Le Dernier Voyage : critique d'un cinéma français en apesanteur

Simon Riaux | 19 mai 2021 - MAJ : 22/05/2021 14:21
Simon Riaux | 19 mai 2021 - MAJ : 22/05/2021 14:21

Après des mois de crise, les cinémas rouvrent enfin leurs portes ! Et ils nous accueillent avec une fable de science-fiction française prometteuse. Le Dernier Voyage nous transporte à la surface d'une planète Terre exsangue, sur le point d'être percutée par une Lune rouge pas franchement rassurante. Paul W.R. seul astronaute capable de la détruire, vient de disparaître, plongeant l'humanité dans le désespoir.

PREMIÈRE ÉPOPÉE

Chasse gardée d’Hollywood, la science-fiction a pourtant de solides racines hexagonales qui font régulièrement mentir les esprits chagrins convaincus que la production française se répartit entre comédies lourdingues et pensums germanopratins. C’est ce que nous rappelle avec ambition Le Dernier Voyage, premier long-métrage de Romain Quirot et de son co-auteur Antoine Jaunin. Les deux hommes se sont battus avec une énergie créative rare pour atteindre les salles obscures. 

 

 

Et sans surprise, le film, qui a dû transcender un budget plus que modeste tout en honorant ses aspirations poétiques, portées par une toute jeune équipe, souffre de quelques tares récurrentes au sein de la production française. Tantôt trop écrit, tantôt pas assez, le récit a du mal à caractériser certains de ses personnages, à rendre ses enjeux tangibles ou à établir clairement les règles qui définissent son univers.  

 

photoPeur sur la ville

 

Ainsi, la première demi-heure, si elle ne manque pas d’atouts, fait redouter que le film ne puisse se relever du syndrome du court-métrage écartelé. Le temps que soient mis en lumière tous les protagonistes, il faudra accepter une paire de répliques sursignifiantes, aux accents éthérés parfois un peu vaseux. Des défauts auxquels le spectateur curieux de propositions audacieuses est trop souvent confronté. Mais si cette aventure chancelle un temps, c’est quand elle prend son envol qu’elle révèle sa véritable valeur. 

 

photo, Hugo BeckerDécollage imminent

 

VOYAGE SUR LA LUNE

Dévoilé au public par le biais d’une bande-annonce maline, qui laissait à penser que le projet lorgnait franchement vers l’héritage (rarement digéré, souvent agité comme un hochet) des productions Amblin et leurs succédanés à la Stranger Things, Le dernier Voyage jouit d’un univers beaucoup plus dense et riche que ces voyantes influences.

Oscillant toujours entre le leg de la bande-dessinée franco-belge et les expérimentations de Métal Hurlant, la direction artistique trace son propre sillon, et jalonne progressivement un univers aussi cohérent que singulier. Un sentiment qui se renforce à mesure que l'univers dépeint s'enrichit, ici de souvenirs nimbés d'un somptueux noir et blanc, là de l'émergence d'un cinéma abandonné, entre western spaghetti et errance post-apocalyptique.

 

photo, Le Dernier VoyageUn film qui a trouvé sa bonne étoile

 

Mais le projet va au-delà de sa patte graphique originale. Parce qu’il pense toujours ses cadres et son montage, le réalisateur Romain Quirot ne demeure jamais en deçà de sa direction artistique. En témoigne ses séquences de tension, notamment une joute particulièrement sèche où c’est bien la mise en scène qui électrise. Il en va de même pour la direction des comédiens, tous bons (Paul Hamy et Lya Oussadit-Lessert en tête), souvent capables de dépasser un texte qui manque de finesse. 

Au fur et à mesure des séquences, alors que la narration se fait plus fluide et les ellipses moins syncopées que les liens entre personnages se nouent, on est immergé dans une épopée à l’onirisme évident, assumé, toujours évocateur. Jongle aussi improbable que plaisante entre la ligne claire d’un Hergé, l’émotion allégorique d’un Petit Prince, et la brutalité organique d’un Alejandro Jodorowsky, Le Dernier Voyage ne ressemble à aucune autre création de science-fiction récente, et nous propose, avec une générosité remarquable, une exploration nécessaire de nos imaginaires. 

 

Affiche française

Résumé

Le Dernier Voyage porte les stigmates d'une production compliquée, probablement aussi aventureuse que le parcours de ses héros. Mais pour chaque maladresse, le spectateur écarquille les yeux au détour d'un plan inventif, sourit à l'évocation d'un imaginaire sans limites, pour finalement se perdre dans un conte cosmique désarmant.

Autre avis Arnold Petit
Entre fable et bande dessinée, Le Dernier Voyage transporte par sa sublime direction artistique, son casting et son ambition malgré les grosses ficelles de son scénario et ses défauts évidents.
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Lecteurs

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commentaires
Bob
01/07/2023 à 09:08

C'est sympa d'avoir tiré en longueur un court-métrage...

Le film aurait pu bénéficier d'un scénario travaillé, non ?

Dommage...

Tuk
09/10/2021 à 01:52

Une horreur ! "2019, apres la chute de new york" qui a plus de 30 ans est mieux fournit en effets spéciaux et à une histoire bien plus prenante.
Ce film est une succession de clin d'oeil, tous aussi ratés les un que les autres.
Faut le voir pour le croire.

Kyle Reese
05/09/2021 à 23:23

Mes craintes se sont révélées tout à fait exact. Je pourrais copier ici mon précédent post.
Alors ok, belle photo et parfois compositions, très jolie musique, sincérité du projet de SF poétique, parfois de beaux effets mais ça reste complètement bancal. Le film aurait dû être un moyen voir un court métrage avec un tel scénario qui s'évertue d'essayer de raconter quelques choses mais sans grand succès. Ok c'est fauché, c'est comme ça mais du coup l'ambition ne suffit pas à combler le vide. C'est lent, long, ennuyeux. Le rétro futuriste des voitures des années 80 rafistolées qui volent ne fonctionne pas. Les chasseurs qui poursuivent le héros, sorte de stormtroopers du pauvre qui ne communiquent qu'en sons incompréhensibles ne fonctionnent pas. Les jolies flash back qui essayent d'expliquer je ne sais quoi, sont ... jolis mais n'expliquent presque rien. Ah oui le héro avait des visions et avait la solution dés le début mais son père ne voulait pas le croire ... mouais. Le cliché de la fille qui l'accompagne ayant perdu aussi sa mère ... Tout ça me fait penser à un scénario d'étudiant en cinéma. J'ai connu. Bref, tout comme pour Blood Machine (beaucoup moins chiant), ça ne sait pas raconter grand chose. La meilleur proposition cette année de SF française est et restera l'excellent Oxygène de Aja qui avec un budget surement restreint maitrise son sujet de A à Z. Le dernier voyage et Comment je suis devenu un super héro ne sont pas pour moi l'exemple de ce qu'il faut faire pour réconcilier le public français avec la SF ou le fantastique hexagonale. je met Blood Machine un peu à part, ça reste un moyen métrage assez unique, un OFNI aux visuels pour le coup totalement dingue qui mérite vraiment d'être vu une fois, même s'il m'a déçu niveau rythme du montage je l'ai vu comme un clip vidéo très long.
Donc voilà, pas surpris du tout.

Z
05/09/2021 à 17:08

On se fait chier du début à la fin point!

Ventouse
02/09/2021 à 17:17

Comment peut on faire un film avec autant d'effets spéciaux et utiliser une ventouse a vitre a 6.9€ de chez Castorama pour faire croire a un défibrillateur du futur? ( la scène ou l'équipe médicale essaye de sauver la gamine dans l'ambulance volante, vers la fin du film )...perso je trouve a bien triste de pas être capable de faire mieux a l'époque des imprimantes 3D a 200 balles...les accessoiristes ont été très mauvais sur ce coup là.

jeob
29/05/2021 à 17:20

Vu aujourd'hui
Bah suis très très mitigé
en admettant le conte cosmique qui est une bonne analyse
mais je ne suis pas du tout convaincu par la critique de S. Riaux (qui pourtant me convaint souvent)
Tout d'abord cet univers des années 80 est too much. "Dans un futur proche"... j'ai du mal a y croire avec ses bagnoles 70-80's, ses cabines/téléphones à l'ancienne, idem pour les écran et le walkman d'elma... On est en 2021, dans un furur proche je n'y crois pas. Mais bon passons, y a quand même pas mal d'incohérences, le vrai sujet (la lune rouge) n'est que peu exploité, on ne sait pas pourquoi la terre est dans cet état... Et perso je trouve que la rèf à besson est évidente (et ça me gêne), tout comme Jean Réno, tjs aussi mauvais.
Mais j'avoue que l'ambition d'un film sf c'est vraiment appréciable, que le mise en scène est une mise en scène de ciné et ça ça fait du bien à l'heure des téléfilms moisis et autre film à l'épaule qui pululent, que Paul Hamy est top et que la BO (même avec les 80's) ça le fait ! Donc je ne suis pas déçu car un film de genre est tjs le bienvenu, même raté.

Moi
26/05/2021 à 13:18

On sent la base d'un court-metrage de qualité avec une très belle œuvre visuelle et une BO agréable, mais pour moi une (bonne) histoire est indispensable pour un bon film et ce n'est pas le cas. Il n'y a quasi aucune évolution des personnages (excepté un personnage bourru qui va accepter un sidekick), très peu de dialogues, les "pouvoirs/capacité" de certains personnages restent inexpliqués, l'univers est joli visuellement mais pas convaincant ... Il y aurait un spin-off sur le frère je signerait tout de suite pour le voir, sinon ça restera une expérience agréable dans une salle de ciné.

Chris11
24/05/2021 à 18:57

J'ai adoré. Le film est bourré d'imperfections, mais ça le rend d'autant plus sympathique et appréciable, au sens littéral du mot "apprécier". C'est visuellement généreux, la bande son est dingue, les acteurs s'en sortent pas si mal, et l'histoire semble avoir pris de plusieurs scénarios à la fois mais le mélange reste cohérent (si on ne s'attarde pas sur les détails) et est à mon sens très réussi. L'expression "conte cosmique" est très bien trouvée et caractérise parfaitement ce film. Je n'aurais pu rêver mieux pour mon premier retour en salle depuis 7 mois !

Ndn
24/05/2021 à 18:04

Nul pour adulte,bien pour enfant de 11ans mon petit fils a aimé

Sascha
20/05/2021 à 23:40

J'ai adoré. Alors oui, il y a quelques longues, oui, tout n'est pas parfait.
Mais pour un premier long métrage, SF qui plus est, j applaudis bien haut le résultat qui est vraiment de très bonne facture. Tout comme les effets spéciaux. Des films SF français comme ça, j en redemande.

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