Les Maîtres de l'univers : Révolution - critique d'un bourrinage de crâne ancestral sur Netflix

Mathieu Jaborska | 26 janvier 2024 - MAJ : 28/02/2024 18:31
Mathieu Jaborska | 26 janvier 2024 - MAJ : 28/02/2024 18:31

En 2019, Netflix confiait à Kevin Smith une nouvelle série Les Maîtres de l'univers, prenant la suite directe du dessin animé culte des années 1980. Bien que certains nostalgiques aient vite comparé l'écartement de Musclor (pendant 3 épisodes) à un crime contre l'humanité stalinien, cette version a largement été saluée par la critique et a visiblement rencontré un public assez large pour continuer sur la même lancée. Après la Révélation, place aux Maîtres de l'univers : Révolution, toujours avec Smith et un glorieux casting vocal, constitué de Chris WoodLiam CunninghamLena HeadeyMeg FosterKeith DavidMark Hamill en Skeletor et même William Shatner !

Révolution neuf sans neuf

La perspective d'une nouvelle série He-Man, qui plus est sur une plateforme prédatrice comme Netflix, n'inspirait pas forcément confiance à l'ère du post-modernisme et des ricanements méta. Nombreux seraient les artistes à sauter sur l'occasion pour tourner en ridicule chaque aspect de la mythologie haute en couleur déployée par Mattel afin de faire rêver les gamins et extorquer leurs parents. On voyait déjà venir les cascades de clin d'oeil complices, des personnages se moquant de leurs propres blazes (gag désormais obligatoire dans toute adaptation pop qui se respecte), voire un abattage de quatrième mur à l'explosif.

 

Les Maîtres de l'univers : Révolution : photoHe-man after all

 

Quoi qu'on pense du trublion Kevin Smith, force est de constater qu'il est l'un des seuls créateurs proclamés geeks à avoir su esquiver ces écueils. Motivé par un amour non feint pour les rayons lasers et autres interventions stellaires, il a choisi d'embrasser le kitsch affilié à la licence, enchainant les dialogues cul-cul, les retournements de situations juteux et les costumes 18 pièces multicolores sans jamais s'en excuser ou même essayer de justifier son anachronisme.

Toujours sous sa férule et en dépit de son titre, Révolution ne change pas une formule qui gagne. Délicieusement premier degré, ses cinq épisodes ne lésinent pas sur cette naïveté pulp dans laquelle il fait bon se lover. Les vannes sont inoffensives, les héros outrageusement gentils et les vilains ont de grands plans de domination universelle. Comme dans la première série, le pilote fait office de note d'intention, avec son extraction musclée à coups d'épées et de jet-packs du rétro-futur.

 

Les Maîtres de l'univers : Révolution : photoSkeletor... euh non... Spectror

 

Des skeletor dans le placard

D'autant qu'ayant déjà réintroduit la plupart des protagonistes et antagonistes initiaux, Smith et ses collègues peuvent s'amuser à piocher dans le reste du folklore des Maîtres de l'univers sans risquer de se claquer un Musclor. Et ils ne se font pas prier. Les méchants sont des sous-fifres de sous-fifres, attaquant frontalement une cohorte de gentils déjà bien équipée. L'affrontement entre toutes ces forces en présence, qui plus est incarnées par un casting vocal hyper attachant (Mark Hamill transcende définitivement le personnage de Skeletor), est un prétexte pour se répandre en méga-transformations délirantes, qui tournent au pur plaisir psychédélique au début du dernier épisode.

L'occasion de multiplier les designs alternatifs et invocations de crânes ancestraux fulgurantes, amplifiant un peu plus les traditions du genre dont la franchise est devenue à la fois la mascotte et le pastiche involontaire. Mais encore une fois, pas question de se réfugier dans la parodie : ces tourbillons de lumière sont faits d'une énergie pop assez rare, rendue encore plus enthousiasmante par la BO enflammée de Bear McCreary, lequel fait sauter l'alimentation de son studio à chaque transformation en Musclor.

 

Les Maîtres de l'univers : Révolution : photoLes épées à l'arrière, les flingues à l'avant : un grand tacticien

 

Générosité d'ailleurs assumée par le scénario très simple, préconisant d'unifier la puissance des technologies modernes et la bonne vieille magie d'antan pour libérer la pleine puissance du divertissement tout public. Dommage qu'une fois de plus, les ambitions visuelles de l'ensemble butent sur ladite technologie, à savoir une animation encore assez rigide, qui parait freiner considérablement les grosses séquences d'action constituant tout de même l'essentiel du plaisir.

Toujours pas une révélation, surtout pas une révolution, mais un vrai shoot de naïveté épique, qu'ils sont peu à injecter avec une dose aussi infime de cynisme. En fait, ça donne presque envie d'aller claquer son salaire en merdes en plastiques. C'est donc comme ça qu'ils ont eu Antoine...

La première partie des Maîtres de l'univers : Révolution est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 25 janvier 2024

 

Les Maîtres de l'univers : Révolution : photoLa sobriété

Résumé

Toujours bridée par ses limitations techniques, Les Maîtres de l'univers reste également délicieusement anachronique, voire parfois assez réjouissante quand elle se lâche sur les transformations. 

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commentaires
CotonTige
02/02/2024 à 21:19

Les gamins de l'époque disaient Musclor et non pas les maitres de l'Univers.
Les gamins de l'époque achetaient les figurines Musclor, Squeletor et d'autres si affinité.

Alors mettre Musclor de coté pendant 3 épisodes ou ne serait-ce qu'un épisode ou ne serait-ce que de ne pas en faire le personnage principal, c'est particulièrement fourbe, peu importe les les raisons.

Ghost Leopard
28/01/2024 à 20:48

Sinon, ils ont complètement raté le character design de "Skeletek"...

Pourquoi diable a-t-il des pattes de poule ? :-p

Ghost Leopard
27/01/2024 à 17:39

Coquille à corriger : "En sens inverse, j'avais bien aimé le run qu'il avait fait sur Green Arrow."

Ghost Leopard
27/01/2024 à 17:34

Je suis de prime abord assez méfiant quand je vois le nom de Kevin Smith sur un projet de comics. Il a écrit plusieurs histoires que je n'ai pas apprécié (Guardian Devil, The Evil that Men Do, The Widening Gyre et Green Hornet). En sens inverse, j'avais bien aimé le run qu'il avait fait sur Green Hornet.
Côté cinéma en prise de vue réelle, ses films sont plutôt sympathiques en général.
Du coup, je ne sais pas sur quel pied danser avec MOTU.
Pour l'instant, j'attends que sa série finisse et, si c'est possible, acquérir le tout en DVDs d'occasion (à condition que Netflix ne bloque pas cette éventualité).

Là où il m'épate en tant que showrunner, c'est que l'équipe d'écriture semble avoir TOUT consulté en ce qui concerne les MOTU avant de faire la série. L'idée de recycler Preternia et Subternia en Valhalla-Champs Élysées et Hel-Hades, pas une mauvaise idée. Scare Glow en gardien de Subternia, bien vu.
Andra était préalablement apparue dans un comic book que peu devait avoir lu, pas mal de l'utiliser.
Et cetera.
Du coup, cet univers qui récupère des idées en provenance de toutes les versions précédentes, est un gigantesque fan service d'Easter Eggs tout en étant homogène et cohérent.

Sachant qu'on parle de la transposition d'une gamme de jouets pour enfants des années 80, bel effort.

Après, je ne sais pas, les arcs narratifs me semblent assez banals.
Ensuite, MOTU, c'est vraiment un truc pour gosses des années 80.
Est-ce que vraiment ça a du sens d'en faire une série pour adulescents nostalgiques de leur cour d'école dans les années 2020 ?

Talrasha
27/01/2024 à 01:34

Bon en gros c'est série pas assez adaptée aux sensibilités modernes comme on dit.
La bonne vieille masculinité (pas la toxique hein, la bonne, le pendant de la féminité) ne plaît, c'est pas assez progressiste hein. Si on ne tappe pas sur les stéréotypes masculin, c'est pas bien d'aimer hein.
Je comptais pas la voir cette série, mais ce type de critique me fait changer d'avis par défiance envers le camp du bien.

Napagnuma
26/01/2024 à 16:36

J’ai personnellement peu apprécié MOTU Révélations alors que je ne m’estime pas puriste, vu que j’ai conscience de la médiocrité du matériau originel et que j’ai beaucoup apprécié She-Ra et les Princesses du Pouvoir, qui est pourtant un complet reboot, qui plus est en mode girl power et gender fluid (ce dont évidemment les créatrices n’ont pu s’empêcher de se vanter à loisir. C’est toujours drôle l’application que mettent ces producteurs de divertissement industriel à se renifler l’aisselle et nous convaincre qu’ils participent à faire advenir l’homme nouveau, mais rions-en plutôt qu'autre chose). En tant qu’adulte je n’ai cependant pas suivi la série jusqu’au bout parce que c’est quand même assez enfantin mais j’en conseille le visionnage.
En revanche, donc, j’avais abandonné Révélations à mi-chemin, et je pense que le faible intérêt du personnage de Teela, catapulté perso principal et "girlboss" avec la subtilité scénaristique d’un tractopelle, y est sévèrement pour quelque chose. Mettre He-Man de côté était un choix risqué dont je respecte l’audace. Mais le résultat n’était pas à la hauteur selon moi.
Cela ne m’empêchera pas de jeter un œil à la suite mais avec circonspection.

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