Peur bleue 3 : critique intelligente (comme les requins)

Mathieu Jaborska | 10 août 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathieu Jaborska | 10 août 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Les squalophiles sont unanimes : Peur bleue premier du nom est une série B hollywoodienne plus que recommandable. Bardé de scènes délirantes anticipant avec délice les débilités maritimes qui envahiront les années 2010, le huis-clos de Renny Harlin se sirote en été comme un mojito à la limonade, avec des ailerons génétiquement modifiés en guise de rondelle de citron. Un peu moins de 10 ans après, probablement pour surfer sur l'attente d'En eaux troubles, Warner a lancé une suite destiné au marché de la vidéo, un cocktail indigeste qui tient plus du mélange Jaeger chocolat chaud. En 2020, le Peur bleue 3 de John Pogue (un des scénaristes de Rollerball) débarque... et s'avère moins alcoolisé que prévu.

UNE SAGA REQUINQUÉE

Nageant parfois aux côtés du nanar pur et dur, Peur bleue 2 touchait déjà bien le fond de son bassin en plastique. D’une laideur étonnante, il tient plus du mockbuster Asylum que de la prolongation respectueuse. Il y a peu à sauver dans ce remake méga-cheap de l’original, dont le potentiel fendard est gâché par un ventre mou interminable. Autant dire qu’on n’était pas trop réjouis à l'idée de sauter dans le bain de cette suite de suite, apparemment toujours aussi opportuniste et pas beaucoup moins racoleuse.

Narrativement, ce n’était pas gagné non plus. Peur Bleue 3 reprend la ligne conductrice de son prédécesseur. Le concept de manipulation génétique permet d’insérer à la truelle un cri du cœur écologique pro-squale qui ferait passer un discours de Greta Thunberg pour une incitation au braconnage de masse. Pour faire simple, il y a les gentils et les méchants requins. Les premiers sont les paisibles animaux que l’homme détruit pour ses expériences et les seconds sont des abominations génétiques conçues par un non moins abominable entrepreneur pharmaceutique aux motivations mégalo.

 

photo, Tania Raymonde, Alexander Bhat, Emerson Brooks, Reina AoiTeam gentils au rapport

 

Comme dans le second opus, l’héroïne est une sorte d’activiste survoltée au temps de réaction digne d’un utilisateur Twitter. Moins honteusement sexualisée que Danielle Savre dans Peur Bleue 2, elle remonte au moins la fermeture de sa combinaison de plongée. 2020 oblige, elle partage sa passion pour les grands blancs dans des vlogs sous-marins sur une île de pécheur vide de figurants et sur le point de couler, en compagne de son équipe. C'est un sacré matos pour faire des vidéos de requins et ça tombe bien : son ex (oui, oui) débarque sur l’ile en question à la recherche de bestioles boulimiques, causant quelques tensions dans ce bel écosystème tout de rose et d’arcs-en-ciel. Bref, on est presque en présence d’une redite exotique du 2, qui nous épargne quand même les bébé-requins-piranha et les couloirs multicolores.

Et pourtant dès le premier plan, on sent que ça va être mieux. Suivant à la trace le fameux trio de requins nageant en formation, la caméra prend son envol pour présenter le décor en guise de scène d’introduction. Un décor déjà bien plus intéressant que la pauvre plateforme en bois et le laboratoire en polystyrène qu’on s’est farcis auparavant. C’est là la principale qualité du long-métrage vis-à-vis du faux téléfilm auquel il succède : il est mieux réalisé. Loin de se contenter de ridicules plans serrés évitant à tout prix les contre-champs remplis de techniciens en bermuda, la mise en scène respire un peu, surtout lors des séquences de confrontation sous-marines, où les plongeurs semblent vraiment interagir avec la faune environnante.

 

photoWho let the sharks out ?

 

REQUIN BOURRIN

Ne mettons pas le sous-marin avant les requins : ce n’est pas non plus du Béla Tarr avec des nageoires. Peur Bleue 3 reste dans la case « série B débile » et ne tente jamais d’en sortir, quitte à s’avérer franchement brouillon par moments, que ce soit au niveau du récit ou de la gestion de l’espace. Car si John Pogue fait preuve d’inventivité dans sa mise en scène, il doit quand même composer avec un décor quasi unique qu’on imagine exigu, et la compréhension de l’action en pâtit.

Le traitement des personnages ne s’élève pas non plus au-dessus des standards du direct-to-video fauché. Souvent pauvrement caractérisés quand ils ne font pas de la figuration améliorée, ils servent avant tout de chair à canon, ou plutôt de chair à squale. Déjà à l’affiche du triste Texas Chainsaw 3D, Tania Raymonde cabotine beaucoup, mais porte vraiment le long-métrage sur ses épaules. Ses collègues masculins font en revanche preuve d’un charisme inversement proportionnel à la taille de leurs triceps. On n'en demande pas plus d’une bande d’antagonistes limités à leur fonction : perdre et se faire manger. Et voilà un rôle qu’occupe avec une certaine jubilation un Bren Foster dans son élément.

 

photo, Nathaniel BuzolicUn impact moins grand qu'une pièce de 2 euros sur tes pectoraux ?

 

Et tant mieux que Robert Pattinson ne débarque pas en Capitaine Igloo, puisque le gros du budget peut ainsi être alloué à ce qui intéresse vraiment les amateurs de festin sous-marin que nous sommes. Non seulement ce 3ème opus marque une amélioration dans le rendu des effets spéciaux, mais en plus il s’avère tout à fait différent dans leur traitement, n’hésitant pas à multiplier les interactions entre les requins et les humains.

L’intrigue bourrin se tortille très vite pour laisser place au spectacle et à quelques séquences vraiment jouissives, à l’instar d’une envolée héroïque éphémère ou d’une décapitation magnifiquement orchestrée. Si certains passages se débinent un peu, notamment quand le film s’essaye à la castagne façon Steven Seagal en short haïtien, l’ensemble se relance sans mal régulièrement dans une gradation gustative ne laissant pas le temps au spectateur de s’ennuyer. Les débordements gores ne sont pas en reste : certes numériques, ils restent suffisamment bien amenées pour faire mouche.

 

photo, Tania Raymonde"Derrière toi, c'est affreux!"

 

John Pogue évite de justesse de se vautrer dans les ventres mous qui plombaient le deuxième opus pour revenir à une forme d’efficacité indéniable, rendue possible par l’aspect foutraque de la production. De fait, si la première suite est un exemple de ce qu’il ne faut pas faire avec ce type de sujet, Peur Bleue 3 est un modèle de ce qu’il faut faire pour se dépatouiller avec un budget réduit et un pitch encore plus débile que ses personnages.

Bien sûr, ça ne vaut pas The Reef, Instinct de survie47 Meters Down et tous ces films de requins minimalistes et délectables qui échouent sur nos écrans de temps à autre, mais ça reste franchement honnête et plutôt divertissant pour la troisième itération d’une saga traitant de requins intelligents.

Retrouvez notre mal-aimé sur le premier film de la franchise ici.

 

photo

Résumé

Peur Bleue 3 reproduit les tics exaspérants de son prédécesseur, mais ne lésine pas sur le shark-porn pour un résultat autrement plus généreux et pas si désagréable à regarder les pieds dans l'eau.

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commentaires
M1pats
16/08/2020 à 01:53

J adore les films d horreur pure comme par exemple la serie section de recherche sur tf1 (souvent 1 mort des le debut).
Mais j aime pas trop quand il y a des monstres, ou trop de morts.
J aime pas trop non plus quand ya un tueur, ou quand ca fait un peu trop peur.
Alors la les dents de la mer bleu 3,j oserais pas rzgarder je crois

Nick Tamer
11/08/2020 à 12:14

J'attendais cette critique !!! Et j'avoue être un peu mitigé à l'issue du visionnage...
D'un côté c'est effectivement un film qui emprunte les sentiers du nanar mais qui ne s'y lance pas à corps perdu, d'où un film de série B moyen qui ne deviendra pas à un plaisir coupable.
De bonnes choses et quelques bonnes idées pour, malheureusement, une interprétation des acteurs à la ramasse, trop de requins en 3D, une fin féministo-ridicule (c'est dans l'air du temps)...
Nous avons aussi le droit au Dwayne Johnson du pauvre dans ce film ^^

Piwi
11/08/2020 à 10:01

@coco

Quelle fille n'est pas stupide ? Saffron Burrows dans Peur bleue ? Bah oui, comme je le disais. C'est un personnage nuancé, une femme ambitieuse, avec une blessure intime, prête à aller loin pour aider l'humanité avec son projet. Je répète ce que j'étais venu dire : son perso a été tué car le public la trouvait pas assez douce, gentille et classique comme héroïne. Nul doute qu'elle aurait moins énervé si ça avait été la fille cliché, et pas la scientifique au caractère bien trempé, pleine de contradictions.

Je répondais au "il est plutôt rare de trouver un film d'horreur ou acune filles ne survient et il reste que des mecs" : historiquement, la fille est une victime dans l'histoire du ciné d'horreur. Comme les blacks oui, encore un autre sujet (même si le black de Peur bleue c'est le descendant de certains clichés : cuistot cool, qui fait des blagues tout seul avec son perroquet, aime la musique etc).

Numberz
10/08/2020 à 22:13

@ momo

Aquatica

Bubble Ghost
10/08/2020 à 22:02

J'ai beau adorer Tania Raymonde, je trouve quand même que le 2.5 est bien généreux...

coco
10/08/2020 à 21:59

@Piwi : Sauf que si je me souviens bien, l'héroine est loin d’être stupide (même si en effet elle est sous vetement un moment) .Pour moi la fille avait clairement l'image de la survivaliste qu'on voit dans pas mal de slasher (Hallowen,Scream, Wishmaster).Après oui quand j'ai appris la véritable raison, sa mort est plus "polémique"

Par contre a l'époque, le black lui arretait pas de crever,y'a même un cliché à ce sujet je crois. Le plongeur a en effet le profil pour survivre

Momo
10/08/2020 à 19:51

disponible sur quelle plate-forme ?

Piwi
10/08/2020 à 19:18

@coco

Le cliché ultime des films d'horreur notamment slashers, est pourtant la victime féminine un peu bête, un peu dénudée. C'est donc plutôt la norme, historiquement, de sacrifier les personnages féminins.
Pour Peur bleue, j'ai rien contre la fin. Je trouve juste amusant qu'elle soit une preuve d'obéissance à une pseudo morale (punir cette femme ambitieuse, qui a un trauma d'enfance, et va trop loin dans ses recherches, quitte à sacrifier des vies humaines et prendre des risques fous), face à un public qui préférait que le black comique et le héros cliché soient les vainqueurs.

coco
10/08/2020 à 18:46

@Piwi : Ce que j'avais trouvé plutot "original" a l'époque, il est plutôt rare de trouver un film d'horreur ou acune filles ne survient et il reste que des mecs.. Et surtout des personnages un peu 2nd role et peu lié à l'intrigue

Piwi
10/08/2020 à 16:08

@thierry A

Ce qui rappelle que la fin du premier Peur bleue a été retournée pour que l'héroïne meurt, car elle était pas assez gentille et hollywoodienne, il fallait la punir, donc le public des projo-tests était pas content qu'elle survive. Le studio a changé ça (rafistolage avec un jour de tournage en gros, selon Harlin), les mecs cool et simplets étaient les survivants, ils étaient contents.

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