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Deadpool 2 : critique meta-caca

Par Geoffrey Crété
13 septembre 2021
MAJ : 14 septembre 2023
53 commentaires

Il était quasi enterré suite à son apparition dans X-Men Origins : Wolverine en 2009. Il est quasi adoubé depuis le succès phénoménal de Deadpool en 2016, « petit » film de super-héros à 60 millions de dollars qui en a encaissé plus de 783 au box-office. Le voilà de retour avec Ryan Reynolds, star devant et derrière l’écran de Deadpool 2, réalisé par David Leitch (Atomic Blonde, et co-réalisateur non crédité de John Wick).

X-Force

DEADPOULE AUX ŒUFS D’OR

En encaissant plus de treize fois sa mise dans le film de Tim Miller, le super-héros Deadpool est passé de vilain petit canard sabordé par le boursouflé X-Men Origins : Wolverine et relancé avec intelligence par Ryan Reynolds, à figure centrale de la concurrence face aux Avengers. A l’heure où la Warner a toutes les difficultés du monde à s’imposer avec sa Justice League malgré un catalogue de noms iconiques, et alors que la franchise X-Men commence à sérieusement s’enliser, le super-héros irrévérencieux, drôle, politiquement incorrect et conscient de son statut s’est posé dans le paysage comme une alternative en or.

Comment alors ne pas se prendre les pieds dans son propre tapis tissé de second degré, de clins d’œil meta et de piques lancées à l’industrie, quand on se baigne soi-même allègrement dans l’océan hollywoodien dans lequel on a pissé ? Car derrière la plaisanterie qui torpille gentiment la concurrence, plus par camaraderie finement mise en scène qu’autre chose, il y a un film X-Force prévu pour 2020, et des projets à la pelle pour le Cable incarné par Josh Brolin.

Si Deadpool a bien le droit d’assurer son avenir et sa progéniture, comme tout (bon) produit calibré, Deadpool 2 semble clairement être un pas en arrière. Même formule avec plus d’action et de niaiserie, mais moins d’humour et de rythme : sacré cocktail pour cette suite ratée.

 

photo, Ryan Reynolds Le retour de l’avocat fâné

 

DEADLOL

Aimé, adoré et cité pour son humour, son autodérision, sa capacité à moquer le genre, et briser le quatrième mur pour des avalanches de clins d’œil et références culturelles, Deadpool laisse clairement à désirer dans sa deuxième aventure solo. Ce n’est pas le recours régulier aux mots clés « bite », « cul » et autres « putain » qui va donner un semblant d’énergie aux dialogues et aux scènes, d’une platitude étonnante après un premier opus qui avait au moins pour lui son rythme.

Deadpool 2 se contente ainsi de rejouer grossièrement et paresseusement la même dynamique entre le héros et ses anciens (Colossus et Negasonic Teenage Warhead) et nouveaux complices (Russell, Cable, Domino). Un sentiment de boucle interminable, qui écrase tout sur son passage, que ce soit le charme de Deadpool lui-même, ou le charisme purement théorique des nouveaux personnages. Josh Brolin et Zazie Beetz ont beau avoir un charisme à peu près fabuleux, et bénéficier d’un look très réussi, Cable et Domino se retrouvent figurants de luxe dans la parade Deadpool.

Le générique de début est à ce titre très parlant : Deadpool 2 tente de remettre en scène celui du premier, qui déroulait avec une distance irrésistible le programme basique du film de super-héros – et du cinéma hollywoodien mainstream au fond. Sauf qu’ici, le rendu sous forme de parodie de James Bond est aussi nul que laid, rappelle plus Johnny English qu’autre chose, et surestime trop sa valeur pour son propre bien.

 

Photo Zazie BeetzDomino a beaucoup de chance (sauf celle d’avoir un arc narratif)

 

SOUDAIN, LE VIDE

Deadpool 2 se prend ainsi une à une les portes qu’il avait si joyeusement fait voler en éclats, et ce dès une interminable et bancale introduction à plusieurs démarrages. Elle illustrera parfaitement la difficulté que le film a à prendre forme, puisque dispersé entre plusieurs intrigues très maladroitement assemblées autour d’un remix de Terminator, d’une parodie de film de groupe à la X-Men (qui offre la seule séquence vraiment drôle), et d’une volonté gênante de donner un peu de profondeur humaine au super-héros.

 

photo, Ryan ReynoldsVivement X-Force… ou pas

 

Avec près de deux heures au compteur, la suite se révèle d’une mollesse terrible, donnant l’impression d’une aventure lancée par différents bouts, sans jamais véritablement se trouver ou s’assumer en cours de route. Survendus dans la promo, Cable et surtout Domino n’ont donc pas le temps d’exister, tandis que le môme incarné par Julian Dennison (découvert dans Hunt for the Wilderpeople de Taika Waititi) n’est rien d’autre qu’un outil pour l’intrigue. Les équipiers de Deadpool dans le premier, accompagnés de quelques nouvelles têtes, n’ont aucune autre utilité que celle d’être bêtement piétinés pour un sourire (dans le meilleur des cas), quand l’utilisation d’une figure culte des comics se révèlera bien débile (dans le fond comme dans la forme).

 

photo, Ryan Reynolds Moment censé-être-super-drôle-mais-un-peu-naze #14

 

Le film oscille globalement entre des phases purement dédiées au rire qui semblent être en pilotage automatique (mentionner une couille, citer un autre super-héros, et recommencer), et des séquences d’une niaiserie absyssale, où le second degré aurait été bien utile. Même l’avalanche de scènes post-générique se contente de rejouer les runnings gags brandis depuis un bout de temps maintenant par Ryan Reynolds pour prouver son autodérision, avec une malice qui sent au mieux le renfermé, au pire le cynisme masqué.

Deadpool 2 a pris confiance. Au point de croire qu’avoir le héros qui annonce l’arrivée de « la scène d’action en images de synthèse », le dispense de faire de ladite scène quelque chose d’intéressant ou moins vide et moche que la concurrence. Convaincu qu’il suffit d’un clin d’œil silencieux vers le spectateur ou d’un mot lancé à Logan, Avengers : Infinity War et Batman v Superman : L’Aube de la justice, pour lui donner un passe-droit susceptible de masquer sa laideur en terme de CGI et son manque d’ampleur dans l’action. Persuadé que sa petite parade ronflante de sale gosse régressif, permettra de réhausser une suite tristement peu inspirée, qui entasse les personnages et intrigues pour camoufler le bordel inconséquent de la chose.

 

Affiche

Rédacteurs :
Résumé

Deadpool a trop pris la confiance dans cette suite trop consciente d'elle-même pour son propre bien, et qui rejoue tellement son programme en mode mineur que le spectacle se révèle finalement bien fade et ennuyeux.

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Amnorian

Vous n’aviez pas aimé le premier (2 étoiles 1/2) donc le deuxième, qui semble être dans la même veine, vous ne l’aimez pas, sur le principe c’est logique.
Le premier était sympathique mais n’était pas « plein d’humour et de rythme ». Je n’ai jamais compris le succès de ce film sauf que oui il était irrévérencieux. Le deux suit la même logique, surement que le rythme est plus lent car la il doit y avoir un début de scénario et d’introduction de personnage (ce qui manquait clairement dans le précedent car le méchant n’avait aucun charisme et était introduit à la truelle), voir un méchant qui vaut le coup.
J’irais le voir en me disant que c’est une suite ou une introduction à la X-Force.
Y a t’il un peu plus de moment 4ème mur comme dans la bande dessinée ? (car le premier c’était pas ca non plus.)

Geoffrey Crété

@Amnorian

Pour le coup, j’aurais été moins virulent que mon collègue Simon qui a écrit la critique du premier. Mais pour ma part, il y a un vrai gouffre entre les deux films.

Pour ce qui est du quatrième mur : pas vraiment non, ça reste très anecdotique ou en marge.

Olivier637

16 mai 2018, une date qui restera à jamais marquée dans l’Histoire comme un jour d’infamie et le dégommage en règle de disney et warner par EL.

Enorme doigt d’honneur justifié au cynisme d’Hollywood qui nous prend pour des c**s ou bien Geoffrey et Simon se sont-ils levés avec avec un transit difficile?

Il faudra quand même aller voir Sole et Deadpool pour s’en rendre compte.

En attendant ca va rager dans les commentaires. Welcome.

Zanta

De toute façon, Deadpool, c’est le film de superhéros à louer en vidéo.
C’est fun et on rigole bien, mais c’est quand même sacrément laid et fait pâle figure face à l’ampleur cinématographique d’un Logan ou même d’un Days of Future Past.

Geoffrey Crété

@olivier637

Merci de vous soucier de nos intestins, mais tout va bien de ce côté. Enfin, on demandera à Simon par acquit de conscience.

Pour le reste : aucun problème avec Disney ou Warner, qui sont le plus souvent dans le rôle que le public leur a donné. On parle plus de films que de studios. Ainsi, on a été amenés à encenser ou descendre (et toutes les nuances au milieu) leurs films, et ça ne date pas d’hier, des super-héros ou d’une alimentation riche en fibre.

Et comme d’hab, oui, Ecran Large invite chacun à aller en salles se faire son propre avis.