Rabbit Hole : critique d'un presque 24 heures chrono sur Paramount+

Axelle Vacher | 9 mai 2023 - MAJ : 09/05/2023 18:52
Axelle Vacher | 9 mai 2023 - MAJ : 09/05/2023 18:52

Après avoir interprété le célèbre Jack Bauer dans la série culte 24 heures chrono, Kiefer Sutherland reprend du service dans le département anti-terroriste avec Rabbit Hole, un nouveau thriller d’action diffusé sur Paramount+. Avec son rythme impétueux, ses multiples twists, son intrigue digne d'un subreddit conspirationniste, et son protagoniste funambulant perpétuellement entre héros et anti-héros, la série créée par Glenn Ficarra et John Requa a largement de quoi justifier la comparaison avec 24 heures chrono. Est-ce toutefois bien dramatique ? Pas vraiment. 

24 twists chrono

En 2014, Kiefer Sutherland raccrochait la veste de Jack Bauer dans la saison 9 et faisait pour de bon ses adieux à la série culte, après plus d'une décennie de bons et loyaux services. Il semblerait néanmoins que les cabales et autres épées de Damoclès aient un peu trop manqué à l'acteur, qui en redemande. Dans Rabbit Hole, il prête ses traits à John Weir, un consultant multifacettes (du moins, sur le papier) dont la principale occupation est d'influencer divers marchés en usant de moyens gentiment douteux.

Si la perspective d'axer un récit sur l'espionnage d'entreprise a largement de quoi susciter l'intérêt du spectateur, que ce dernier ne s'y attache point. Après avoir consacré la majeure partie de son pilote à s'engager dans une direction bien définie, exposant au passage une poignée d'enjeux à son audience, Rabbit Hole effectue ex abrupto un virage à 180 degrés et change drastiquement de tonalité. Bye-bye les études de concurrences, d'offres et de demandes : pris de court et accusé de meurtre, Weir devient malgré lui l'ennemi public numéro un.

 

Rabbit Hole : photo, Kiefer SutherlandÀ fond la forme

 

Loin de réduire le récit à celui d'une banale chasse à l'homme, les scénaristes décident alors de continuer à jongler avec les genres et leurs codes. Intrigue policière, drame psychologique, dealeuse d'adrénaline, et même comédie grinçante par moments... la série change de registre comme elle brasse les thématiques : excessivement. Certes, cela a le mérite de retenir l'attention ; néanmoins, cette disposition tend quelquefois à affaiblir certains arcs narratifs, voire à flirter dangereusement avec l'inconstance. 

Il n'est pas rare que la série s'égare sporadiquement dans ses propres ambitions, sensation que les (trop) nombreux rebondissements intervenant épisode après épisode confortent plus qu'ils ne démentent. Dans la veine de feu 24 heures chrono, Rabbit Hole se plait ainsi à multiplier gaillardement les twists pour mieux balader personnages et spectateurs. D'aucuns pourraient arguer que la démarche est abusive, et peut-être ce constat n'est-il pas bien éloigné de la réalité. Mais qu'à cela ne tienne, si le scénario ressort plutôt deux fois qu'une la carte de la surenchère, le spectacle est bien trop jouissif pour lui en tenir rigueur.

 

Rabbit Hole : photo, Rob YangCi-joint le meilleur personnage de la série

 

Big Brother

À vrai dire, Rabbit Hole pourrait être employée comme un manuel d'investissement vu comme tout semble avoir été spécifiquement pensé pour séquestrer le spectateur devant son écran et le maintenir en haleine. Outre son rythme frénétique, la série peut également s'appuyer sur une écriture minutieuse ; une mise en scène, si non révolutionnaire, du moins maîtrisée ; et plus particulièrement, un montage conçu pour confondre son public sans toutefois chercher à le prendre de haut.

La forme réfléchit ainsi la psyché torturée de son protagoniste, lequel se caractérise aussi bien par ses tendances paranoïaques que sa faculté à toujours avoir un coup d'avance sur ceux qui l'entourent – ennemis comme alliés. Et si l'histoire reprend une formule maintes fois éculée par pléthore de films et séries, son écho au monde actuel adresse des problématiques bien réelles qui ne manqueront pas de nourrir les angoisses de tout un chacun.

 

Rabbit Hole : photo, Charles Dance"Ça fera 200€. Non, je ne prends pas la carte vitale, désolé"

 

Alors avait-on véritablement envie d'un énième cauchemar à base de manipulation socio-politique, de corruption gouvernementale, de terrorisme informatique et de débats opposant sécurité et vie privée ? À moins de disposer d'une mutuelle inclinée à prendre en charge les consultations chez le psy, pas franchement, non. C'est pourtant bien ce que propose Rabbit Hole, et le pire, c'est qu'on finit par en redemander.

Du reste, disposer d'un récit riche en péripéties et d'un mécanisme efficace ont beau suffire à fournir une base solide, sans têtes d'affiche adéquates, difficile d'en tirer quoi que ce soit. Heureusement, chacun des personnages investis dans cette intrigue a manifestement été élaboré avec soin, ce à quoi les différents interprètes se sont appliqués à rendre justice. L'alchimie évidente entre ces derniers ajoute par ailleurs à leurs charismes respectifs, et excusera même le développement superflu d'un segment romantique entre les personnages de Meta Golding et Sutherland. 

 

Rabbit Hole : photo, Kiefer Sutherland, Meta GoldingSi jamais, l'amitié homme-femme n'est pas un mythe

 

Kiffer Sutherland

Rompu à l'exercice de la théorie du complot depuis le phénomène 24 heures chrono créé par Joel Surnow et Robert Cochran en 2001, Kiefer Sutherland bénéficiait effectivement du patrimoine idéal pour donner corps à ce personnage à mi-chemin entre Jack Bauer et Mr. Robot. Après avoir incarné les hommes d'action pendant une majeure partie de sa carrière, l'acteur se veut ainsi plus convaincant que jamais dans ce rôle de surdoué aux morales contestables.

Toutefois, n'est pas Tom Cruise qui veut, et plutôt que de chercher à propulser son héros dans des situations improbables pour un quinquagénaire – aussi fringant soit-il –, la série n'hésite pas à le figurer accusant la branlée du siècle face à un vingtenaire armé d'un skateboard (si, si, épisode 2). Anxieux, un brin psychotique et clairement traumatisé, Weir est donc de ces protagonistes dont l'atout repose avant tout sur son intellect, et surtout, dont la perspective est à constamment remettre en question.

 

Rabbit Hole : photo, Kiefer Sutherland"Ci-gît ma jeunesse"

 

Aussi, le spectateur est régulièrement poussé à s'interroger sur les informations que lui fournit le récit, ce qui ajoute un écran de fumée supplémentaire. Et si la série se répond bien d'une hypertrophie délicate à ignorer, les nombreuses énigmes disséminées par Rabbit Hole sauront malgré tout attiser la curiosité des plus récalcitrants. Oui, certaines ficelles sont peut-être un peu trop grosses, mais les enjeux sont pour leur part suffisamment ancrés dans le réel pour donner envie d'en connaître la résolution.

Que celle-ci soit ou non à la hauteur des attentes est une question à laquelle il ne serait envisageable de répondre sans risquer d'en dévoiler les tenants et aboutissants. On concèdera toutefois à reconnaître qu'au vu du cliffhanger sur lequel s'achève le huitième et dernier épisode, Weir ne semble nullement au bout de ses peines. D'un autre côté, espérait-on vraiment une conclusion franche ? Ou valait-il mieux laisser quelques portes ouvertes ? 

Rabbit Hole est disponible en intégralité sur Paramount+ depuis le 8 mai 2023

 

Rabbit Hole : affiche

 

Résumé

Si les aficionados de 24 heures chrono trouveront sans aucun doute leur compte, les novices sauront tout autant apprécier Rabbit Hole aussi bien pour la force de sa proposition que son exécution savamment maîtrisée. À condition bien entendu de ne pas en attendre un thriller morne et froid et d'être amateur de montagnes russes narratives. 

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commentaires
Nicoco
14/05/2023 à 09:10

J'en suis à 2 épisodes et je me demande déjà si je vais continuer.
C'est pas mal mais bon sang ils ont acheté les facilités scénaristiques et les twists par palette ou quoi?

Tuxlolo
12/05/2023 à 11:33

Excellent retour de l'acteur. Série avec beaucoup de rebondissements. Vivement la 2ème saison ! Les grincheux de la série, tant pis pour vous. Regardez autre chose !

Dentscie
11/05/2023 à 14:49

"son intrigue digne d'un subreddit conspirationniste" quelle belle image !

Axelle Vacher - Rédaction
11/05/2023 à 08:57

@tlantis : Mr Robot, c'est 12 étoiles, au moins. Et pour la note, oui, elle est élevée ; j'ai pris beaucoup de plaisir à regarder cette série dont je n'attendais absolument rien, et ai été globalement très agréablement surprise. Oui, il y a des défauts, et beaucoup de surenchère (c'est mentionné dans la critique), et j'ai longuement hésité ma note. Mais j'ai trop pris mon pied pour ne pas être généreuse.

Fred_NTH
10/05/2023 à 23:43

C'était vraiment chouette. Parfois je me surprenais à trouver que les twists étaient un peu trop nombreux mais le dernier m'a tellement convaincu que j'ai hâte de découvrir la prochaine saison.

Docteur Benway
10/05/2023 à 19:22

Je n'ai pas été plus loin que le second épisode tant tout ça ne tient pas debout une seule seconde et tant c'est écrit avec le cul. Et Kiefer est tellement mauvais. Est ce que quelqu'un avait vraiment envie de voir une resucée encore plus roublarde de 24? Pas moi en tout cas.

Tnecniv
10/05/2023 à 15:44

@Arsh
Tu as quand même réussi à tenir 6 épisodes, perso, j'ai lâché l'affaire à la fin du troisième (ou quatrième, je ne sais plus) pour les mêmes raisons que toi, les acteurs ne sont pas mauvais et c'est très plaisant de revoir KS, mais au-delà de ça, j'ai trouvé ça faux, pas vraiment au niveau des protagonistes, mais de la construction et du rythme, des invraisemblances, des twists, ok, c'est de la fiction, mais bizarrement ça m'a dérangé, j'y ai même trouvé un côté suranné.

Dr.Zaius
10/05/2023 à 13:47

Mais quel plaisir que de retrouver Kiefer Sutherland dans cette excellente série aux très bon rebondissements qui nous interroge constamment sur ce que nous voyons a l'écran. En plus le casting compte a son actif le formidable Charles Dance et le cultissime, attention Léger spoilers, Peter Weller. Que du bonheur. Enfin, la série réussi a éviter le piège de trop ressembler a 24 heures chrono, ce qui n'était pas a une mince affaire au vu du pitch de départ. Fan de Kiefer Sutherland et de thriller paranoïaque, foncez.

@tlantis
10/05/2023 à 12:05

Sympa à regarder meme si ils abusent des twist pour nous motiver à regarder la suite.
Une fin un peux expéditive mais pourquoi pas une saison 2.
La notre semble un peux haute du 3 aurais été déjà bien, car sa n’arrive pas au bonne début de série de 24 ou robot.

Loozap
09/05/2023 à 22:17

Une grande série et des très bons acteurs

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