Suicide Squad : Blaze - critique qui n'a plus rien à perdre
Après l'annulation de leur excellente série de comics sur John Constantine (réunie dans Simon Spurrier présente Hellblazer chez Urban Comics), le scénariste Si Spurrier (Saison de Sang) et le dessinateur Aaron Campbell (Infidel) se retrouvent pour Suicide Squad : Blaze, un comics sombre, brutal et fascinant sur l'équipe de super-vilains de DC disponible chez Urban Comics.
A-Team
À première vue, Suicide Squad : Blaze ressemble à une histoire de commando pure et dure, comme n'importe quelle autre mission de la Task Force X : un métahumain s'écrase sur Terre et se lance dans une série de meurtres à travers le globe, massacrant au moins trois personnes chaque jour au hasard. Personne ne réussit à le trouver ou à prévoir ses attaques, la Justice League est dépassée par la situation et la panique s'installe.
Pour arrêter cette menace inconnue, Amanda Waller réunit Harley Quinn, Peacemaker, King Shark et Captain Boomerang pour leur proposer de participer à un programme expérimental appelé le Brasier qui leur permet d'obtenir des pouvoirs surhumains, mais qui réduit considérablement leur espérance de vie. Le groupe de super-vilains n'est pas assez bête pour accepter, alors la directrice d'A.R.G.U.S. sélectionne cinq criminels ordinaires prêts à mourir dans les six mois à venir pour servir de cobayes et aider la Suicide Squad à trouver le tueur et l'éliminer.
Le scénario, simple et efficace dans les premières pages, suit le déroulé attendu dans ce genre de récit, avec un recrutement des prisonniers qui tourne à la mêlée générale, des situations totalement absurdes ou encore le traditionnel briefing de mission par Amanda Waller, plus impitoyable que jamais. L'humour noir et crasseux de Si Spurrier fonctionne parfaitement avec ce ton de sale gosse et cette inconscience qui définissent l'équipe de super-vilains, et la composition de l'équipe, la caractérisation des personnages ou la brutalité de certaines scènes d'action rappellent inévitablement le film de James Gunn.
Mais après cette introduction familière, Si Spurrier et Aaron Campbell renversent rapidement les attentes. Dès que l'équipe est déployée sur le terrain, le récit bascule alors dans une atmosphère sombre et horrifique, la violence devient encore plus graphique, et l'histoire relaie les têtes les plus connues de la Suicide Squad au second plan pour s'intéresser à ces criminels destinés à servir de chair à canon et à ce qu'ils décident de faire alors qu'ils se retrouvent plongés dans cette folie.
Mediocre Man
À mesure que les personnages se font décimer de façon brutale et sanglante, Suicide Squad : Blaze prend un ton de plus en plus noir et désespéré. Quelques résurgences de Crossed se retrouvent dans l'écriture de Si Spurrier, dans l'humour grinçant ou la cruauté de certaines séquences, lorsque le métahumain arrache les membres d'une de ses victimes comme si c'était une poupée ou quand Harley se jette sur une coéquipière pour lui planter sauvagement son couteau dans l'oeil.
Entre surréalisme, expressionnisme et art abstrait, les dessins d'Aaron Campbell offrent des visions d'horreur de plus en plus saisissantes lors des apparitions du métahumain et des affrontements avec la Suicide Squad. Ce style à l'influence picturale, qui évoque Bill Sienkiewicz, peut surprendre et manquer de lisibilité lors de certains combats plus classiques, mais ses jeux sur les ombres, ses effets de flou et les couleurs flamboyantes de Jordie Bellaire créent des images aussi envoutantes que cauchemardesques, qui renforcent parfaitement la noirceur du récit et l'étrangeté de la menace.
Au fil de la lecture, l'histoire se détache progressivement de l'action et du genre super-héroïque pour prendre une tournure plus complexe qu'une énième mission pour sauver le monde. Dans un style proche de Hellblazer, Si Spurrier et Aaron Campbell se servent d'un personnage pathétique et antipathique pour raconter leur histoire : celle d'individus lambdas qui se raccrochent à une dernière once d'humanité alors qu'ils voient la mort approcher.
Certains utilisent leurs nouvelles facultés pour trouver la rédemption, d'autres cherchent un ultime frisson avant de partir en beauté, tandis que le narrateur, Michael, un pauvre type qui a accepté de participer à cette opération simplement pour être avec celle qu'il aime, prend peu à peu conscience que son existence ne lui a jamais appartenu. À travers cette approche foncièrement nihiliste, le scénario développe alors une réflexion fascinante autour de la fatalité, de l'illusion du choix, de ce qu'est réellement le pouvoir ou le contrôle, tout en mêlant le cosmique, les énergies quantiques et d'autres forces inconnues à l'amour, l'immatériel et l'infiniment petit.
Malgré quelques longueurs, Suicide Squad : Blaze se révèle une proposition originale et surprenante, portée par des auteurs aux styles narratif et visuel marquants, et prouve une fois de plus après Batman : White Knight, Harleen, Suicide Squad : Get Joker et Catwoman : Lonely City que la création du Black Label est la meilleure chose qui soit arrivée aux super-héros de DC depuis longtemps.
Suicide Squad : Blaze est disponible depuis le 24 février 2023 en France chez Urban Comics.
27/02/2023 à 20:32
@Olivier-Olivier Non, j’ai écrit que « l'humour noir et crasseux de Si Spurrier fonctionne parfaitement avec ce ton de sale gosse et cette inconscience qui définissent l'équipe de super-vilains », ce qui n’est pas du tout la même chose.
Quant à la violence présente dans les dessins, le Black Label de DC réunit essentiellement des récits libres, qui se situent en dehors de la continuité de l’univers de DC et qui s’adressent à un public adulte.
27/02/2023 à 17:37
Tu parles d'un "humour de sale gosse". C'est carrément degueux, oué. Faut quand même employer les bonnnes expressions. Ca n'enlève rien au talent de l'ensemble, mais on dirait bien qu'on a affaire a un comic a ne pas mettre entre toutes les mains.
27/02/2023 à 13:39
@Cidjay : Non, pas du tout, ça reste un titre à part du Black Label, qui n'existe même pas dans la continuité de DC. Le DCU est inspiré des comics, mais n'a pas de rapport direct avec les publications de DC, sauf dans certains cas bien spécifiques (comme Riddler : Year One écrit par Paul Dano qui sert de prequel au film de Matt Reeves, ou les comics autour de la Justice Society of America qui accompagnaient la sortie de Black Adam).
27/02/2023 à 12:13
Du coup, c'est la première oeuvre officielle inter-médias du nouveau DCU de Gunn/Safran ?