Miskina : pauvre critique qui n'a pas mérité ça sur Amazon

Simon Riaux | 4 octobre 2022 - MAJ : 04/10/2022 10:57
Simon Riaux | 4 octobre 2022 - MAJ : 04/10/2022 10:57

La trentaine arrive et les perspectives professionnelles de Fara (Melha Bedia) sont aussi désertiques que sa vie amoureuse. Un constat amer, que partage sa famille et qui la pousse bientôt à se prendre en main. Voilà pour le point de départ de Miskina - la Pauvre, série disponible sur Amazon Prime Video depuis le 30 septembre, qui a au moins le mérite de nous réserver quelques surprises.

AMAZON TRIME

Un peu comme si un tueur en série briguait un poste de puériculteur, c’est avec méfiance qu’on accueille désormais toute proposition humoristico-française émanant d’Amazon, tant la plateforme aura dégainé au cours de ces dernières années de propositions indigentes. Véritable marée noire de l’humour, qui aura mazouté tous azimuts, on lui doit les “marquants” Connectés, Haters, I Love america, Je te veux moi non plus, pour ne citer que les plus illustres mutilations engendrées par l’entreprise. 

 

Miskina : photo, Melha Bedia, Hakim JemiliLa cinéphilie pour les Nuls

 

Melha Bedia ayant déjà été à l'affiche de plusieurs naufrages riants de la production hexagonale (Bad BuzzForteTout schuss), l'optimisme quant à la réussite de la série est des plus modérés. Contre toute attente, Miskina déjoue (au moins sur le papier) une partie des attentes, voire des craintes, qui l’accompagnent. En effet, son synopsis comme sa promotion laissaient à penser que la chose se voulait une sorte de Bridget Jones passé au tamis des clichés franciliens... mais l’ensemble a d’autres ambitions. 

Passé son premier épisode gentiment poussif où un mariage manquera de tourner à la catastrophe, essentiellement du fait de notre anti-héroïne, tandis que le scénario fait son possible pour installer tous ses protagonistes et sous-intrigues dans un minimum de temps, c’est à un programme sensiblement différent que nous sommes confrontés. Malgré un centre de gravité qui évolue franchement autour du personnage principal, l’écriture semble emprunter plus à la douce folie allenienne qu’aux clichés de la rom com anglo-saxonne. 

 

Miskina : photo, Melha Bedia, Hakim JemiliAthena 2

 

DRAMEDIE ROMANTIQUE

On arguera qu’il n’y a dans l’absolu pas grand-chose à voir entre l’univers du metteur en scène de Manhattan et celui d’une trentenaire simili-dépressive, enamourée de son meilleur ami et aussi spirituellement solide qu’une part de flanc abandonnée sur une aire d’autoroute, et pourtant, c’est bien une aspiration similaire qui anime ces formes de créations. Celle de donner à voir une galerie de personnages liés par une culture commune, arpentant leurs angoisses, leurs rêves et leurs névroses, sous couvert de comédie. 

Argenteuil n’est pas New York, et tant mieux. Mais c’est avec le même désir de mêler tendresse, psychanalyse et cruauté qui anime l’étrange équipe formée notamment par Melha Bedia (qui co-écrit et co-réalise) et le comédien-scénariste Xavier Lacaille. Ensemble, ils proposent une radioscopie des familles françaises d’origine algérienne telle que la télévision et le cinéma hexagonaux n’auront que rarement osé proposer. Se voulant mordants mais bienveillants, les huit épisodes balaient un spectre suffisamment large pour aborder aussi bien les contradictions inhérentes à l’identité, que le rapport (contrarié) au religieux, mais aussi à la famille, à l’engagement, au deuil ou à la sexualité. 

À plusieurs reprises, ce mélange de niveaux de narration comme de complexité psychologique étonne. Il laisse espérer que Miskina s’impose comme la belle, drôle et puissante surprise qu’on devine par endroits. Hélas, si jusque dans son ultime chapitre, toutes ces intentions prometteuses nous accompagnent, aucune ne parvient à tout fait aboutir. 

 

Miskina : photo, Melha BediaEnvahissante famille

 

CHACUN CHERCHE LE CHAT 

Les raisons de cet échec sont multiples. Tout d’abord, on est instantanément frappé par la pauvreté de l’image. Non pas que la photographie refuse systématiquement les couleurs. Plusieurs séquences, lors d’un voyage en Algérie, quand Fara s’insinue dans ses propres souvenirs ou laisse sa fantaisie prendre le dessus, font même preuve d’un soin certain en matière de colorimétrie. Et pourtant, la colorimétrie demeure perpétuellement désaturée, d’une fadeur moins motivante qu’un lundi de novembre sans pain. Standards esthétiques imposés par Prime Video ? Refus de trancher entre les différentes tonalités de l’histoire ? Quoi qu’il en soit, le constat demeure : regarder la mini-série est une offense faite au sommeil. 

Quand la caméra daigne être mobile, ce qui est rare, on la bénit d’abandonner momentanément la nuée de plans moyens dénués de toute forme de personnalité ou de style. Ode à l’anesthésie, cette mollesse globale se retrouve aussi dans les rapports de force entre les personnages. Dont la Miskina du titre constitue sans doute le moins intéressant. Or, l’anti-héroïne est quasiment de chaque scène, ramenant son mélange de spleen et de morgue, sans que l’écriture s’inquiète véritablement de là où va l’empathie du public. 

 

Miskina : photo, Xavier LacailleUne curieuse pièce rapportée

 

CHOISIR DE NE PAS CHOISIR

Et c’est bien là le problème de cette histoire, dont on sent qu’à bien des endroits, elle voudrait émouvoir avant de faire rire aux éclats. Nassim et son incapacité à se projeter, Safia et son mariage aussi idéal que creux, Maxime et sa volonté d’intégration familiale embarrassante, Damien et sa gaucherie d’absurde pièce rapportée.

Jusqu’à cette figure de mère, incapable de tout à fait faire le deuil d’un mariage qui vient la hanter lors de quelques jolies scènes, simples et dures... toutes et tous apportent mieux et plus que Fara au récit. La faute à une caractérisation duale, écartelée entre un comique de situation souvent forcé, et un portrait volontiers rugueux d'une jeune femme perpétuellement en décalage avec les attendus de sa communauté, de sa famille ou de son époque.

 

Miskina : photo, Shirine BoutellaFamilia non grata

 

Un programme qui joue contre lui-même, en cela qu'il semble phagocyter jusqu'à la mise en scène. La grisaille qui domine l'image parasite la plupart des gags, à moins que ceux-ci n'atténuent la profonde mélancolie que voudrait fréquemment distiller le scénario. Dernier clou dans le cercueil d'une entreprise plus intéressante sur le papier qu'à l'écran, ces contradictions apparaissent comme également insolubles pour le découpage.

En témoigne le dernier épisode qui ne sait où donner de la tête entre la culmination émotionnelle des divers arcs narratifs, et les bulles de bonne humeur que Miskina s'efforce de maintenir. Jusque dans un ultime plan, qu'il faudra peut-être regarder plusieurs fois pour saisir la logique humoristique qui le sous-tend, la série échoue à faire cohabiter ses multiples orientations.

Miskina - la pauvre est disponible en intégralité sur Amazon Prime Vidéo depuis le 30 septembre 2022

 

Miskina : l'affiche pour devenir aveugle

Résumé

Derrière la fadeur de sa mise en scène et les approximations, tant de son écriture que de la direction de ses interprètes, Miskina cache des ambitions étonnantes, qui ne sont pas sans évoquer le ton d'un certain Woody Allen.

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commentaires
Alain
09/02/2024 à 00:08

Excellente série, qui travaille sur plusieurs plans sans qu’on s’en rende compte. Les premiers épisodes sont un peu moins bons.

walter
10/03/2023 à 19:27

cette série est génial les gens qui la déteste je les comprend pas car cette série est la meilleur que j'ai vue depuis des années en faite cette série et bien et très ouverte a toute les communautés et toute les religions.

Didi
20/02/2023 à 01:26

Très jolie série avec de beaux acteurs. Surprise de tant de mauvaises critiques si peu méritées. N’ai qu’une envie celle de féliciter et d’encourager tous les acteurs scénaristes qui ont contribué à réaliser ce petit bijou ! J’aurais tant aime voir la 2eme saison…

Sophiagracia
06/11/2022 à 18:11

J'ai beaucoup aimé.
Melha a un jeu subtil, ça change tellement des films typique " Comedie" Français ou tout le monde se sens obligé d'hurler et crier. Jolie découverte mis en scene touchante et poétique , Bravo

SandrineB
04/11/2022 à 15:29

Et bien moi j'ai adoré. J'ai découvert cette actrice dans le film "forte" avec Valérie Lemercier.
Très rafraîchissante, drôle et émouvante.
Vivement la saison 2

Nono07
24/10/2022 à 17:08

J ai adoré, c est drôle et émouvant à la fois. Ça nous ramène à notre propre histoire par moment. Hâte de voir la saison 2!!

Xoff
19/10/2022 à 23:03

Serie miserable de toute evidence né de traumas, notamment religieux, mais qui ne comprend et ne respecte aucune religion. Le mélange névrotique de prosélytisme et de dénigrement est à vomir. Et ce n'est même pas drôle !

Ppdom
15/10/2022 à 10:30

J'ai beaucoup aimé et j'attends la saison 2
Ça nous change et on se prend pas la tête entre 2 horaires de boulot.

Michto l’indien
14/10/2022 à 21:00

Nous avons regardé cette série en famille.
C’est une très belle vision de la 2eme voire 3ème génération de migrants.
Un bel hommage plutôt fin et délicat avec une grande palette d’émotions et de situations.
A voir !

Sofsof
13/10/2022 à 22:21

Et bien moi, j'ai grave kiffé. Tout. Et je trouve Melha très attachante. J'ai adoré.

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