Bloodride Saison 1 : critique qui n'a pas pris une ride

Mathieu Jaborska | 18 mars 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathieu Jaborska | 18 mars 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Les anthologies ont toujours profité à Netflix. Bien sûr, l’exemple de Black Mirror, ses forces et ses faiblesses, vient directement en tête. Mais la plateforme a également su fédérer avec le Love, Death & Robots produit par David Fincher, une suite de courts-métrages d’animation (ou live) à l’ambition parfois démesurée. Récemment, elle s’est également fait remarquer grâce à la diversité de ses investissements, en Europe surtout. Pourquoi ne pas combiner les deux ? C’est exactement ce que fait Bloodride, série norvégienne de Kjetil Indregard.

PILOTE AUTOMATIQUE

« A voir dans n’importe quel ordre » : voilà comment la plateforme introduit le programme. La série est censée ne pas connaître de forme de narration globale, mis à part un simple fil rouge ouvrant chacun des 6 épisodes. Les personnages prennent place dans un bus un peu décrépi, un conducteur au regard allumé appuie sur l’accélérateur, le titre s’affiche. Nous serions donc parti pour le blood ride du titre, théoriquement une plongée pleine d’embardée dans des histoires aussi sadiques que sanglantes.

Autant le dire tout de suite, il est préférable d’oublier le plaisir coupable et bourrin vendu par un titre qui ferait pâlir de jalousie nos articles d’actualité les plus opportunistes. Le blood ride se transforme tout de suite en pêche aux canards plus violente que la moyenne. Production Netflix oblige, l’ensemble se distingue, ou plutôt ne se distingue pas, par une photographie ultra précise mais ultra terne et surtout tout sauf sale.

Quelques effusions d’hémoglobine artificielles ponctuent rarement les meilleurs épisodes comme Un terrible écrivain ou La tête dans le sable, faisant littéralement tâche dans une ambiance visuelle typique du N rouge, bien plus adaptée à une science-fiction clinique et bien trop froide qu’à 30 minutes de fantastique et d’épouvante.

 

photoElephant Man

 

Dans les faits, on est plus en présence d’une sorte de réappropriation des codes de La Quatrième Dimension, en plus convenu. Il s’agit de scénettes ayant pour principal intérêt un twist final, parfois doublé pour plus d’effet. Comme pour la plupart des productions du genre, le défaut réside dans ce culte du retournement de situation, autour duquel se construit tout le récit. Forcément, le reste ne raconte plus rien, et tend trop vers une issue pas si importante.

Faut-il encore rappeler que La Quatrième Dimension s’efforçait justement de raconter quelque chose, une chose simple en général, dans ses épisodes ? L’efficacité desdits twists pourrait encore faire passer le tout au forceps, tels les moins subtils des épisodes de Black Mirror. Mais si certains s’en sortent avec les honneurs (le dernier), d’autres s’avèrent plus téléphonés (l’école hantée), voire carrément honteux (Trois frères fous, où comment recycler éternellement la même histoire).

Pour ne rien arranger, l’écriture ne suit en général pas du tout, à moins que les traducteurs de sous-titres soient particulièrement manchots, notre norvégien étant un peu rouillé sur les bords. Certaines histoires se distinguent par la qualité de leur exposition. La façon dont sont utilisés les animaux dans Le sacrifice ultime ne casse pour ainsi dire pas trois pattes à un canard (quoique), mais révèle son lot d’inserts plutôt bien pensés. Cependant, d’autres ne peuvent s’empêcher d’énoncer leurs enjeux à voix haute, quitte à déstabiliser la cohérence déjà fragile de l’ensemble. Dans le même épisode, les raisons qui ont amené ce couple à changer de vie aussi abruptement sont peu crédibles. Et on ne parle pas des Rats de laboratoires, entièrement fondé sur une suite de non-sens ahurissants.

 

photoConfinement : jour 13

 

BLOOD CARROUSEL

Par conséquent, l’intérêt principal de ce genre d’exercice, à savoir la diversité des parties servant le tout, se délite au profit d’un genre de suite de sketchs pas assez courts pour vraiment frapper ni assez longs pour installer quelque chose. Pire : à part un ou deux effets, rien ne choque d’un segment à l’autre et on se retrouve à la fin des 6 épisodes à ne pas savoir en préférer un. Pourtant, ce n’est pas faute d’essayer.

Dans une manœuvre qu’on retrouve une fois de plus dans nombre de productions Netflix, Bloodride tente maladroitement de mettre en scène de vrais moments visuels et scénaristiques, sans se rendre compte que la rigidité de l’ensemble, peut-être due à un cahier des charges technique, cantonne l’essai à une pâle imitation des œuvres ayant pour le coup su s’affranchir de leur médium.

 

photoLe village des damnés à 3

 

Les quelques tentatives d’originalité se muent de fait en foires aux fausses bonnes idées et les tentatives de divertissement classiques en syndrômes de déjà-vu. Bien sûr, comme toujours, les quelques exercices de style sont avant tout scénaristiques. Il faudrait être naïf pour s’attendre à un minimum de mise en scène.

Beaucoup auront relevé les frasques de Un terrible écrivain, se risquant à bouleverser un peu le mode de narration classique, pour aboutir à une démonstration bancale mais avec du cœur. Peut-être le plus audacieux des segments de cette anthologie, il ne se débarrasse pas d’une subversion de supermarché low-cost et d’un traitement plus que maladroit, poussant bien trop la farce sur la fin. L’encrage scandinave promis dans le synopsis disparaît très rapidement dès le 2ème épisode, avant de ressurgir sporadiquement à une ou deux reprises. Encore une fois, la recette semble se démarquer, mais finit inconsciemment esclave de son format, affre que devrait justement éviter ce genre de séries.

Confinés, les spectateurs donneront peut-être une chance à une proposition qui reste assez ancrée dans le genre pour donner envie sur le plan culturel. Les 6 épisodes et le concept sur lequel repose l'oeuvre les pousseront à donner une chance à la saison dans son intégralité. Peu de chances qu’ils se souviennent du voyage. Un comble pour une fiction censée relever le pire des affects humains.

Bloodride est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 13 mars

 

Affiche française

Résumé

Il est toujours frustrant de dire du mal d'une série fantastique européenne produite par Netflix, tant l'initiative plait. Mais le résultat est souvent bien trop sage, et ce Bloodride au titre mensonger, s'il n'est pas particulièrement douloureux à regarder, ne fait pas exception.

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commentaires
Alex
19/03/2020 à 16:46

J’ai trouvé cela agréable à regarder. Le format est forcément un peu batard puisque 30 minutes c’est trop peu pour installer quoi que ce soit.

Mais j’ai regardé cela avec plaisir.

Stivostine
18/03/2020 à 14:48

Perso j'ai bien aimé, court, surprenant qq fois (ep4) en tout cas mieux certaines autres tv séries us, en ce moment c'est le nord a l'honneur avec meurtres de Valhalla et artics circle, ca passe.

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