdeen pour comprendre que Cruella a été pensé comme une vitrine clinquante, avec un mouvement continuel à l'écran pour faire diversion. Le choix du Londres des années 70 comme cadre permet de masquer un peu le vide, mais l'illusion est de courte durée. Au-delà des amusantes mises en scène sur les tapis rouges, évacuées dans quelques montages banals, la direction artistique est étonnamment terne.

Probablement parce que les films avec Glenn Close avaient poussé très haut les curseurs en termes d'imaginaire (ces décors et accessoires incroyables, avec des animatroniques de Jim Henson tout de même), cette Cruella moderne redescend de plusieurs crans pour plaire à un public plus large, et tant pis si ça l'oblige à passer à la lessiveuse Disney. Et la meilleure blague du film est là : ce "A" anarchiste sur l'affiche, à deux doigts de nous faire croire que Mickey est punk avec son business de recyclage. Alors que la seule chose qui l'est, c'est le fait que les costumes de Cruella soient signés Jenny Beavan, oscarisée pour Mad Max : Fury Road.

 

Affiche française

Résumé

Encore un film gentiment inutile, qui passe deux interminables heures à habiller un scénario insipide en mettant en scène un grand défilé à la gloire d'Emma Stone. Elle s'amuse (beaucoup), elle amuse (un peu), mais pas sûr que ce soit suffisant pour avaler la couleuvre Disney.

Autre avis Antoine Desrues
Au sein du marasme des remakes/prequels live-action de Disney, Cruella se démarque (de loin) par son énergie incongrue. La réalisation soutenue et le cabotinage en règle d'Emma Stone et Thompson épousent à merveille la vibe punk du projet, si bien qu'on en viendrait (presque) à pardonner son écriture scolaire. Dans le genre, une prouesse.
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Lecteurs

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commentaires
Rhaegon
31/08/2023 à 23:46

Au vu des commentaires, j'ai l'impression d'être une exception : ce film est incroyablement nul.

Les décors sont pas fous, la mise en scène banal. Emma Stone fait le taf, Thompson aussi, mais à part ça... Le scénario ne contient absolument aucun élément intéressant, tout est téléphoné. Et alors le clou au cercueil : les plans avec effets spéciaux (les chiens horribles, le parachute...). Mes yeux saignent ce soir. Je vais éponger tout ça.

PS : pour certains qui ne trouvent rien de mieux que de comparer à Marvel ... élevez le niveau peut-être ? :)

Arcadium
10/03/2023 à 01:41

J'ai été bercé avec les 101 dalmatiens. Avec ma femme on acheter le film et on a passé un moment agréable, tout deux fan de culture britannique on a trouvé notre compte. Ce film excellent avec une bo qui habille de façon habille la mise en scène. Je ne comprends pas une critique pareil avec les films sans saveur que Disney a l'habitude de nous vendre.

Geoffrey Crété - Rédaction
24/02/2023 à 13:27

Un conseil : continuez à commenter, vous êtes au moins dans le top 5 de la semaine.

Commentaire
24/02/2023 à 11:55

Dans cette pitoyable critique, vous dites que ce film est inutile, mais c'est plutôt pas vous qui est inutile ? Non, parce que à part critiquer, qu'est-ce que vous savez foutre d'autre ?, vous êtes un bon à rien un mécréant, une merde, vous croyez être un bon journaliste ? mais en vrai vous êtes une véritable pourriture. Alors au lieu d'écrire des torchons pareil, allez vous trouver un boulot. Vos critiques sont infondée, complètement ridicule et aussi ridicule que vous. Croyez-moi, je vais mettre tous les moyens pour faire disparaître votre site complètement sordide. Sur ce, j'espère que le diable va s'abattre sur vous, car les gens de votre espèce, ne mérite pas à la vie. Aller en enfer.
Un conseil: démissionne Geoffrey Crête
Merci

Abibak
29/05/2022 à 18:54

Donc pongo et perdita sont de la même portée...

Geoffrey Crété - Rédaction
03/05/2022 à 18:23

@Mental Vortex

Je pourrais effectivement changer de métier et devenir medium, pour savoir que je ne vais pas aimer un film avant de l'avoir vu. Mais d'ici là, je dois voir les films pour le découvrir.
Merci de vous inquiéter pour moi, mais tout va bien sinon. Même devant un film nul comme ça, je survis sans problème.

Mental Vortex
03/05/2022 à 18:10

Geoffrey Crete si tu ne supporte plus un film change de boulot car tu à l'air de te faire chier là
non ?

Emeth
03/05/2022 à 00:00

Assez d'accord avec Flo . C'est une bonne surprise pour moi surtout en comparaison de Maléfique . Cruella possède une ambiance susceptible de plaire à un public plus vaste que de très jeunes enfants avec une atmosphère pluvieuse,visuellement travaillée surtout lors du défilé punk ou dans les costumes, des effets numériques pas trop lourds encore, deux personnages féminins assez durs, dominateurs, travaillés par la folie , sans romantisme inutile façon Maléfique et ça fait du bien . Effectivement elles dominent la plupart des caractères secondaires, utilisés comme marionnettes . Au moins ces derniers ont tous quelques traits de personnalité quand même et ne babillent pas tout le temps comme dans Maléfique (que j'ai peu aimé oui). Ok elles se prennent au sérieux et diffèrent de la dinguerie de Glenn Close. Mais on évite le copié-collé comme ça . Ok, on pense beaucoup au Diable s'habille en Prada . Bon, le film rend hommage à la mode londonienne et pas seulement à Cruella pour intéresser les "grands". La seule grosse critique que j'adresserais à ce film en chicanant un peu consiste dans la relation que Cruella entretient avec les animaux, peu crédible si on pense à l'évolution future du personnage . Emma Stone est ambigüe et punchy
J'ai tendance à être sévère avec les Disney mais là il y a quelque chose d'au moins soigné, lorgnant vers le monde des adultes ... et sans chansonnettes ou morale guimauves . Perso j'ai passé un bon moment

JPB
30/04/2022 à 14:44

Pour ma part, j'ai passé un très bon moment. Mon cerveau était peut-être à "off", mais j'ai trouvé le film sympathique, fort bien tourné, très agréable à regarder. Il faut dire que ça faisait six mois que j'avais pas mis les pieds dans une salle de cinéma...

L'indien Zarbi.
30/04/2022 à 10:05

Flo
Toujours formidable.
Merci.

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