En eaux troubles : critique des dents de la mer de Chine

Geoffrey Crété | 10 mai 2021 - MAJ : 11/08/2023 18:58
Geoffrey Crété | 10 mai 2021 - MAJ : 11/08/2023 18:58

Jason Statham affronte un requin géant préhistorique dans En eaux troubles réalisé par Jon Turteltaub, adaptation du livre de Steve Alten avec également Bingbing Li, Ruby Rose, Cliff Curtis et Winston Chao. Pour l'amateur de films du genre, qui ne s'est rien mis sous la dent depuis Instinct de survie et 47 Meters Down, c'est un rendez-vous pris depuis des années, le film étant en développement depuis deux décennies. Et pour l'amateur de blockbuster décomplexé, c'est l'occasion rêvée d'inaugurer l'été. Sauf que c'était moyennement à la hauteur.

A noter : depuis, The Meg 2 alias En eaux très troubles est sorti, et c'est mauvais.

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NAGE DROIT DEVANT TOI 

Dans une autre dimension, The Meg alias En eaux troubles aurait été un film méchamment drôle et cruel et sanglant, où une bande de stéréotypes affronte un requin géant ressurgi de la préhistoire, lequel orchestre un joyeux massacre d'une folie et d'une démesure à la hauteur du pitch. Le réalisateur Jon Turteltaub (Rasta RockettBenjamin Gates et le trésor des Templiers) avait plus ou moins prévu et tourné cette version gore, et Jason Statham en était le premier ravi. 

 

 

En réalité, En eaux troubles est avant tout une coproduction entre Hollywood et la Chine, qui a coûté dans les 150 millions, sans compter le marketing. Autant dire que personne n'est vraiment là pour rigoler : il y a là l'un des films de requins les plus chers qui soient et donc, l'obligation de le façonner sur le modèle d'un blockbuster classique. À savoir, un film qui doit intéresser et satisfaire un public large, et ne rebuter ni les âmes un peu sensibles, ni les adolescents qui seraient bloqués à l'entrée par une interdiction. Nul doute que le départ d'Eli Roth, réalisateur de Hostel engagé sur le projet en 2016, a quelque chose à voir avec ces contraintes de business.

Entre donc en scène ce Meg calibré pour faire sursauter, mais pas trop, faire peur, mais pas trop, faire rire, mais pas trop, faire venir la petite larme, mais pas trop, et surtout faire du fric - et là, ce ne sera jamais trop. Pas un problème au fond pour quiconque en a conscience dès l'entrée, et est prêt à pardonner les limites du spectacle.

 

photo, Jason StathamJason Statham

 

JURASSIC SPLASH 

Dans En eaux troubles, il est donc question d'une fosse des Mariannes plus profonde que prévu, que la direction de la station scientifique Mana One décide d'explorer pour la toute première fois en envoyant une petite équipe. Envoyer un robot en éclaireur aurait évité bien des drames, mais surtout privé le film d'une première partie fort amusante, où le trio est attaqué par le Mégalodon, et se retrouve bloqué au fond de l'océan.

Who you gonna call ? Jason Statham. Il a croisé la route du bestiau des années avant lors d'un sauvetage où il a décidé de sacrifier quelques hommes, avant d'être pris pour un fou lorsqu'il a expliqué qu'il avait simplement fui un requin préhistorique géant. Si dans le livre, ce Jonas Taylor était mené par son désir d'être réhabilité, et cherchait à tout prix à faire éclater la vérité sur la créature, il est dans le film un faux cynique désabusé, dont l'alcoolisme est illustré par une omniprésence de bières dans ses maigres scènes de présentation. Les différences avec le livre sont d'ailleurs si nombreuses, qu'il est préférable de ne pas s'y attarder.

 

photo, Jason StathamJason joue le drame intime indicible 

 

Il suffira de mentionner une ex-femme (qui ne sera absolument pas importante dans son arc dramatique) pour que le héros change d'avis. Il suffira qu'il ait posé les pieds sur la station quelques instants pour qu'il décide de plonger dans l'eau afin de sauver la scientifique, qui est partie sauver les autres scientifiques. Et il suffira d'une poignée de secondes pour qu'il ravale son trauma, et reparte vers le cauchemar. 

En eaux troubles démarre donc relativement vite et plutôt bien, avec une ambiance délicieuse lorsque ce petit monde se retrouve entouré de bestioles des profondeurs, de la petite araignée à la pieuvre géante. L'amateur d'aventures aquatiques sera ravi de voir de clinquants submersibles aux parois vitrées aussi ridicules que réjouissantes, évoluer dans des étendues immensément sombres et mystérieuses. Le péril est grand et programmé pour les protagonistes, et le plaisir quasi instantané pour le spectateur. Malheureusement, il ne sera pas aussi épique, grand et fou que prévu.

 

Photo Jason Statham, Bingbing LiChine, USA : le début d'une histoire d'amour officielle

 

UN PRIX DANS L'OCÉAN

Passons sur les réactions plus débiles les unes que les autres des personnages, qui devraient en toute logique condamner l'espèce humaine à disparaître vu leurs décisions face à un danger si grand. Passons également sur l'humour, qui coule à pic neuf fois sur dix, et semble avoir été injecté à intervalles réguliers et contre toute logique pour dédramatiser l'horreur et donner un peu de vie à des personnages transparents (Page Kennedy et ses blagues, la pseudo rebelle tatouée qui trouve le temps de se recoiffer). Passons enfin sur la proportion de dialogues absolument grotesque, qui forcent notamment Jason Statham et Bingbing Li à interpréter des lignes gênantes comme s'il s'agissait de Shakespeare.

99% des spectateurs qui iront voir En eaux troubles n'auront qu'une chose en tête : le requin. Et de ce côté, le résultat est à moitié satisfaisant tant le mégalodon avance dans les clous. Un paradoxe grinçant quand on a en tête les dimensions absurdes du prédateur, qui se retrouve à n'avoir que quelques maigres morts sur la conscience au cours du film. Le voir débarquer sur une plage bondée parmi des centaines de baigneurs fluo, et ne comptabiliser que quelques victimes, illustre bien à quel point Jon Turteltaub n'a pas pu jouer comme prévu avec son véritable acteur principal.

 

photoMétaphore du public protégé du plaisir par les producteurs

 

Le réalisateur a évoqué des scènes sanglantes parfaitement assumées, mais coupées au montage (notamment des héros qui mettaient un moment à réaliser qu'un collègue qu'ils pensaient vivant n'était qu'une tête), et sans surprise, il n'y a rien de bien méchant à l'écran. Inutile de guetter un moment à la Samuel L. Jackson dans Peur bleue : En eaux troubles se contente, au mieux, de jouer sur l'attente et décaler l'effet d'une minute ou deux. 

Si le réalisateur s'en sort bien avec les CGI et les effets spéciaux (hormis quelques plans pas bien fins), et gère avec un certain talent les ingrédients pourtant indigestes qu'il a à disposition, le sentiment d'avoir un Meg sous muselière est omniprésent. C'est plus un jeu qu'un massacre tant la menace semble sous contrôle, et de plus en plus clairement à mesure que le film avance. L'apocalypse semblait inévitable avec une telle machine à dépecer dans les eaux, proche des cotes, mais c'était sans compter sur la nécessité d'éviter tout bain de sang ou image choquante. Le body count est si mince que même le clébard avec un nœud rose survit.

 

photo Tu as de grandes dents, mais ce n'est pas pour mieux les manger

 

SEA, SHARK AND FUN

Une fois digéré ce que The Meg aurait pu et dû être, une fois accepté que ce qui a en partie été tourné a été coupé ou retourné, il n'y a plus qu'à consommer ce que le film offre. Et ce n'est pas difficile vu comme le spectacle reste sympathique et ultra distrayant. Si la trame est bien bancale et pauvre, et que la narration avance par à-coups sans véritablement épouser les motivations de son héros, Jon Turteltaub sait arranger l'action et le suspense.

Un sauvetage périlleux à plus de 11 000 mètres de profondeur, une course-poursuite insensée dans l'eau, une cage bien trop transparente pour être honnête : le réalisateur offre régulièrement des soubresauts de show parfaitement séduisants et excitants, où il tire sur la corde hollywoodienne avec suffisamment de savoir-faire et de discret second degré, pour donner à l'aventure un petit côté décalé. La première moitié du film est à ce titre la plus efficace, offre quelques séquences parfaitement réjouissantes, quand le climax se révèle plus scolaire.

 

photoHélico sur Meg : fiasco pour la peine

 

Et peu importe si chacun aura envie de distribuer des baffes selon où son degré de tolérance (la môme qui parle comme une adulte et sa mère scientifique-jolie-mais-pas-demoiselle-en-détresse-sauf-que-si, arrivent probablement en tête), et pourra aisément lister le nombre d'incohérences et débilités filmées et racontées sans même le vouloir. En eaux troubles n'a qu'une mission : offrir deux petites heures de gros requin vs petits humains.

C'est simple, et sûrement un peu bête pour ceux qui ne sont pas sensibles au charme des squales. Mais ce serait bien bête, justement, de bouder un tel plaisir, tant un film à 150 millions avec un requin préhistorique est une denrée bien rare, qui mérite donc un coup d'œil. Dans le principe, il rappelle d'ailleurs Life - Origine inconnue, qui était lui aussi un film pétri de défauts et englué dans des références lourdes, particulièrement cher et donc spectaculaire, voire précieux, pour le genre. 

En eaux troubles bénéficie ainsi d'une bienveillance à la hauteur de l'appétit de son mégalodon, qui ne bouffe finalement pas grand-chose malgré sa grande gueule, aussi grosse que sa campagne marketing. Mais il ingurgite suffisamment pour rassasier le spectateur.

 

Affiche française

Résumé

En eaux troubles n'est pas le gros film azimuté et spectaculaire espéré, se prend trop au sérieux avec ses personnages et ne dépasse jamais vraiment la ligne du spectacle hollywoodien. Mais le divertissement reste largement assuré, et devrait réjouir tout amateur du genre qui accepte qu'il a sous les yeux un blockbuster cher, et donc calibré.

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Lecteurs

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commentaires
anonyme 18
19/05/2021 à 16:34

moi je trouve se films super bien comparer à toi matrix R dans to deuxième commentaire !

Matrix R
16/05/2021 à 14:13

PS:
Je voulais dire un film censé combiner.
Et en plus celui avec Blake lively est plus jouissif

Matrix R
16/05/2021 à 14:12

Tous ces commentaires pour ce film qu'elle cinéphile, vous m'épatez.
Je m'étais arrêté 30s après la lecture du trailer. Un film sans combiner un héros blanc et une asiat dans la traque d'un requin outrancière ment gigantor??? Mdr.
Jason est pas fais pour ce genre, le Real a laissé son sol, la caméra tournait sans maître pour la guider.
Jaws c'est mieux et c'est suffisant.
Pas ce ce remake poli de sharknado.
Jamais vu ce film, ya qu'à regarder l'image d'affiche de cet article pour comprendre que même un mome s'ennuierait devant cette M******

ragnagnas
10/05/2021 à 20:17

Tout simplement une grosse bousasse ridicule . Des personnages cliché , de l'humour a la con , des chiens chiens a mémère qu'on sauve ( ouf ) un héros qui lui , se prend au sérieux et fout des gnons a un bestiau de 25 m , et j'en passe et des meilleures. En terme de rafraichissement c'est mille fois mieux une bonne bibine , même chaude.

pc
23/11/2020 à 14:32

Le plus : Parfois divertissant,effets spéciaux corrects. Le moins : Dialogues et humour insipides. Personnages clichés à outrance, peu voire pas frissonnant et pas assez trash, script mou. Jaws restant là réference absolue, et instinct de survie une excellente surprise. Dommage car le roman The meg est lui bien plus sympa. Ma note film un petit 5/10

Numberz
23/11/2020 à 07:57

Release Turtleteub's cut

Batsy
23/11/2020 à 05:19

Déçu. Pas terrible. Énervant. D'autant plus énervant que le film a marché au box office, ils vont donc clairement y voir ça comme un bon signal pour la suite que je maudit déjà.

Mg
22/11/2020 à 21:53

Allons voir mon jaws sur megflix

Hobben
22/11/2020 à 21:26

Un très bon film dans le genre, il se place à côté de peur bleue dans mes plaisirs coupables!

Miami81
05/04/2020 à 22:21

Gosse déception. Une réalisation plate, Un monstre qui à la fâcheuse manie de rater sa cible, des personnages dont le nombre de réactions intelligentes semble inversement proportionnel à leur capacité de tomber bêtement des bateaux, des sous marins hi-tech qui filent comme des avions de chasse et un héros qui n'a peur de rien, alcoolique, mais qui ne boit plus. Mais les chiens sont sauvés, l'honneur est sauf même si à priori on les oublie dans l'eau.
Bref, un mélange du pire du cinéma américain (on sauve les enfants et les chiens) avec le pire du cinéma asiatique (patho musical).

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