Thalasso : critique Xanax Cinematic Universe

Simon Riaux | 21 août 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 21 août 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Ils sont affreux, pas franchement sales, mais méchants comme il faut. Il s'agit du réalisateur Guillaume Nicloux, de l'écrivain Michel Houellebecq et du comédien Gérard Depardieu, réunis pour une Thalasso blafarde, qui se transforme rapidement en jeu de massacre verbal et aviné.

PEELING À L'ACIDE

La critique aura noirci des pages d’exégèse ou d’attaque à l’endroit du style en creux de Michel Houellebecq, sa langue faussement tiède et ses horreurs vraiment drôles. Peut-être le seul cinéaste aujourd’hui à pouvoir en revendiquer la transposition à l’écran est-il Guillaume Nicloux.

Capable d’un formalisme parfois vertigineux (encore tout récemment dans Les Confins du monde), le metteur en scène explore depuis L'enlèvement de Michel Houellebecq, un terrain plus aride, dépouillé, qu’il a également investigué avec Depardieu dans The End. C’est donc tout logiquement que ces deux prolongations de son cinéma entrent en collision dans Thalasso.

Découpage réduit à sa plus simple expression, photo numérique un brin baveuse, mouvements atones… la caméra est ici une extension du décor unique, à savoir un centre de Thalasso parfaitement entretenu, irrémédiablement anxiogène. L’image laisse donc toute la place à l’écrivain et à l’acteur de génie pour se vautrer complaisamment dans un jeu qui frise souvent l’autoparodie. Un créateur empêtré aux ambitions présidentielles et un ogre qui se dévorerait lui-même s’il avait l’assurance de se régaler décident donc de dézinguer tout ce qui bouge, et parfois, ce qui ne bouge pas.

 

photoGérard Depardieu et Michel Houellebecq

 

Totalement libre, le duo cause cinéma bien sûr, politique évidemment, le tout en s’inquiétant de brûlures carboniques de bite et de la qualification moyenne du personnel. Si chacun est à sa manière un artiste sulfureux autant qu’un dégorgeoir à polémique, l’intelligence de Guillaume Nicloux consiste à jouer de cette alliance démente, sans l’abandonner à la complaisance.

Son film capte merveilleusement l’énergie absurde, le rire désespéré qui secoue ces deux carcasses, mais capture aussi ce que cette euphorie mauvaise contient de mortifère, de posture, bref, de pure angoisse.

 

photoDrame de la cryogénie

 

LAVEMENT AU CITRON

Pour qui goûte à la fois le plaisir de retrouver cette paire de sacrés monstres, et l’excitation de sale gosse consistant à les voir picoler, déblatérer leur détestation du monde tout en se livrant à un précis précipité qu’aurait pu écrire Philippe Muray s’il eût préféré le gros rouge qui tache à la cigarette, l’orgasme régressif sera total.

On a beau se réjouir de la distance goguenarde qui pointe ici et là, on regrette un peu que Gérard Depardieu et Michel Houellebecq jouent une partition finalement bien prévisible tant elle se limite à une caricature assez simple, unidimensionnelle. Un dispositif qui exige, pour conserver de son alacrité perverse, un récit dense et ramassé. Malheureusement, cette Thalasso prend un peu trop son temps.

De prime abord, le semblant de renoncement dramaturgique de Nicloux apparaît rafraîchissant, autorisant le spectateur à s’immerger totalement dans cette rêverie bizarre. Puis progressivement, la structure très répétitive des joutes entre les deux compères attaque le dispositif, alourdit l’ensemble et nous perd peu à peu. On s’amuse du retour des lascars kidnappeurs de L'enlèvement de Michel Houellebecq, toutefois, le Xanax Cinematic Universe manque encore de cohérence, d’allant et donc de vie organique. Une pesanteur qui réserve la Thalasso du réalisateur à des patients déjà bien attaqués.

 

Affiche officielle

Résumé

Bordélique, trop longue et parfois un chouia paresseuse, cette Thalasso réserve tout de même des trésors d'absurdité et de misanthropie rigolarde.

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Lecteurs

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commentaires
Pat
24/08/2019 à 12:05

L'affiche fait songer à un film de Mocky.

Brasch-Eazy-E
22/08/2019 à 20:27

"Xanax Cinematic Universe" !!!

Merci, vous avez égayé ma journée :)

Ankytos
22/08/2019 à 15:13

@Robo
Alors on peut dire qu'il "hante" Paris ?

Robo
22/08/2019 à 15:03

Dire que M.H vit à Paris me semble un peu exagéré pour parler d'une sorte de mort-vivant. Disons plutôt qu'il habite à Paris. Vivre n'est pas un verbe qui s'applique quand on parle de M.H.

Simon Riaux -
22/08/2019 à 12:27

Extreme Goth peut être.

Simon Riaux
22/08/2019 à 12:12

@bof

Ecran Barge, ce célèbre site d'extrême gaute.
Espèce de gautiste.

bof
22/08/2019 à 12:09

La figure extra diégétique des 2 têtes d'affiche n'aidera pas le film, ils sont trop marqués à l'extrême gauche ou droite, fin bon c'est pareil, les militants va et vienne dans ces partis. Et la France vote à plus de 70% contre, ... Encore que pour le site ça peut le faire, le gros de l'audience est d'extrême gaute alors bon.
Perso je ne connais pas le travail de Houellebecq, mais j'ai bien assez entendu parler de ses prises de positions trumpiste pour ne pas avoir envie de le voir.
Quant à depardieu, depuis que je l'ai vu en interview insulté une chargé de pro us qui ne parlait pas français, pour de la nourriture pas à son gout ... sans compter ses amitiés avec des dictateurs et les points positifs qu'il trouve aux dictatures où il va ... l'exil fiscal, ... ses relations avec ses gosses ...

Simon Riaux
22/08/2019 à 09:54

@Ankytos

Vous avez raison, je me suis agacé de bon matin, et emporté.

Ankytos
22/08/2019 à 09:34

@Simon Riaux
Un peu passif-agressif comme réponse à Sharko. Ce n'est pas très pro, vous pouvez faire bien mieux. L'acrimonie de la remarque ne vous était pas destinée et la référence à l'exil fiscal n'était pas totalement erronée, simplement dépassée. Je pense qu'on est pas tenu de se tenir constamment à jour des faits et gestes de quelqu'un dont on a pu ne pas apprécier les actes ou propos sans que cela soit renvoyé sur ce ton. En cas d'erreur comme ici, on peut corriger aimablement. Restons courtois (même si j'imagine que la réponse n'était pas forcément méchante) et bonne journée à tous.

Simon Riaux
22/08/2019 à 09:01

@Sharko

Vous n'avez manifestement pas non plus le temps de vous informer.

Houellebecq vit dans le 13e arrondissement de Paris.

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