Dante Di Loreto (Glee)

Aude Boutillon | 13 avril 2011
Aude Boutillon | 13 avril 2011

Immense succès critique et populaire depuis 2009, Glee se pose désormais comme une série incontournable, qui a encore de beaux jours devant elle. Après Jane Lynch, place au producteur exécutif Dante di Loreto, qui dévoile les clés du succès d'une série dont la popularité mondiale ne semblait pas gagnée d'avance.

 

Propos et autoportrait (en fin d'article) recueillis par Stéphane Argentin au cours du 50ème Festival de Télévision de Monte-Carlo (juin 2010). Traduction et retranscription par Aude Boutillon.

 

   

Glee n'est pas comparable à High School Musical, malgré le fait que tous deux se concentrent sur un groupe de jeunes appartenant à une chorale. Lorsque vous avez pris connaissance du projet, étiez-vous inquiet de la mauvaise influence que pourrait avoir cette similarité ?

Pour aussi populaire que soit High School Musical, les créateurs de Glee n'avaient jamais vu cette série. Différentes études nous confortaient cependant dans le fait que les gens, même réticents, qui pensaient avoir à faire à une série trop jeune ou immature, aimeraient Glee en la regardant. Mais je suis assez curieux de savoir ce que donne la traduction, notamment les dialogues particulièrement affutés du personnage interprété par Jane Lynch.

 

Certaines des précédentes séries musicales comme Cop Rock ou Viva Laughlin furent de francs échecs. Craigniez-vous que Glee connaisse le même sort ?

Quand Ryan Murphy et Ian Brennan ont écrit le script, je ne crois pas du tout qu'ils pensaient à ces précédentes difficultés que vous citez. Ils savaient que la télévision, et en particulier Fox, allait y adhérer, car la musique est un sujet fédérateur, et Glee se présentait comme un moyen d'en tirer profit. Ryan a vraiment été visionnaire, à tel point qu'il était inconcevable de s'y opposer, il était évident qu'il trouverait son public si vous lui donniez l'opportunité de créer la série qu'il voulait. Vous savez, je travaille dans le monde de la télévision depuis suffisamment longtemps pour me souvenir qu'avant la téléréalité, les gens disaient qu'ils aimeraient voir davantage de variété dans les programmes télévisés, ce qui est arrivé avec Dancing with the Stars ou American Idol, qui ont permis au public de s'habituer à voir des performances musicales à la télévision, et à les apprécier. La clé est d'utiliser, dans la série, des chansons que les gens connaissent bien. Ce qui est génial, c'est que cette série est transgénérationnelle : les jeunes entendent les chansons pour la première fois dans Glee, des chansons que leurs parents avaient eux-mêmes entendues lorsqu'elles sont sorties, et un véritable lien se crée à travers la musique, tout simplement parce qu'une très bonne chanson dure éternellement.

 

Vous est-il difficile d'obtenir les droits de toutes les chansons que vous souhaitez utiliser dans la série ?

Non, mais ça prend du temps, et c'est là notre plus grand défi : monter une telle série en respectant un calendrier précis, celui de la télévision. Nous devons décider des chansons que nous voulons utiliser avant même d'avoir un script achevé. Les auteurs de la série trouvent une histoire, en font une ébauche, et Ryan choisit les chansons qu'il veut y intégrer, puis nous entamons le processus d'acquisition desdites musiques. La difficulté se situe parfois simplement dans le fait que vous ne parvenez pas à joindre les personnes qui en détiennent les droits ! Heureusement, grâce au succès de la série, les gens sont enclins à nous donner leurs chansons pour que nous les utilisions. Ensuite, il nous faut d'abord enregistrer une démo de la chanson, pour être certains d'être sur la même longueur d'ondes, puis nos artistes enregistrent à leur tour la chanson, que nous chorégraphions, tout cela avant même de commencer à filmer. C'est tout le temps la course.

 

  Dante Di Loreto, entouré notamment de Ryan Murphy, Ian Brennan et Adam Anders

 
 

Il paraît que Britney Spears est très encline à apparaître dans Glee, elle l'a notamment fait savoir sur Twitter...

Nous sommes vraiment chanceux que de si incroyables artistes aient évoqué leur désir d'apparaître dans la série. Je pense que là où les créateurs de Glee ont fait un travail fantastique, c'est en se concentrant sur des personnages intéressants, interprétés par de très bons acteurs, plutôt que de produire de l'action, des cascades. Ce serait un grand honneur d'avoir cette opportunité d'avoir de si grandes stars dans la série, si elle se présentait. J'hésite à en dire davantage, car l'idée trône dans la tête des créateurs de la série, et l'histoire et les personnages passent en premier.

 

Dans le budget de production de la série, quelle place occupe l'achat des droits des musiques ?

Ca peut représenter 10% du budget. Au niveau du budget pur, celui de Glee est équivalent à celui des autres séries télévisées. On a commencé avec les mêmes chiffres, ce qui était un véritablement défi car une grande partie allait à la production musicale. On nous a dit « ok, vous pouvez faire votre série, mais elle doit rentrer dans la case d'une production télévisée d'une heure », et c'est ce que nous avons fait.

 

Pourquoi avoir choisi d'implanter la série dans l'Ohio, un peu au milieu de nulle part, plutôt qu'ailleurs aux Etats-Unis ?

Ryan Murphy est originaire de l'Indiana et sait ce que c'est que de vivre en plein cœur des Etats-Unis en étant quelqu'un de différent, aussi doué et visionnaire, et heureusement il était très populaire. En réalité, la série pourrait être plantée n'importe où et le succès du show s'explique par cette universalité : ça pourrait aussi bien se passer aux Etats-Unis qu'en France.

 

 

Pourtant, la série aborde des problèmes typiquement américains, comme la grossesse chez les adolescentes ou encore l'abstinence avant le mariage. Glee peut-elle être perçue comme une satirique de l'Amérique ?

Nous n'avons jamais cherché à nous moquer des croyances de qui que ce soit, mais nous aimons pointer du doigt l'hypocrisie quand elle existe. Nous voulons créer des situations dont vous pouvez rire, mais dont les protagonistes finissent par vous toucher, ou vous attendrir. Jane Lynch est un très bon exemple : elle incarne cette femme stricte et méchante, et de temps en temps vous voyez ce soupçon d'humanité en elle. C'est aussi le cas pour le personnage de Quinn, qui suscite de plus en plus de compréhension et d'affection. 

 

Fox a commandé une troisième saison, avant même que la seconde ne soit diffusée. Etes-vous surpris par ce choix ?

C'est une très belle preuve de confiance. Cette série demande beaucoup de préparation, donc cette décision donne aux auteurs la possibilité d'écrire sur une plus longue durée, et préparer le terrain pour 40 épisodes au lieu de la moitié. Cela donne à tout le monde la possibilité de s'investir et de faire de son mieux.

 

Que pensez-vous de l'explosion des ventes de disques de la série ?

Nous n'aurions jamais imaginé que nous allions produire plus d'une centaine de morceaux en une saison. Auparavant, la plupart des productions musicales télévisuelles américaines revenaient à Fame, qui comptait environ deux chansons par épisode. Glee en propose 5 à 7. Nous sommes très flattés par le succès de la musique de la série, et ça montre bien le pouvoir de la télévision. Aux Etats-Unis, quand 12 à 14 millions de personnes regardent la télé, vous n'avez pas besoin que tous achètent l'album pour devenir le n°1 du pays. Mais le plus extraordinaire, ça a été le concert, qui a donné la possibilité aux acteurs de rencontrer leur public et inversement, et l'électricité entre les deux était absolument incroyable. Nous adorerions réaliser une tournée en Europe, la seule chose qui s'y oppose, c'est un conflit d'agenda, car la préparation d'un spectacle prend plusieurs semaines.

 

Verrons-nous des compétitions internationales de chorales dans la série ?

Si nous bénéficions de suffisamment d'épisodes, je pense que ce serait une idée fabuleuse !

 

 

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