Rocketman : critique team Rocket

Lino Cassinat | 1 mai 2023 - MAJ : 02/05/2023 11:01
Lino Cassinat | 1 mai 2023 - MAJ : 02/05/2023 11:01

Soyons honnêtes, après la pantalonnade Bohemian Rhapsody (officiellement de Bryan Singer mais dont tout le monde sait que le tournage a été sauvé par Dexter Fletcher, réalisateur du présent film), on ne donnait vraiment pas cher de Rocketman, biopic d'Elton John emmené par Taron Egerton. Pardonnez nous notre offense, on ne savait pas ce qu'on faisait.

TEAM ROCKET

Petit rappel pour ceux qui ne connaîtraient pas : Elton John est une pop-star exubérante ayant émergé au tout début des années 70 et dont le succès a été aussi fulgurant que phénoménal (pour info, il a vendu plus d'albums que Queen). Évidemment, ce succès colossal ne signifie pas que la vie du Rocketman a été simple pour autant, bien au contraire.

Derrière les costumes flamboyants se cache un homme vulnérable, en lutte contre son image de petit gros homosexuel, en proie aux vicieux manipulateurs de tous bords (parents et managers en tête) et aux prises de ses nombreux abus de substances.

 

photo, Taron Egerton, Bryce Dallas HowardBonjour, je vous déteste tous

 

Nanti d'un pitch pareil, sorti quelques mois après le turbo-carton Bohemian Rhapsody et de nouveau avec Dexter Fletcher à la barre, les comparaisons avec le biopic sur Queen étaient inévitables... et la surprise est totale. L'écart qualitatif entre les deux oeuvres est absolument abyssal, et si Rocketman a bien quelques défauts, le film est néanmoins un excellent moment qui réussit quasiment partout où Bohemian Rhapsody échouait.

Cette réussite, Rocketman la doit en premier lieu à son genre, beaucoup plus proche du musical flamboyant que du biopic lénifiant (on n'a pas compté, mais à vue de nez il y a un peu plus de chanté que de dialogué). Une forme qui, par essence, tolère bien mieux les gros dialogues dramatiques sur la destinée torturée et le génie musical du héros, puisqu'ils sont enrobés dans l'outrance des séquences musicales chantées et dansées. Un choix gagnant donc.

 

photo, Taron EgertonUn biopic ? Un musical, c'est mieux en fait

 

DEXTER L'EXPERT

Rocketman partait pour être un biopic ultra-académique et aseptisé, mais Fletcher s'est senti très bien inspiré en ajoutant une grosse dose de Moulin Rouge ! ou de Anna Karénine. Sans être aussi baroque que ces deux oeuvres (d'ailleurs ne cherchez pas les fesses de Taron Egerton ou Richard Madden), Rocketman tend vers une fièvre similaire, ce qui, couplé à la prestation énergique de Taron Egerton, le rend très récréatif.

Dexter Fletcher fait ici feu de tout cinéma et explore cette fois toutes les possibilités que son medium lui permet. Le moyen de tordre l'espace-temps avec malice et pertinence, et opérer des transitions avec un style et une finesse qui fleurent bon le old-school. Ainsi, en témoignent la complexe séquence au restaurant, ou l'ouverture du film dans le lit de l'enfant Reginald.

 

Photo Taron EgertonTaron Egerton au top du top

 

Pertinent, Dexter Fletcher l'est aussi dans son écriture. Si on avait étrillé (et nous n'étions pas les seuls) Bohemian Rhapsody sur sa représentation "maladive" de l'homosexualité de Freddie Mercury, celle d'Elton John est en revanche parfaitement maîtrisée. Il est clairement victime non pas de ce qu'il est, mais bien de ce qu'on fait de lui.

Une différence cruciale et un point de vue particulièrement efficace, puisque les plus habiles et touchants moments de Rocketman sont ceux portés par ce thème ô combien difficile et les dures confrontations qui en découlent. Au point que, en filigrane, c'est bien ce combat là qui devient naturellement le moteur principal du film, sans pour autant phagocyter le récit et s'imposer avec de gros sabots. Un bel exercice d'équilibriste en somme.

 

photo, Taron Egerton, Richard MaddenIl est vachement moins sympa qu'avant Robb Stark

 

TA FUSÉE, ELLE TONNE

Cependant, si Rocketman emporte facilement le spectateur, une fois l'emballement d'un climax jouissif retombé, un constat s'impose : si le film a beaucoup plus de cran et d'honnêteté qu'on attendait de lui, il n'en reste pas moins un pur exercice hagiographique (Elton John en est d'ailleurs producteur avec la Paramount).

L'artiste voit ses travers auto-destructeurs mis à nu pour être mieux magnifié. On salue déjà ce courage là, mais il n'est jamais franchement confronté quand ses actions détruisent d'autres personnes que lui-même. Cela pousse Rocketman a faire quelques pirouettes un peu déplacées, notamment en ce qui concerne la pauvre Renate Blauel, pour ne pas trop abîmer son personnage principal. Dommage.

 

Photo Taron EgertonRenate qui ?

 

À cause de son genre hybride, Rocketman pâtit également d'un rythme assez bâtard. Rien qui ne gêne franchement au visionnage, mais on a l'impression qu'à force de faire l'aller retour entre deux genres, Dexter Fletcher s'emmêle un peu les pinceaux.

Certains dialogues sont ainsi très bizarrement montés, trop empressés. Dommage à nouveau, car avec à peine 2h au compteur Rocketman n'aurait pas particulièrement souffert de 5 minutes supplémentaires.

 

Affiche

Résumé

Si Rocketman n'invente pas la poudre, il décolle bien et amène la formule du biopic musical grand public au stade supérieur. Et Dexter Fletcher pourrait bien s'imposer comme un nouvel artisan fort pour les studios.

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commentaires
Flo
14/06/2022 à 12:41

Tous les codes du biopic musical hollywoodien classique sont là, avec l’enfance, le talent, les traumas, la gloire, la chute, la rédemption, les cartons de fin…
Mais, là où le réalisateur Dexter Fletcher terminait un « Bohemian Rapsody » hyper timoré, mais tenu par le côté super galvanisant de Queen… Ici le biopic se travesti, à l’instar de Elton John, en une petite comédie musicale joyeuse et explosée autant que rude.
Tout n’y est pas toujours réussi, le procédé étant rationalisé par son introduction via une confession du chanteur – montrant que tout ce qu’on y voit n’est que son point de vue…
Certains effets étant également didactiques (il y devient littéralement le Rocketman)…
Les chansons correspondant aux épisodes de sa vie ne nous prennent pas toujours par surprise, si ce n’est par l’identité de certains de leurs chanteurs. Et évidemment que « I Still Standing » sera là à la fin, mais dans un mélange entre (clip) réel et acteur qui permet la transition de la Fiction à la Réalité, donc à la Conclusion. Mettant de côté les chansons suivantes, un peu moins fortes alors qu’il commence à devenir clean.

S’il manque des moments référentiels autour des autres artistes sexués contemporains à Elton John (Liberace est une brève évidence) ainsi que, comme toujours avec les films musicaux, le rapport avec le public (une jolie communion lors du concert au Troubadour, une mise à nue face à des addicts anonymes, et c’est tout)…
Le portrait égocentrique mais touchant du bonhomme n’a de place que pour traiter tout simplement d’une énorme carence affective, venant contrebalancer le fait qu’il soit artistiquement et physiquement béni (malgré ses divers excès).
Carence qui concerne ses plus proches, déceptions totales. Pour mieux mettre en valeur un amour amical concret avec son parolier Bernie Taupin, et la recherche d’une acceptation personnelle.

Accessoirement, la conclusion d’une trilogie « fantôme », où Taron Egerton se confond une ultime fois avec Elton John après « Tous en scène » et le deuxième « Kingsman ».

Nikita et une chanson d’Elton John
11/06/2022 à 23:14

Rocket man est effectivement sorti après 2 films musicaux qui ont été des cartons : À star is born et Bohemian Rhapsody.
Cela faisait beaucoup et il fallait une approche vraiment originale pour se démarquer favorablement et emporter le morceau. Ce n’est pas le cas ici et si le film se laisse agréablement regarder il ne communique pas la ferveur des deux précédents le premier emporté par une Lady Gaga magistrale et le second par des tubes plus addictifs et forts en énergie et par le drame latent du sida et peut importe les écarts pris avec la vérité !
Au total j’ai vendu les 3 blu ray, racheté les 2 premiers en 4 k et pas le 3eme. A la place j’ai regardé 4 mariages et un enterrement pour la 100 eme fois et la scène du mariage ou se joue la reprise de Crocodile rock m’a procuré plus d’émotion que ce film. Dommage

Flash
10/06/2022 à 20:46

Vu lors de sa sortie, j’ai vraiment aimé, plus que « Bohemian Rapsody».

Blackryu
26/05/2020 à 01:47

Jamais je n'avais autant regardé ma montre durant une projection, attendant la fin avec une impatience trépidante...
Du mauvais cinéma dans tout ses poncifs qui n'épargne rien au genre... Un pseudo biopic d'auto glorification du producteur qui oublie l'essentiel : l'œuvre musicale de Sir Elton... Là où Bohemian Rapsody a su rendre un hommage digne de ce nom à l'œuvre de Queen, la bouillie pelliculaire de Rocketman se vautre lamentablement... Il y avait pourtant matière... Dommage !

Opale
27/04/2020 à 11:07

Vu hier soir (le confinement a ça de bon que ça permet de rattraper le retard de visionnage): je me suis régalé! Et bien que la comparaison avec Bohémien Rapsody soit inévitable les deux films n'ont rien à voir tant sur le fond que sur la forme... Rocketman est bien plus honnête dans son propos, mieux fait, mieux réalisé et j'irai jusqu'à dire mieux interprété car non parasité par l'horrible prothèse dentaire que portait R. Malek (lui même excellent, mais bon...)! Donc super surprise!!!!

Jokjc
01/06/2019 à 10:57

Un régal
Autant bohemian rhapsody est allé dans la facilité et s'est juste reposé sur la construction du groupe et des œuvres, autant il y un vrai risque de la part de fletcher à construire rocketman sur une expérience musicale
Et ça fonctionne, emballé sur les thèmes de EJ et mis en avant dans la rédaction des moments forts de sa vie, les 2 heures sont jouissives
Et bravo à l'acteur.

Ma vraie bonne surprise de 2019 pour le moment

Babar77
30/05/2019 à 21:09

Bohemian Rhapsody est tout sauf un chef d'oeuvre... c'est un petit biopic sympa mais pas du tout un grand film.
Le film a sans doute fait succès grâce à sa bo que beaucoup de djeuns et de fans ont découvert ou redécouvert. Le côté vintage underground joue aussi je pense.
Puis c'était l'occaz pour beaucoup de djeuns de découvrir de la vraie musique. Ce sont les albums de Queen les véritables chefs d'oeuvres... le film ne fait que les mettre en valeur.. et encore seulement en partie

Chewie52
29/05/2019 à 19:56

Mouais mouais mouais. Pas sûr qu'on ait vu le même film....
Un bon film certes, mais rien à voir pour moi avec le chef-d'œuvre qu'est Bohemian Rhapsody.

Opale
24/05/2019 à 14:02

Me voilà rassuré! Merci!:))

Geoffrey Crété - Rédaction
24/05/2019 à 12:38

@Opale

Comme je le disais : pas d'inquiétude, ce n'est pas du tout l'idée ! Ecran Large restera très largement ouvert sans abonnement.

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