The Boys Saison 1 : critique à la viande

Simon Riaux | 1 août 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 1 août 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Adapter le cultissime comics The Boys de Garth Ennis représentait un défi de taille, même pour un poids lourd comme Amazon. Œuvre célébrée pour son irrévérence, ses trouvailles trashouilles, son nihilisme courroucé, son univers dense et sa noirceur, elle semble sur le papier parfaitement adaptée à notre époque, mais sacrément difficile à manier.

VERY BAD BOYZ

En effet, le désespoir radical qui inonde les cases de la bande dessinée paraît difficilement traduisible à l’écran, du moins pour une production qui affiche l’ambition de rassembler un très large public. Car si Amazon met indiscutablement les moyens pour rattraper son retard face à Netflix, le service vidéo de Jeff Bezos manque encore d’un programme phare qui réunirait public et critique en générant un enthousiasme international. Or, et parce qu’on attire rarement les mouches avec du vinaigre, transposer le massacre anarcho-dépressif de ce sale gosse d’Ennis était très risqué.

Mais l’équipe derrière Preacher a fait preuve ici d’une grande intelligence – et d’un amour pour le matériau original qui transpire à chaque instant. Plutôt que d’essayer de reproduire le monde taré et très riche des comics, Eric KripkeEvan Goldberg et Seth Rogen ont choisi de situer l’action du show dans un univers beaucoup plus proche du nôtre. Cette décision entraîne plusieurs conséquences bénéfiques.

 

PhotoUne sacrée brochette

 

Tout d’abord, elle autorise, voire rend nécessaire, de retrancher du récit certains éléments et outrances qui auraient alourdi l’ensemble et auraient pu compliquer l’identification d’un public peu familier avec le ton de The Boys. Exit donc les Revengeurs, les putes dopées au V ou le goût d’un personnage pour le lait maternel augmenté. Ces soustractions fluidifient grandement la narration, sans retirer à l’ensemble son sens global ou amoindrir franchement sa charge contre un certain capitalisme illibéral ou la mythologie pernicieuse célébrant des individus supérieurs.

Cet allègement permet au scénario de donner de l’espace aux très nombreux personnages, mais aussi de cibler un peu plus précisément la critique radicale émise par la série. The Boys version Amazon, contrairement à son aîné de papier, attaque plus frontalement Disney et les valeurs politiques américaines (ou leur dévoiement), sans pour autant vomir la société dans son ensemble, comme le faisait Ennis.

  

photo, Karl UrbanDes justiciers un peu... expéditifs

 

BOYS IN DA HOOD

Pour autant, la série ne ferme pas la porte à plus d’abominations dans le futur. Ainsi, on pourra trouver d’entrée de jeu le Butcher de Karl Urban bien pâlot en comparaison de son incarnation des comics (où il était un quasi-Negan en puissance), mais son adoucissement a deux effets positifs : premièrement, le spectateur peut s’identifier bien plus facilement à la situation en n’étant pas immédiatement accueilli par un sociopathe ultra-violent, mais la série prépare également l’avènement de ce dernier.

En effet, l’arc narratif de Butcher, éminemment cruel, feint de le caractériser comme une âme mélancolique en quête de revanche, pour mieux briser lors du climax tous les ingrédients qui constituent son fragile équilibre psychologique. Une évolution bien sentie, qui devrait permettre à la série d’éviter la complaisance qui menace souvent les planches de Garth Ennis, parfois aussi excitantes que proches de la surcharge.

 

photo, Erin Moriarty, Chace CrawfordDes costumes réussis

 

Le boulot d’adaptation n’en reste pas au façonnement altéré de certains personnages, mais se retrouve aussi dans la direction artistique de The Boys. À ce titre, les costumes des 7 (troupe pastichant la Justice League, mais aussi les Avengers, notamment dans leur rapport au business et à la communication) sont une impeccable réussite. Souvent plus détaillés que dans l’œuvre originelle, ils sont un délice de composition rétro et vintage.

Tous réussis, ils démontrent avec un certain brio qu’il est parfaitement possible de respecter ce type d’esthétique et d’assumer les codes esthétiques des comics à l’ancienne. On notera toutefois que le costume de The Deep est un peu faiblard, mais la volonté d’en faire une parodie directe d’Aquaman explique en grande partie la fadeur de son costume.

Homelander en revanche, apparaît beaucoup plus impressionnant que dans les comics (exception faite de son origine, qui semble ici plus sage que chez Ennis), grâce à l’interprétation ahurissante d’Antony Starr. Le héros taiseux et badass de Banshee a muté pour nous offrir une composition cartoonesque de clown fasciste ivre de lui-même. Hilarant, vulnérable et glaçant, le personnage est une des plus belles réussites de la série Amazon. 

La saison 1 de The Boys est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video en France

 

photoUn show qui ne lésine pas sur les travaux pratiques

 

UBER HEROS

The Boys marque aussi beaucoup de points en matière d’action. C’est bien simple, on a beaucoup de mal à trouver de films de super-héros aussi inventifs et jubilatoires à l’heure actuelle. Les pouvoirs des personnages sont remarquablement bien exploités, et pensés d’un point de vue plastique. Ainsi, Starlight a tout pour être un personnage insupportable, sa caricature d’égérie républicaine bien-pensante étant par définition un personnage potentiellement agaçant ou ennuyeux.

Mais ses pouvoirs sont visuellement impressionnants, toujours mis en scène avec classe, quand son costume est une véritable déclaration d’amour aux comics d’antan. Autant d’éléments qui permettent à son excellente interprète, Erin Moriarty de livrer une performance formidablement nuancée. Le même constat vaut pour The Deep, qui a droit à une poignée de scènes corrosives, où le malheureux fait tout pour se racheter une conscience en interagissant avec les créatures qu’il affectionne. Autant d’occasions de traiter frontalement et avec humour ses pouvoirs, régulièrement synonymes de catastrophes qui raviront les amateurs de cynisme.

 

photoLe cousin consanguin de Superman et Captain America

 

Et le show n’a pas non plus à rougir en matière de pur spectacle. Les pouvoirs de Homelander sont appréhendés avec un sens de l’effroi remarquablement efficace, et sont toujours synonymes de spectacle et de frisson. Mais des protagonistes plus secondaires sont également traités avec un grand soin par la caméra. Ainsi, la confrontation avec l’Homme Invisible qui conclut le pilote de The Boys contient tout simplement un des traitements les plus ludiques jamais vus de cette capacité.

Le budget permet également à la série d’afficher des effets spéciaux d’excellente tenue, ce qui n’est pas pour déplaire, l’essentiel de la production super-héroïque contemporaine manquant cruellement de style et d’aboutissement technique. Ici, les rares ratés sont généralement pris en charge esthétiquement, et viennent nourrir la tonalité des séquences, le ridicule de tel ou tel personnage. A-Train, parodie de Flash, en est un excellent exemple. Ses sprints foireux illustrent à merveille ses faiblesses et sa bêtise.

 

Photo Jessie UsherA-Train

 

ZÉRO DE CONDUITE

Pour autant, tout n’est pas parfait dans The Boys. Malgré une direction artistique canon et des effets spéciaux solides, on est parfois consterné par l’étalonnage de l’ensemble. Comme si personne ne s’était vraiment soucié de donner une direction photographique à l’ensemble sur le tournage, préférant substituer le chef opérateur à une demi-douzaine de filtres Instagram paresseux, dont un immonde halo jaunâtre accompagnant la plupart des apparitions de Homelander.

 

photoHughie, Butcher et Frenchie

 

Et si Elisabeth ShueKarl Urban ou Antony Starr sont souvent brillants, on ne peut pas en dire autant des interprètes de La Crème ou du Frenchie, qui ont manifestement laissé leur charisme et leur talent à la maison. Ces petits ratages ne seraient d’ailleurs pas si voyants si le show ne tartinait pas des épisodes dépassant allègrement les 50 minutes. Malgré un vrai soin apporté au niveau du rythme, le scénario ne peut toujours meubler idéalement ses chapitres, laissant trop de place à des seconds couteaux d’un ennui total, ou diluant ses arcs narratifs plutôt que de les condenser pour en maximiser l’intensité.

À ce jeu, The Boys est plutôt plus efficace que ses concurrents, mais on ressent bien lors du dernier épisode de la saison que les auteurs ont joué les prolongations et s’y sont un peu perdus, tant cet ultime chapitre, en dépit de belles révélations, manque de punch. Un sentiment regrettable, surtout quand on constate le degré de perversion et de cruauté contenu dans le dernier plan.

Mais la série demeure une éclatante réussite, un divertissement grinçant et euphorisant, qui assène un merveilleux coup de boule à la mode des super-héros, tout en leur déclarant un amour tordu plutôt touchant. Cette saison s’avère formidablement prometteuse, agressive, et jubilatoire.

 

Affiche

Résumé

Ne cherchant jamais à super-péter plus haut que son super-fondement, The Boys s'assume en caricature énervée de nos univers super-héroiques. Le résultat est un divertissement spectaculaire, souvent hilarant, qui dépasse largement ses petits soucis de finition.

Autre avis Geoffrey Crété
The Boys a de grosses baisses de rythme et gère mal tous ses personnages, mais détone avec sa peinture noire et brutale des super-héros, utilisés avec brio pour décrire un monde pourrissant qui créé ses idoles déviantes pour mieux contrôler la masse. Assurément une série qui a du sens en 2019, dans le paysage hollywoodien.
Autre avis Alexandre Janowiak
The Boys bouscule les codes en offrant au public un spectacle transgressif, gore et d'une noirceur hilarante. Une bouffée d’oxygène dans le monde super-héroïque, loin des productions de plus en plus aseptisées du genre.
Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(1.5)

Votre note ?

commentaires
Phoenixlechat
23/01/2020 à 01:09

Quelle claque !

J.Ciné
30/08/2019 à 00:47

Si visuellement et au niveau de l'univers, on est vraiment dans une approche originale du monde des super héros. Malheureusement, comme dans pas mal de série trop stylisées, Sur la longueur on sent le remplissage de temps entre les séquences fortes. Une fois de plus, on étale l'histoire avec des situations et des dialogues en mode bis repetita qui n'apporte rien et sont d'un commun confondant. Je pensais que les séries allait tuer le cinéma mais finalement qu'il est agréable de voir que certains réalisateurs vous provoquent autant d"émotion ou de réflexion en 2h et quelques, qu'une série en 6*45min*6 saisons. Heureusement certaines séries arrivent à ne pas s'étirer artificiellement, par exemple FARGO où aucune scène ou épisode ne sert à gonfler le récit.

comicsman
29/08/2019 à 20:07

on s’emmerde pas de rythme , heureusement qu'on a antony starr , avec son charisme et son jeu d'acteur qui nous fait tenir jusqu'à la fin .

Andarioch
21/08/2019 à 13:04

Plaisir de revoir Shue mais c'est surtout Starr, très prometteur dans Banshee, qui explose littéralement. Et le reste du casting est parfait.


17/08/2019 à 14:50

Critique parfaite !!! The Boys est une merveilleuse surprise entre Dark Knight et Watchmen. Et quelle performance totalement ahurissante d’Anthony Starr en Homelander !!

Light
12/08/2019 à 16:23

Une vraie pépite the boyz !
A la fois glaçant et réjouissant.
Dans l univers super héros déglinguos Doom patrol de l univers DC
Allez jeter un œil.

beyond
07/08/2019 à 16:22

Carrément pas d'accord pour le frenchie que je trouve excellent.

Hank Hulé
03/08/2019 à 15:23

Série assez originale mais qui manque de rythme passé le premier épisode. 7

Chris11
03/08/2019 à 13:12

Vu sur vos conseils, et j'adore. Merci :)

Gaidon
03/08/2019 à 12:15

Bof, série chiante et cheap

Plus
votre commentaire